L'Association des Anciens élèves du Collège Sadiki a organisé, jeudi 04 juin, au siège de l'Association à Tunis, une conférence autour de « La tunisianité dans la littérature tunisienne de langue française », donnée par Pr. Samir Marzouki. Né à Tunis en 1951, Samir Marzouki, agrégé de Lettres modernes et docteur d'Etat es-Lettres françaises, est professeur de littérature française et francophone et de littérature comparée à l'Université de la Manouba. Auteur prolifique, il écrit autant en français qu'en arabe : articles scientifiques, essais, fiction... Ancien directeur de l'éducation à l'Organisation internationale de la Francophonie, spécialiste d'Apollinaire et de Mallarmé, Samir a obtenu diverses distinctions dont le Prix national tunisien des Lettres et des Arts pour la littérature de jeunesse en 2005 et la médaille Senghor de la Francophonie en 2009. Il est par ailleurs producteur, depuis de nombreuses années, à la chaîne internationale de la radio tunisienne, de l'émission Intermèdes littéraires et de récits intitulés Contes du vieux retraité et président de l'Association tunisienne pour la pédagogie du français et de la Commission du Monde arabe de la Fédération internationale des professeurs de français. Ses poèmes et nouvelles apparaissent souvent dans des revues et journaux tunisiens et marocains. Il a publié des anthologies de littérature francophone, des ouvrages critiques, des récits pour la jeunesse et des poèmes « Braderies, poèmes pour tous les goûts, un peu passés de mode » (Maison tunisienne de l'édition, 1990); « Je ne suis pas mort » (Cérès Editions, 1996), « L 'Aventure de la maison abandonnée » (Cérès Editions, 2002), « L'Inconnu à l'œil de verre » (Cérès Editions, 2003.), « Le Rocher dans la mer (Cérès Editions, 2004) et « Le vampire de Aïn Draham et autres contes » (Cérès Editions, 2008). La littérature tunisienne de langue française existe bel et bien et ne cesse de prospérer d'une année à l'autre, que ce soit au niveau de la production d'écrivains, romanciers, nouvellistes ou poètes résidant en Tunisie ou à l'étranger, notamment en France. Le lecteur francophone, tunisien ou français, ressent cette particularité purement tunisienne dans les œuvres de ces écrivains, c'est ce qu'on appelle « la tunisianité » de la littérature tunisienne de langue française. C'est que ces écrivains n'hésitent pas à introduire dans leurs récits (poèmes ou romans) des mots ou des expressions puisés dans le terroir. A ce propos, le conférencier a souligné : « écrivant dans une langue seconde, l'auteur apporte à cette langue tout un substrat linguistique qui est celui de sa langue maternelle, ce qui donne à la langue qu'il emploie une saveur nouvelle aux yeux du lecteur français mais aussi au lecteur appartenant à la même communauté qui reconnaît l'expression employée mais la trouve étrange et belle dans son nouvel habit linguistique. » Ces mots et expressions introduites dans leurs récits deviennent ainsi une matière culturelle essentielle dont ils ne sauraient se détacher. Au cours de sa conférence, Pr. Samir Marzouki, cite deux auteurs types, à savoir Salah Guermadi, le poète tunisien qui reste une référence pour les poètes actuels et Anouar Attia, écrivain trilingue qui vient de traduire en anglais de larges extraits de Guermadi et à qui le Comar d'Or 2015 du roman a été attribué pour son œuvre « Les Trois Grâces » écrite en langue française. Le conférencier donnait des exemples extraits de l'œuvre de Guermadi qui illustrent cette tendance à employer des locutions et des formules bien de chez nous dans son œuvre poétique. C'est ainsi qu'on peut lire dans « Nos ancêtres les bédouins » ces quelques vers : Mal de nommer compatriotes des hommes candides. Qui grignotent des glibettes qui mangent du kadide En dépeçant nos ongles marinés dans l'acide Remarquons ici l'emploi des deux mots « Glibettes » et « Kadide ». Voici un autre exemple lu par le conférencier, extrait du poème « Conseils aux miens pour après ma mort » : Ne prononcez pas le jour de mes obsèques la formule rituelle Il nous a devancés dans la mort mais un jour nous l'y rejoindrons Ce genre de course n'est pas mon sport favori. Dans cet extrait, (vers 2), il s'agit d'une traduction quasi littérale de l'expression très employée chez nous à l'occasion de la mort de quelqu'un, comme s'il s'agissait d'une course vers l'au-delà, l'infini, que le poète semble refuser (vers 3). Le conférencier a démontré, à titre de comparaison avec la littérature maghrébine, que l'œuvre de Guermadi et Attia est spécifiquement tunisienne plus que ne le sont, par exemple, les œuvres algériennes ou marocaines d'expression française, c'est que les œuvres francophones des écrivains tunisiens ont plus tendance à exhiber le terroir auquel ils appartiennent. Cette approche littéraire adoptée par ces deux écrivains qui consistent à introduire des mots, des expressions ou des structures d'origine tunisienne, montrent les couleurs et les saveurs linguistiques locales qui enrichissent le texte français. Bien qu'écrivant en français, a ajouté le conférencier, le romancier ou le poète tunisien savent que leurs sentiments ne peuvent prendre toute leur valeur et toute leur expressivité que grâce à la langue mère.