Un million de femmes « Hraïer Tounès » se sentent trahies par Nida Tounès et les décideurs au sommet des institutions et pour cause, elles ont fait campagne en faveur du parti « Bourguibien » et de son leader Béji Caïd Essebsi avec pour slogan : « Je ne suis pas Meherzia », en référence à Mme Meherzia Laâbidi, vice-présidente (ou plutôt, présidente bis) de l'Assemblée Constituante et membre influent du parti islamiste Ennahdha. Encore que selon toute vraisemblance Mme Laâbidi ne serait ni obscurantiste ni rétrograde mais attachée tout de même aux valeurs spécifiques de son parti que les femmes tunisiennes libérées et attachées à la modernisation bourguibienne refusent et rejettent en bloc. D'où cette levée de boucliers de la voir présider la commission de la femme, de la famille et de l'enfance à l'ARP. M. Lazhar El Akremi, à son tour, exprime son amertume de voir « Nida Tounès » quelque part « chiffonné » au niveau de la participation au pouvoir et totalement ou presque marginalisé quant aux décisions et choix de gouvernement. Il démissionne du gouvernement pour protester contre cet aspect quelque peu inhabituel en Démocratie parlementaire, où le parti vainqueur des élections ne gouverne pas et est plutôt mis au coin des déclassés du pouvoir ! Tout cela est tout a fait compréhensible et était attendu pour les gens avertis depuis belle lurette. En effet, Nida Tounès et son président fondateur avait pour objectif de rééquilibrer le paysage politique, le dégager de l'hégémonie structurelle et idéologique du parti Ennahdha une véritable machine de mobilisation identitaire tout terrain et surtout de ramener le parti islamiste à sa véritable dimension soit à 20-25% de l'électorat tout au plus. Cerise sur le gâteau, les élections législatives et présidentielles ont mis Nida Tounès en pôle position respectable bien que non dominante à l'extrême. Mais tout s'est arrêté là et comme dit la métaphore tunisienne, on s'est arrêté au : « Malheur à celui qui fait la prière » « Wailon lel musallina) ! En effet, Nida Tounès n'a pas enfoncé le clou et n'a pas pris le leadership de la vie politique, alors que l'occasion était offerte et le mandat des électeurs on ne peut plus clair. Agressé, par une campagne d'Ennahdha et ses dérivées du CPR, de Ettakattol, et même de partis opposés à la Troïka, sur le thème de « Attaghawaoul » (l'hégémonie) et le risque d'une réédition de la Troïka, Nida Tounès et ses décideurs ont plutôt joué profil bas en faveur d'un consensus pour un gouvernement de technocrates indépendants sous la houlette de M. Habib Essid qui avait des atouts de taille : homme de sécurité, bosseur discipliné et surtout, honnête et non magouilleur politiquement. Cette alternative a fini par séduire le président, et le parti Ennahdha ne rêvait pas tant de voir Nida Tounès, hors circuit alors qu'il était vainqueur ! C'était un peu une nouvelle « Troïka » devenue (Quartet) à l'envers, c'est-à-dire, sans le parti Ennahdha, hégémonique et dominant, qui, en l'espace de moins de trois ans, a failli déstructurer l'ensemble de l'identité nationale et le modèle spécifique tunisien bâti patiemment depuis Kheïreddine Pacha et Bourguiba. Aujourd'hui, et plus que jamais, les manœuvres des uns et des autres visent l'affaiblissement de Nida Tounès. En tout cas, sur le terrain, c'est sans appel. Ce n'est pas Nida Tounès qui est courtisé par les prétendants pour 2019, mais bel est bien, Ennahdha et un peu moins l'UGTT ! Aujourd'hui, tout baigne pour le parti islamiste qui soutient franchement le gouvernement Essid mais qui campe sur toutes ses positions acquises du temps de la Troïka, y compris le contrôle des mosquées dont il se réclame comme le dépositaire unique, et cela nous l'avons vu dans la défense farouche de l'imam limogé de Sfax, et qui est plus que connu pour ses positions anti-Nida, anti-Caïed Essebsi et anti-modernisation, pour ne pas dire plus et remuer le couteau dans la plaie en revoyant ses prêches enflammées et plus qu'obscurantistes sur le Net. Ennahdha ne lâche rien ! Elle brasse très large, rassure le président et le gouvernement, mais avec « Hraïer Tounès » ça ne passe pas ! Car, elles savent le prix à payer et que tous les compromis « politiciens » ne font que consacrer le contrôle d'Ennahdha sur notre identité tant, que le parti islamiste n'a pas clairement opté pour devenir un « parti civil et démocratique ... » point à la ligne ! Les femmes tunisiennes ont raison de se battre pour leurs acquis menacés, aujourd'hui et demain, par la prédication obscurantiste des « amis », encore d'Ennahdha, dont les fameux Karadhaoui, Wajdi Ghoneïm, Laârifi et autres Ramadhan ! Nida Tounès est devant un test de vie ou de mort. Ou bien il réhabilite ses « valeurs » qui l'ont porté au triomphe avec cette synthèse incontournable de « Bourguiba-Hached et Fadhel Ben Achour », avec la sauvegarde, d'abord, et toujours, de l'identité spécifique tunisienne et son modèle unique dans le monde arabe et musulman et c'est le salut. Ou bien il fédère de plus en plus dans une alliance tactiquo-stratégique avec Ennahdha, tout en étant faible et divisé, structurellement, et là, il sera déclassé. Nida Tounès doit renaître de ses cendres et mettre le rapport de forces de son côté, en s'attachant à ses valeurs essentielles et immuables, qui sont réclamées par « Hraïer Tounès » et les citoyens par millions qui ne veulent pas « fondre » dans un « système » qu'ils ne contrôlent pas et qui est plus que « fluide » celui de l'Islam politique ! Ceci n'empêche pas les compromis au niveau de la gestion, pour assurer la paix sociale et la paix tout court. C'est une équation à double tranchant. Perdre son âme, pour le Nida c'est perdre le pouvoir sur le présent et l'avenir ! Take care ! K.G