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M.Frank Pacard, Directeur de l'enseignement et de la recherche à l'Ecole polytechnique de Paris au Temps : «On a un savoir-faire qu'on souhaiterait partager avec nos partenaires tunisiens»
Le (The Times Higher Education) a publié, mercredi 11 mars 2015, son classement annuel des universités les plus réputées au monde. Cinq universités françaises figurent dans ce palmarès, dont l'Ecole polytechnique, cet établissement qui associe enseignement, recherche et innovation au meilleur niveau scientifique et technologique. Cette école accueille des élèves tunisiens, ainsi que des enseignants-chercheurs. Beaucoup d'anciens élèves tunisiens sont basés en Tunisie, en France et dans le monde, dont les parcours sont remarquables, en particulier dans la science, l'industrie ou la politique. Nous avons rencontré M. Frank Pacard, Directeur de l'enseignement et de la recherche de l'Ecole polytechnique depuis l'été 2013, que nous avons interviewé sur les récentes nouveautés de l'Ecole polytechnique susceptibles d'intéresser le public tunisien, à commencer par le lancement de la formation continue de l'Ecole polytechnique ainsi que sur les relations étroites en matière de recherche scientifique et d'entreprenariat entre la Tunisie et la France. Entretien : Le Temps : l'Ecole polytechnique fait partie des établissements d'enseignement supérieur les plus prestigieux en France. Pourriez-vous nous en parler davantage ? M.Frank Pacard :l'Ecole polytechnique française est une vieille institution créée en 1794, depuis la Révolution française, à l'époque où il y avait pas mal de choses à développer en France. La création de cette école était essentiellement basée sur les sciences et visait donc à produire des ingénieurs qui soient capables de servir l'Etat. Mais les sciences humaines et sociales occupaient une place aussi importante dans cette Ecole qui a produit au cours de son existence un grand nombre d'hommes de sciences, mais aussi d'hommes politiques. On a actuellement beaucoup d'anciens polytechniciens qui vivent à travers le monde où ils se sont installés pour monter des entreprises et réaliser des projets. L'Ecole a toujours eu des élèves d'origine étrangère, dont des Tunisiens, dont une partie est restée en France et une autre partie est revenue au pays d'origine. Bien entendu, l'accès à cette Ecole suppose une sélection drastique. Nous avons un effectif de 500 d'ingénieurs-polytechniciens par an. Nous avons aussi d'autres cycles de formation : 350 étudiants en Master et 570 en Doctorat. Notre formation est très axée sur la recherche du fait que tous les professeurs sont des ingénieurs chercheurs ou des chercheurs émérites Quels sont les objectifs de votre visite en Tunisie ? M.Frank Pacard :Nous avons chaque année des élèves tunisiens viennent dans notre Ecole soit dans le cadre du cycle ingénieurs soit dans le cadre du cycle master, soit pour faire un doctorat. Depuis longtemps nous avons des liens en Tunisie, nous avons même des professeurs de l'Ecole qui sont Tunisiens, c'est donc tout à fait naturel qu'on essaye de développer des collaborations et des partenariats avec des établissements tunisiens et de prendre les premiers contacts avec ces établissements pour voir si on peut développer des formations continues sur des thématiques qui intéresseraient la Tunisie. Quelles sont en fait les perspectives de cette coopération entre les deux pays ? On va justement faire en sorte que le nombre d'étudiants tunisiens qui puissent devenir ingénieurs-polytechniciens augmente un peu plus. On va essayer de promouvoir l'Ecole polytechnique en Tunisie. Comme vous savez, à l'Ecole polytechnique, il y a une sélection très rigoureuse, donc, c'est très difficile d'y entrer : c'est un gage de qualité. Ce qui caractérise aussi notre Ecole, c'est cet esprit de promotion : les élèves de la même promotion peuvent se rencontrer même 20 ou 30 ans après, ce qui fait en quelque sorte la richesse de l'Ecole en établissant ces liens entre les anciens élèves, et c'est très important pour nous d'avoir un certain nombre d'élèves étrangers. Malheureusement le nombre de places est limité, mais on souhaiterait d'augmenter un peu le nombre les inscriptions de nouveaux élèves tunisiens dans notre Ecole. D'autre part, on voudrait promouvoir la discussion avec plusieurs personnalités tunisiennes au cours de cette visite pour essayer de mettre en place des formations continues dans un certain nombre de thématiques comme par exemple l'entreprenariat et de voir si l'Ecole Polytechnique pourrait réaliser avec des partenaires tunisiens une formation continue en la matière qui permettrait d'aider les jeunes entrepreneurs tunisiens. Nous avons développé plusieurs programmes de formation continue en France qu'on peut coorganiser avec un partenaire étranger. Cela demande bien entendu l'adaptation de ces programmes au tissu industriel local et aux besoins du marché local... c'est pourquoi nous avons besoin de partenaires étrangers et là j'ai eu beaucoup de contacts et de discussions ces derniers jours avec des partenaires potentiels pour voir s'il y a un intérêt pour ce genre de coopération afin de mesurer la faisabilité de ce projet. Vous êtes l'initiateur des premiers MOOC (Massive Open Online Courses) en France : des cours en ligne accessibles à tous et gratuits. Pourriez-vous nous parler de cette expérience ? Effectivement, l'Ecole Polytechnique est en fait le premier établissement à mettre des MOOC sur des plateformes internationales. L'idée est de mettre à la disposition des cours qui s'adressent aux étudiants mais aussi à des gens qui travaillent déjà et qui souhaitent découvrir ou approfondir un thème ou une discipline. Ce sont des cours gratuits, donc accessibles par tous. Il suffit d'avoir un peu de volonté pour suivre ces cours. Ce sont des cours dispensés par des professeurs de l'Ecole Polytechnique, donc élaborés par une bonne équipe pédagogique. Cela a demandé un travail énorme ! des cours avec des vidéos de courte durée (15 à 20 mn) qui expliquent telle ou telle question et également des exercices à faire sont proposés. L'intérêt de ces plateformes est qu'elles proposent des forums de discussion. Ceux qui suivent ces cours vont pouvoir interagir entre eux, poser des questions aux professeurs... donc il s'agit d'une nouvelle pédagogie très riche. Nous avons, entre autres, lancé dans le cadre de ce programme un cours d'informatique sur les algorithmes. Pourquoi justement l'Ecole Polytechnique a-t-elle lancé ce programme des MOOC, Quel avantage en retirez-vous ? En fait, ce sont d'anciens élèves qui m'ont sollicité de le faire. Ils avaient suivi ce genre de cours aux Etats-Unis et m'ont exprimé leur vœu de voir pareille chose en France pour faire profiter ces cours à un public plus large, autre que celui des élèves de l'Ecole. Là, c'était l'une des premières motivations. Nos professeurs chargés d'élaborer ces cours de très bonne qualité sont rémunérés par l'Etat français. On a donc développé des cours en français pour un public francophone. Cependant, la pédagogie française est tout à fait différente de celle des Etats-Unis (objectifs, déroulement, progression...), quoique le principe soit le même. Il n'y a pas une seule pédagogie dans le monde, et c'est encore l'une des raisons pour lesquelles nous avons lancé ce programme. nous avons remarqué qu'il y a de plus en plus de personnes qui suivent ces cours de manière sérieuse. Quelles sont vos attentes de cette visite en Tunisie ? Je m'attends à ce qu'on puisse développer quelque chose de concret avec la Tunisie. Quelque chose qui ne soit pas très ambitieux, mais qui ait un contenu et qui puisse servir les deux pays. L'Ecole Polytechnique fait beaucoup d'effort pour développer l'entreprenariat et tout ce qui touche l'innovation. On a un savoir-faire qu'on souhaiterait partager avec nos partenaires tunisiens. C'est un projet qui me tient à cœur que j'essayerai de développer ici en Tunisie. Interview réalisée par Hechmi KHALLADI