- Les dernières signatures des conventions sectorielles des médecins, des dentistes et des biologistes ont enflammé les débats et ont apparemment créé deux fronts La Caisse Nationale d'Assurance Maladie « CNAM » et le Syndicat Tunisien des Médecins Libéraux « STML » ont signé le 18 décembre 2006 une convention sectorielle. Cet accord a suscité des réactions multiples de la part des intervenants dans le secteur de la santé en Tunisie. C'est même un front de refus qui s'est objectivement constitué contre cette poussée que certains ont jugé précipitée. Ainsi, le Conseil National de l'Ordre des Médecins « CNOM » a considéré cette signature « hâtive » et a opposé des réserves à plusieurs de ses articles. Il a annoncé sa position dans un communiqué publié à travers des quotidiens de presse. Le Syndicat Tunisien des Médecins Spécialistes Libéraux « STMSL » n'a pas été, lui aussi, favorable à cet accord. Quant à l'UGTT, qui intervient sous un double titre dans ce dossier, elle représente en effet les assurés sociaux et les prestataires publics de santé, elle a annoncé qu'elle n'a pas été informée des dernières évolutions de ce dossier et n'a pas encore reçu de copies des conventions sectorielles signées. Elle rappelle qu'elle a passé un accord avec la CNAM en 2004 et qu'elle tient encore à son application. Elle ne voit pas les raisons de changer ses termes. Le Bureau Exécutif réuni hier à propos de ce projet de réforme de l'assurance maladie a rappelé des recommandations du congrès de Monastir à ce propos. L'UGTT exige que les trois modes de prestations ( tiers-payant, remboursement et prise en charge) entrent en application en même temps. Elle conditionne toute retenue sur les salaires des assurés sociaux à l'adoption d'un projet complet de la réforme suivant l'accord passé en 2004. On peut donc dire que la signature des trois conventions sectorielles des médecins, des biologistes et des médecins dentistes n'a fait qu'attiser les débats. Les réactions énergiques du STMSL (trois assemblées générales à Sfax, Gabès et Tunis en une semaine) dénotent de la susceptibilité des médecins spécialistes face au projet de convention sectorielle qu'on leur propose. Ceci a été notamment notifié lors de leur assemblée générale du samedi dernier à Tunis. Le Bureau Exécutif de l'UGTT a, quant à lui, adopté une position ferme à propos des modalités d'application de ce projet. Même les pharmaciens, quoiqu'ils ne soient pas directement impliqués dans les conventions sectorielles signées, n'ont pas manqué de signaler leurs réserves par rapport à l'empressement avec lequel elles ont été signées. Mourad SELLAMI
Ce que nous attendons de la CNAM Ridha Bouzriba, SG adjoint de l'UGTT : « C'est le tiers payant qui est le gage de quiétude des affiliés et c'est le puissant réseau centralisé qui est à la base de toute réforme réussie. Où en est-on par rapport à ça ? » Selon Ridha Bouzriba, Secrétaire Général adjoint de l'UGTT, chargé du dossier de la CNAM : « la centrale syndicale a toujours eu pour objectif d'améliorer la couverture sociale et sanitaire de ses affiliés. D'ailleurs, la mise à niveau des Etablissements Publics de Santé « EPS » a été notre cheval de bataille durant la dernière période. Même si la CNAM va permettre aux affiliés sociaux d'accéder aux soins dans le secteur privé, les « EPS » resteront la cheville ouvrière du secteur de la santé. Pour nous à l'UGTT, la réussite de la CNAM passe inévitablement par une mise à niveau réussie de ces EPS, qui deviennent alors une véritable alternative au secteur privé. Autrement, le projet de la réforme se résumerait à faire accéder les opérateurs du secteur privé de la santé aux bénéfices des dotations des caisses en matière de santé. D'ailleurs, et à propos de cette ouverture sur le privé, l'UGTT maintient son attachement au tiers-payant. C'est l'unique gage de quiétude pour les affiliés. Ainsi, les assurés sociaux ne se retrouveraient plus avec des casse-tête, ni avec les praticiens, non plus avec la CNAM. Donc, l'UGTT n'admet aucune retenue sur les salaires des affiliés avant l'existence d'une structure finalisée de la réforme qui justifierait cette retenue et une base de donnée fiable qui garantirait sa réussite. » M.S.
Chedly Fazâa, S.G. du syndicat des pharmaciens : « Pour réussir la réforme, les prestataires des services et la CNAM sont tenus de développer de nouveaux logiciels à plusieurs paramètres, une cartographie médicale et un fichier des affiliés, centralisé et accessible.» Les pharmaciens ont appartenu à l'intersyndicale des prestataires des services qui s'est formée pour donner des réponses harmonieuses au projet de la CNAM. Seulement, quelques membres de ce groupement interprofessionnel ont manqué à leur engagement d'une signature concertée de toutes les parties. Le Syndicat des pharmaciens et celui des polycliniques ont manqué à l'appel et ils continuent leurs parcours de négociateurs. Chedly Fazâa, le S.G. du syndicat des pharmaciens pense que : « Le principal problème qui se pose aux pharmaciens est la simplification de l'ordonnance. La CNAM demande l'introduction de plusieurs paramètres : Retrouver la catégorie de chaque médicament, son prix de référence et, éventuellement, son générique le moins cher. Le travail des pharmaciens ne se limite pas là, ils ont aussi à dresser des factures et à attendre les paiements. A ce niveau, nous sommes tenus à respecter les échéances car les grossistes peuvent nous arrêter l'approvisionnement en cas de manquement à nos engagements. Les grossistes sont, eux aussi, assujettis à des délais vis-à-vis des producteurs. La chaîne de paiement est très sensible, les exigences de la structure de remboursement de la CNAM, aussi. Il faudrait instituer de nouveaux logiciels à plusieurs paramètres, une cartographie médicale et un fichier des affiliés, centralisé et accessible à distance, pour prétendre réussir le projet de réforme. » M.S.
Dr Ali Jebira, S.G. du STMSL : « Rien ne sert de se presser à signer, l'essentiel, c'est de s'assurer d'avoir les fondements d'une CNAM viable, durable et équitable. Le projet de la réforme devrait permettre aux affiliés sociaux d'améliorer leur couverture sanitaire ». Le Syndicat Tunisien des Médecins Spécialistes Libéraux « STMSL » a été créé en réaction à une certaine orientation dans les négociations avec la CNAM sur le projet de réforme de l'assurance maladie. Ce syndicat créé, il y a un an, regroupe aujourd'hui plus de 1100 adhérents et prétend être le plus représentatif du corps des médecins spécialistes. Dr Ali Jebira, le S.G. du STMSL, pense : « C'est légitime que la CNAM cherche son équilibre financier, mais, ceci ne doit pas se faire au dépens de la qualité des soins. La CNAM est là pour développer la couverture sociale limitée et à l'élargir à toutes les pathologies pour améliorer le taux d'accès aux soins des assurés sociaux. Un tel objectif nécessite un mode de conventionnement qui lui est adaptable et qui respecte les normes de la déontologie, notamment en matière de libre choix du médecin par le malade et de respect de la fourchette ordinale et syndicale des honoraires. La convention sectorielle élaborée, entre la CNAM et le STML, n'a pas respecté ces normes et elle risque d'entraîner la diminution de la qualité des soins en essayant d'adapter les coûts des soins aux moyens de la caisse. Nous, à la STMSL, nous proposons que la CNAM assure plutôt un régime de base d'assurance-maladie, que le parcours de soins coordonné « PSC » laisse à l'assuré la possibilité de choisir son médecin et de le changer à tout moment du PSC. La convention CNAM-médecins ne devrait pas être un accord commercial mais une concorde sur la préservation de la qualité de la médecine et l'assurance d'un meilleur accès des affiliés aux soins. »