Dans un texte très impressionniste, Naima Amine campe des personnages, taraudés par le destin et flottant entre fatalisme, musique et nostalgie. Naima Amine est le pseudonyme d'une éminente germaniste tunisienne, enseignante universitaire, aujourd'hui à la retraite, taquinant les muses et se consacrant à l'écriture. Sous l'emprise de la fiction Son premier ouvrage, "La Planète Bleue"" vient de paraitre aux éditions Perspectives, au sein de la collection Art et Création. Il s'agit d'un recueil de nouvelles - l'auteur semble d'ailleurs préférer le terme de "récits"- qui ont été conçues de longue date, écrites depuis une décennie pour certaines d'entre elles et ne paraissent que maintenant, en 2015. Le livre contient six récits, six nouvelles qui, pour l'essentiel se déroulent en Tunisie et plantent leur univers dans le tragique ou le fantastique dans la veine de Maupassant. Une touche d'humour irradie également ce recueil de 200 pages qui sont autant d'incursions dans des mondes subtils ou graves, marqués par le sceau de la fiction. "La Planète bleue" est le titre d'une des nouvelles. Naima Amine y relate avec talent les tribulations de trois frères du temps de la décennie noire vécue par l'Algérie. Destins croisés, univers pesant sans perspectives de sortie, Amine crée une atmosphère implacable, un ersatz de planète pour zombies, prisonniers et poussière d'hommes libres. Les tonalités sont différentes dans les cinq autres nouvelles. Probablement autobiographique jusqu'à un certain point, "James Dean à Sousse" est le texte le plus tendre de l'ouvrage. Inspiré d'un événement réel, le récit sait jouer avec l'attente du lecteur et se distingue par une fable captivante. "Le Phonographe" et "Le Voyage à Palerme" sont de la même veine. Doux et amers, clairs et obscurs, avec une pointe de violence tempérée par une grande tendresse. L'auteure choisit ses mots et évolue dans une belle langue française qui n'hésite pas à chercher les concordances les plus ardues pour la conjugaison des temps et les termes les plus purs pour la langue se déployant dans l'imaginaire. L'esprit de Maupassant Sans l'ombre d'une hésitation, le lecteur jugera que, malgré son anonymat somme toute relatif, ce recueil de nouvelles est l'un des livres tunisiens dont la langue française est la plus maitrisée. Véritable plume, Naima Amine, ne s'égare pas dans les détails ou les méandres, elle gère son récit, le fait rebondir, offre à son lecteur quelques circonvolutions à la recherche des caractères de ses personnages et retombe toujours sur ses pieds. De fait, on pense à Maupassant et aussi à quelques plumes bien françaises, comme celles de Mauriac ou Bazin. Pétrie de ses lectures et nourrie de sa langue, Amine parachève ce recueil avec deux textes à tonalité féministe. A ce titre, "La Visiteuse du soir" qui ouvre le recueil est un petit bijou tout comme "Essia est partie" qui flotte entre fatalisme, nostalgie et musique. Un bel ouvrage doublé d'une agréable surprise: la révélation d'une auteure que personne n'attendait.