« Nidaa Tounès » n'a pas volé sa victoire ! Et alors, que ses adversaires célèbrent leur « non sanction » euphoriquement, par les électeurs après les dérives majeures de trois ans d'échec et de marasmes économiques, sa direction et ses cadres se font humbles et dignes. Voilà qui nous change déjà des tentations hégémoniques assourdissantes de la défunte « Troïka » et annonce une ère du « raisonnable »... responsable, une ère de réconciliation des Tunisiens avec leur identité véritable. Le peuple tunisien qui vient de récupérer son Etat, doit vite panser les blessures et les traumatismes vécus au plus profond de son âme durant les trois dernières années ! Première urgence, décréter (spirituellement, bien sûr) une trêve de longue durée sur « l'identité ». L'Islam politique doit comprendre une fois pour toute que la Tunisie n'est ni terre de « Jihad » ni terre de « Daâwa » ! D'ailleurs, au temps des braises où la Tunisie était sous la menace permanente du wahabisme zélé des prédicateurs locaux et surtout venus d'Orient, tels les Ghoneïm, les Aarifi et compagnies. Un certain M. Samir Dilou, haut cadre de la Nahdha, dans un moment d'extrême lucidité et de courage, avait dit la même chose, mais il s'est rétracté de fait par la suite pour défendre « Ansar Achariaâ », groupe terroriste allié à l'Aqmi et à Al Kaïda... Dommage ! Ceci prouve que la Nahdha qui semble, aujourd'hui, vouloir changer de cap et prendre ses distances vis-à-vis de la nébuleuse des « frères musulmans », a beaucoup de chemin à parcourir pour prouver sa crédibilité de parti « civil-démocratique » et démontrer sa bonne foi aux électeurs de 2020, soit dans cinq ans. Attention... c'est demain ! La Tunisie a une identité millénaire de Carthage à Kairouan, de la Zitouna à Sadiki aevc cette brillante synthèse du libéral Bourguiba, du syndical et social Hached et du docteur de l'Islam, le cheikh Fadhel Ben Achour, une synthèse qui a fait ses preuves et qui a donné la modernité spécifique musulmane de ce pays de charme et de paix. La Nahdha en focalisant depuis sa prise de pouvoir en octobre 2011 et son contrôle intégral de l'ANC avec la complicité de partis démocratiques de support et n on de commandement (d'ailleurs, ils l'ont payé chère, la note bien salée cette fois-ci), a fait fausse route parce que la tentation hégémonique et le projet de « ré-islamisation » de la Tunisie était à contre-courant des objectifs et des valeurs de la Révolution de décembre-janvier 2011, elle même. Les Tunisiennes et les Tunisiens, angoissés et frustrés, voyaient chaque jour leur pays s'éloigner de la Méditerranée pour se mettre sur orbite « martienne » inspirée par l'Orient et tous les schismes bizarres de l'Islamisme radical et extrémiste étrangers à la Tunisie. Nos frontières sont devenues des passoires pour les terroristes de l'esprit et du corps. Des centaines, peut-être même des milliers de « visas », ont été accordés aux charlatans et autres « négociants » en religion pour opérer le lavage systématique des cerveaux de nos jeunes hommes et jeunes filles et les embrigader pour servir de chair à canon aux escadrons de la mort en Syrie, en Libye et en Irak. Nous avons vécu une sorte de « guerre froide » mais une véritable guerre de tranchées et de religions ! Kairouan, la ville de la lumière, capitale de l'Empire aghlabite, qui a soumis à son trône, la moitié sud de la Méditerranée pendant plus d'un siècle, Kairouan, ville de Sahnoun, grand imam et exégète de l'Islam sunnite, de Ibn Rachiq et de Ali El Houssari al Kairaouani, l'un des plus grands poètes arabes de tous les temps, est devenu le siège des congrès de « Ansar Achariaâ » avec la bénédiction des pouvoirs régionaux et centraux ! Voilà où nous en sommes arrivés, et n'était-ce la résistance farouche et prodigieuse des forces démocratiques, de la société civile et des femmes libres (Hraïer Tounès) qui ont campé au Bardo, de longues nuits, nous aurions eu, aujourd'hui, une « non-élection » d'un Etat à nouveau despotique au nom de la religion... Un Etat obscurantiste. J'ai écouté attentivement Mme Meherzia Laâbidi, par ailleurs, joviale et sympathique, qui a été le numéro « un – bis » de l'ANC, pendant toutes ces dernières années, à « Hannibal T.V » redire et réargumenter la thèse de M. Rached El Ghannouchi, comme quoi, la Nahdha a accepté de céder le pouvoir dans l'intérêt de la Nation ! Ceci est bien vrai pour le « Sadr » (ou préambule) comme disent les poètes. Mais, la vice-présidente en puissance de l'ANC du temps de la Troïka ne va pas au corps du sujet ou « El Ajouz » comme disent les mêmes poètes. Elle ne dit pas que sans les martyrs de feu Chokri Belaïd, et Haj Mohamed El Brahmi et sans le « siège » du Bardo par les manifestants et manifestantes de la liberté de jour et de nuit et des démocrates, la Constitution que nous avons fêtée dans la concorde générale, aurait été tout à fait autre, avec une orientation ascendante « frères musulmans » ! Oui, chère Madame, on vous respecte, mais, si vous saviez ce que les Tunisiens ont enduré toute cette période où la Tunisie et ses acquis majeurs de la modernité et de l'Etat national, étaient menacés de déconfiture et de défiguration, vous parleriez autrement ! La Nahdha découvre à nouveau, aujourd'hui, et sous la pression des faits, les vertus de la démocratie civile et c'est tant mieux. Mais, elle n'a jamais fait d'elle-même, et de gaité de cœur, ces « concessions » du temps où elle régnait sans partage sur le pays. Ceci, pour la mémoire ! Mais, tournons la page et soyons vigilants pour que plus jamais la Tunisie ne soit l'enjeu des luttes de leaderships à l'échelle régionale et internationale. La Turquie et le Qatar sont à l'Est... nous sommes à l'Ouest et bien dans notre peau ! Nous pouvons être de bons partenaires, respectueux de nos identités spécifiques... mais jamais sous « protectorat » de qui que ce soit et encore moins des « frères musulmans » et des systèmes décadents ! MM. Erdogan et l'Emir du Qatar et sa « Jazira » ont mieux à faire que de décider de ce qu'on doit « être ». Nous sommes Tunisiens, libres et fiers de l'être ! K.G