Marlène-Luce Tremblay est une artiste photographe, amie de longue date de la Tunisie. Elle est parmi nous ces jours-ci pour participer à l'exposition tuniso-canadienne qui se tient à la galerie Saladin de Sidi Bou Saïd. Elle s'emploie depuis plusieurs années à promouvoir les questions interculturelles et interreligieuses par le biais de son art. A travers une démarche artistique originale, et suite à de nombreux voyages au Moyen-Orient, Elle présente dans son œuvre une vision symbolique du monde arabe. Elle a fait de nombreuses expositions personnelles et collectives. Sa première exposition personnelle fut organisée à Cuba, en 2001. Elle a remporté le prestigieux concours Soho International Art Competition de New York en 2003, et le Deuxième Grand Prix lors d'un autre concours international en Tunisie en 2005. Tremblay a exposé au Canada, aux Etats-Unis, en Egypte, en France, en Tunisie, et à Londres. Ses œuvres sont accrochées aux cimaises de plusieurs ministères à l'exemple de l'Egyptian Foreign Affairs et l'Egyptian Tourist Authority au Caire; à l'Ambassade d'Egypte à Londres et à Ottawa. Nous l'avons abordée lors de notre visite à cette exposition où elle nous a longuement parlé de son parcours artistique, du grand intérêt qu'elle accorde aux pays arabo-musulmans et de son attachement à la Tunisie. Entretien. Le Temps : Tout d'abord, qui est Marlène-Luce Tremblay ? Marlène-Luce Tremblay:Je suis artiste photographe, d'origine canadienne. Je vis actuellement à New York et travaille comme assistante à l'information au bureau du porte-parole du Secrétaire général de l'ONU. J'ai étudié la photographie à l'Institut de photographie du Collège Dawson de 1987 à 1989 et a commencé à travailler comme photographe de presse. J'ai terminé mes études et décroché en 1998 un baccalauréat en Arts de l'Université McGill, avec major en Sciences politiques. Je poursuis encore mes activités artistiques dans le cadre des échanges culturels. J'ai exposé dans plusieurs pays du monde : à Montréal, au Caire, à New York, à Paris, à Londres, en Tunisie, en Algérie et en Egypte dans le cadre du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre le Canada et ce pays. Que représente l'art pour vous et comment êtes-vous venue à la photographie ? L'art pour moi, c'est la vie. Une société sans arts est une société morte. L'art n'a pas de frontières, c'est un langage universel qui s'adresse à tous. L'art est porteur de messages. J'ai commencé à travailler comme photographe de presse en poursuivant toujours mes études artistiques. Le portrait, les événements spéciaux et les conférences de presse m'ont alors fourni l'occasion d'exprimer mon talent et d'affiner ma technique. Le Temps : Vous êtes assistante à l'information à l'ONU, comment vous conciliez entre vos activités professionnelles et artistiques ? Marlène-Luce Tremblay: Franchement, parfois, c'est difficile ! Comme je suis en fin de carrière à l'ONU, je quitterai dans environ deux ans. Ma production d'avant était plus dense et je compte retrouver mon rythme d'antan. J'ai beaucoup de choses à montrer dans l'avenir, à part les travaux que j'ai à Montréal et à New York qui n'ont jamais été exposés. Je vais donc me consacrer entièrement à l'art. Avant de vous rejoindre à l'ONU, en tant qu'assistante à l'information, vous étiez la créatrice d'un projet intitulé « Al-Kalimah » Pourriez-vous nous en parler? La série « Al-Kalimah » fait partie d'un projet artistique animé par le désir de réduire l'écart qui semble de plus en plus se creuser entre le monde occidental et le monde arabe. J'ai choisi d'entreprendre cette première partie du projet sous le thème de l'Islam car, historiquement, cette culture religieuse fut à l'origine d'une civilisation mondiale, pluriethnique, multiraciale et internationale. Ce projet artistique consiste à faire connaître la richesse et l'étendue de la culture islamique. Les images prises lors de mes voyages en Egypte, en Jordanie, en Turquie, à Jérusalem, en Syrie ainsi qu'à Grenade en Espagne (l'Alhambra), m'ont servi de toile de fond pour la juxtaposition de la calligraphie arabe de l'Islam. La démarche artistique adoptée dans ce projet consiste en une superposition de couleurs et d'images où se révèlent les précieux versets du Coran. Ces versets coraniques ainsi superposés dans mes photographies constituent des messages universels de paix. Mon ambition est donc de faire en sorte que l'art puisse servir de pont entre Occident et Orient, ce qui pourrait nous permettre d'envisager des voies d'entente et de respect mutuel. L'Occident est appelé à établir de solides relations internationales en appréciant à leur juste valeur les modes de vie et la culture du monde arabe. C'est ce que j'ai essayé de montrer dans mon projet « Al-Kalimah ». Vous travaillez aussi bien sur la photographie argentique que la photographie numérique. Parlez-nous un peu des techniques que vous utilisez dans vos œuvres. Après avoir travaillé uniquement en photographie argentique pendant de nombreuses années, j'utilise maintenant la photographie numérique pour teinter mes images en mettant en évidence l'aspect pictural. J'essaie de mettre en lumière la beauté du monde naturel et du paysage urbain. La technique artistique, que j'ai créée consiste à combiner deux supports différents – photographie et peinture – pour produire de nouvelles et uniques œuvres d'art. Mes images sont à l'origine des tirages argentiques qui ont été par la suite teints en laboratoire en utilisant des pigments et produits chimiques pour créer des teintes spéciales et uniques pour chaque cliché. Chaque tirage a été imprégné de ces teintures, baignant d'un bassin à l'autre pour arriver à une teinte désirée et propre à l'image. Une fois les tirages teints, ils ont été numérisés et transposés sur toile et enduits de peinture à l'huile. Finalement, chaque pièce est unique en soi car il y a des variations de couleurs par l'ajout de la peinture qui font partie du processus de création. Que pensez-vous des arts plastiques en Tunisie ? Oui, j'aime beaucoup l'art tunisien : je trouve qu'il y a une grande variété de styles et de techniques adoptés par les artistes-plasticiens de Tunisie. Ils font un travail très riche et vous avez des peintres talentueux et je vois que les gens fréquentent de plus en plus les galeries et ils apprécient l'art et la culture, les arts plastiques ne sont pas l'apanage d'une couche sociale aisée, mais je vois qu'ils sont à la portée de tous en Tunisie. Les œuvres que vous exposez actuellement à la galerie Saladin offre une certaine ambigüité et risquent d'être incomprises par le visiteur. Qu'en dites-vous ? Oui, Je vous remercie pour votre remarque et j'estime qu'une explication pour chaque morceau s'impose. Cependant, je préfère laisser le spectateur emettre sa propre explication, sa propre interprétation, car je crois que nous avons tous une compréhension différente des choses. Dans ces œuvres, j'ai travaillé surtout sur la lumière : c'est un tirage argentique sur toile que j'ai enduit de peinture.