Le 14 juillet dernier, présidant le conseil des ministres, comme le lui permet la Constitution, Béji Caïd Essebsi, initiateur du projet de loi sur la réconciliation nationale, a déclaré que celui-ci vise à « relancer l'économie et à améliorer le climat des affaires ». Il a souligné, à l'occasion de la présentation dudit projet, que la réconciliation nationale est en faveur de ceux qui sont coupables de crimes économiques sous l'ancien régime et qui pour le moment se trouvent en fuite à l'étranger pour éviter d'être jugés et condamnés à des peines de prison. Il serait donc plus intéressant, de « tourner la page, a-t-il encore expliqué afin de leur permettre de réintégrer le territoire national, et les inciter à participer à la relance de l'économie. Le président de la République est donc convaincu que les hommes d'affaires en fuite veulent bien rentrer chez eux et participer au renflouement de l'économie nationale, n'était-ce la peur d'être arrêtés qui les dissuade. Quid cependant des personnes concernées par le décret de confiscation des biens ? Ridha Belhaj directeur du cabinet présidentiel a précisé à ce propos que ledit projet de loi ne leur est pas applicable, ajoutant que les personnes poursuivies en justice et suspectées de corruption ont la possibilité de faire une demande de conciliation auprès de la commission concernée. Toutefois les avis sont mitigés concernant cette loi, laquelle serait pour certains, de nature à diviser les Tunisiens, car elle aurait des répercussions négatives sur la sécurité et l'unité du pays. C'est ce que pense par exemple, le député Mongi Rahoui, qui appelle au retrait de ladite loi, celle-ci favorisant dit-il, le « recyclage de la corruption ». Quant au député de Nida Tounes, Abdelaziz Kotti, il estime au contraire que cette loi doit-être défendue car elle est « au cœur de la Révolution ». Selon certains observateurs, les contrebandiers seraient derrière les positions prises contre le projet de loi, car ils craignent pour leurs commerces, dans le cas où les restrictions contre les hommes d'affaires en question seraient levées. Ils ne seraient plus les maîtres à bord dans ce cas. Ils continuent donc à inciter les militants des droits de l'Homme et les représentants des parties d'opposition à s'opposer contre ladite loi. Les droits de l'Homme sont fondés essentiellement sur l'impartialité. La loi s'applique à tout le monde de manière impartiale. Le projet de loi permettra la levée des poursuites et des jugements, ainsi que l'exécution des peines contre les fonctionnaires et assimilés poursuivis pour des actes de malversations financières, sauf corruption et détournement de fonds. Sans pour autant négliger le droit des victimes. C'est là le lien entre la Justice et la réconciliation afin de mieux respecter les droits de l'Homme. Selon l'Instance Vérité Dignité la réconciliation nationale concernerait plus d'un millier de fonctionnaires ainsi que des établissements publics et semi-publics ainsi que des banques, en plus de plusieurs ex-ministres et hauts commis de l'Etat. Sihem Ben Sédrine présidente de ladite instance a pour sa part affirmé que ledit projet de loi est contraire à la Constitution, ajoutant que la commission de réconciliation nationale qui sera formée une fois la loi adoptée, sera appelée à revoir les prérogatives de certaines instances constitutionnelles, car elle ne respecte pas les principes de transparence et de neutralité requises dans pareil cas. Elle a ajouté qu'elle n'a pas reçu officiellement copie dudit projet de loi et qu'elle est en train de consulter des experts en la matière afin de connaître avec précision les répercussions de ladite loi sur le travail de l'Instance. Pour sa part Ahmed Souab, magistrat au tribunal administratif qui a présenté hier sa démission de la commission de confiscation de biens, a déclaré qu'il a des réserves sur le projet de loi sur la réconciliation nationale, « tel que présenté par le président de la République ». La réconciliation nationale fera-t-elle enfin l'objet d'une résolution ? La polémique semble pour le moment l'emporter entre ceux qui pensent à l'intérêt national, au-delà de toute considération partisane et ceux qui s'opposent à une telle démarche en avançant des arguments plutôt populistes. Une concertation est nécessaire entre les différents acteurs de la scène politique afin que la réconciliation soit synonyme d'unité nationale, loin des suspicions et des intérêts privés.