A la veille du réexamen de l'affaire des martyrs et blessés de la Révolution, de Tala, Kasserine, et du Grand Tunis conformément à la décision de la Cour de cassation d'avril 2015 qui a cassé le jugement prononcé en appel et demandé de rejuger l'affaire par une Cour autrement composée, l'Association des martyrs et blessés de la Révolution a organisé, hier, à Tunis, une conférence au cours de laquelle, tout en se félicitant de l'arrêt de la Cour de cassation, elle a réitéré ses réserves concernant le principe même de l'examen du dossier par la justice militaire. La conférence a été organisée sous le slogan : « nous refusons que les martyrs soient trahis une deuxième fois », tandis que le réexamen de l'affaire doit démarrer, à compter de ce jeudi 12 novembre. La présidente de l'Association, l'avocate Lamia Farhani, a indiqué que l'arrêt de la Cour de cassation réclame une requalification des actes incriminées de manière à les considérer comme étant de graves violations des droits de l'homme, en accord avec leur qualification par le rapport de la commission d'investigation sur les faits ayant marqué la Révolution, présidée par Taoufik Bouderbala, et non pas comme de simples actes de violence ayant entrainé la mort et des homicides involontaires tels que qualifiés par les précédentes cours militaires qui avaient jugé l'affaire, en première instance et en appel, et qui les avaient ramenés, ainsi, à de simples délits passibles de peines ne dépassant pas trois ans d'emprisonnement. Aussi, a-t-elle dit, les accusés, ayant purgé leurs peines en détention préventive, avaient été libérés. Elle a ajouté que « nous estimons que le mieux et le plus conforme à la nouvelle Constitution tunisienne et aux nouvelles législations tunisiennes qui en sont issues, comme la loi relative à la justice transitionnelle, est de confier l'examen de l'affaire des martyres et blessés de la Révolution aux chambres spéciales devant être mises en place dans les tribunaux ordinaires pour juger les affaires relevant de la justice transitionnelle, étant donné qu'il s'agit de crimes relevant des graves violations des droits de l'homme ». Elle a demandé l'accélération de la procédure de mise en place de ces chambres spéciales, déplorant ce qu'elle a appelé une volonté délibérée de diluer l'affaire des martyrs et blessés de la Révolution et de clore le dossier, au plus vite, à jamais. Or, a-t-elle affirmé : « nous voulons que toute la vérité soit faite sur l'affaire et que les coupables trouvent le châtiment qu'ils méritent ». Elle a, à cet égard, ajouté que son Association émet des réserves concernant la liste définitive des martyrs de la Révolution que les autorités compétentes s'apprêtent à publier, en mutilant la liste préliminaire établie par la Commission d'investigation, à travers la suppression abusive de plusieurs noms, sans tenir le moindre compte des retombées néfastes de telles mutilations sur les mères et les familles des martyrs considérés. Elle a souligné que son Association refuse cette liste définitive des martyrs et dénonce le fait que celle des martyrs soit séparée de celle des blessés dont l'établissement est différé pour plus tard. Au nom de la Révolution Mme Lamia Farhani a dit voir dans ces initiatives des atteintes inacceptables à l'esprit de la Révolution, d'autant que cette publication intervient dans un contexte politique fragile du fait des problèmes agitant le parti qui dirige la coalition gouvernementale. Elle a estimé que tout ceci pourrait donner des arguments et des motifs supplémentaires pour retourner définitivement la page de la Révolution, au profit de certaines parties. La présidente de l'Association des familles des martyrs et blessé de la Révolution a également déploré la position de l'Instance vérité et dignité envers le dossier des martyrs et blessés de la Révolution, appelant cette Instance à assumer la responsabilité qui lui échoit dans ce domaine et à être aux premiers rangs des défenseurs de la cause des martyrs et des blessés de la Révolution, du moment que le défense de leur cause relève intimement de ses attributions, en vertu de l'article 8 de la loi relative à la justice transitionnelle. En conclusion, elle a souligné la nécessité de réhabiliter l'esprit de la Révolution, en rendant justice à ses martyrs.