Hier, les citoyens venus faire leurs courses au Marché Central de Tunis ont eu la désagréable surprise de trouver les étals vides et sont rentrés bredouilles, leurs couffins vides. Pas moyen de trouver un fruit, un légume ou un poisson dans les parages et pour cause ! A l'initiative de l'Union Régionale du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat (URICA) de Tunis, tous les vendeurs de viandes, volailles, poissons, fruits et légumes au sein du Marché Central ont observé une grève d'un jour en signe de protestation contre la réactivation du projet de loi no48, relatif à la révision de la loi 64-91 sur la concurrence et les prix. Cet amendement, datant de juin 2013, avait été proposé par Ali Laarayedh, alors chef du gouvernement. La grève des commerçants du Marché Central a enregistré un taux de participation de 100%. Vers dix heures du matin, certains d'entre eux se sont même dirigés vers le Bardo pour aller protester devant l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et crier leur colère contre cet amendement qu'ils considèrent comme « abusif et injuste ». Ezzeddine El Guesmi, Président de la Chambre Régionale des poissonniers, a pour sa part appelé les autorités concernées à revenir sur leur décision et à renoncer aux nouvelles dispositions en vigueur. Selon lui, les sanctions prévues pour punir les contrevenants sont excessivement exagérées et dignes des pires criminels et fraudeurs. A noter qu'en cas d'infraction avérée, le commerçant s'exposerait à une amende allant de 1.000 à 10.000 DT et à une peine d'emprisonnement allant de 6 mois à 5 ans. Pour sa part, Mohamed Ali Ferchichi, chargé de communication au sein du Ministère du Commerce, a déclaré: « L'amendement de cette loi doit certes permettre de mieux protéger les consommateurs contre les écarts de prix abusifs à travers des sanctions dissuasives mais nous ne voulons en aucun cas léser les commerçants. Ce n'est pas du tout notre objectif. Au contraire, le ministère s'emploie à garantir et à protéger les droits et les intérêts de toutes les parties. Toutefois, si les commerçants estiment que la loi ainsi amendée leur est nuisible, mieux vaut en discuter de vive voix pour apaiser les tensions et trouver au plus vite une solution. Au ministère, nous sommes ouverts au dialogue et prêts à la discussion et aux négociations. » D'ailleurs, tôt ce matin, le ministre du Commerce, Ridha Lahouel, s'est entretenu avec les représentants des quatre chambres régionales des bouchers, des poissonniers, des commerçants de fruits et légumes et ceux de la volaille de Tunis. A l'issue de cette première réunion, le rendez-vous a été pris entre les différents participants pour une nouvelle séance de travail lors de laquelle sera abordée plus longuement la nouvelle version de la loi sur la concurrence et les prix. Une Tunisie à bout de forces... Après le boycott sans précédent de la semaine bloquée par les professeurs du secondaire et celle des commerçants du Marché Central, voici que les agents de Tunisie Télécom ainsi que ceux de la Poste Tunisienne annoncent qu'ils seront quant à eux en grève demain, 19 mars. Les agents de l'Office National de Télédiffusion le seront, à leur tour, les 21 et 22 mars courant. Les enseignants du primaire ne sont pas en reste et observeront une grève le 15 avril prochain. De crise en scandale, de grève en sit-in, le navire Tunisie tangue au gré des flots et menace de couler à chaque instant, dans l'indifférence presque générale. Au lendemain du discours peu optimiste du chef du gouvernement sur les situations économique, sociale et sécuritaire vacillantes du pays, n'aurait-il pas mieux valu que chaque citoyen retrousse ses manches, se mette au travail et remette à plus tard ses revendications ? Car si ces mouvements sociaux sont totalement légitimes, leur timing est assurément mal choisi. La Tunisie, à bout de souffle, saura-t-elle résister plus longtemps ?