A relire avec détachement et hors pression, le dernier sondage d'opinions réalisé par Emrhod Consulting pour le compte de Dar Assabah, début de ce mois d'avril, plusieurs conclusions apparaissent à l'évidence dont il faut tenir compte sur le court et moyen terme. D'abord, la lassitude des Tunisiens, vis à vis de l'instabilité sociale, politique et économique des cinq dernières années, a été déterminante dans ce regain de confiance au moins des deux présidences de l'Exécutif en les personnes de M. Béji Caïd Essebsi et M. Habib Essid, le premier avec 11,5% et le second avec 9,4% de progression par rapport au mois de février 2016. Il faut dire que le volet sécuritaire, la défaite des terroristes à Ben Guerdane, et le démantèlement des cellules takfiristes « dormantes » a dopé de manière significative ce regain de confiance et de popularité des deux têtes de l'Exécutif auprès de l'opinion publique. Mais, globalement, celle-ci attend plus dans ce domaine précis, car sans étanchéité sécuritaire parfaite et radicale, la reprisse économique et surtout le tourisme seront ralentis, alors que l'espoir renaît plus que jamais à la veille de la saison estivale qui arrive. La mobilisation des corps sécuritaires, de notre vaillante armée et de l'ensemble des citoyennes et des citoyens doit être vigilante et sans concession. Pas de quartier pour ceux qui veulent affamer notre peuple et détruire l'Etat et la société civile... et maintenant démocratique. Par ailleurs, et en aucun cas, les droits de l'omme ne doivenHomme ne doivent protéger et immuniser les groupes terroristes de la haine, de la barbarie et du crime, contre les victimes qu'elles soient civiles ou militaires. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté et de la vie », mais pas de relâchement ni de zèle « humanitaire » pour ceux qui endeuillent la nation, des familles entières, des mères et des enfants. Le sondage exprime une nette amélioration sur ce terrain redoutable, mais il faut prolonger la traque implacable de ces hordes de criminels si on veut regagner le pari de la Tunisie des lumières et du développement intégral. Autre conclusion non surprenante celle de la performance de certains ministres avec la percée de M. Néji Jalloul toujours à plus de 30% de satisfaction, suivi par deux ministres plus discrets mais qui montent allègrement au podium, MM. Hédi Majdoub, à l'Intérieur et Farhat Horchani à la Défense, très entreprenants et très présents sur le terrain. Là encore, nous revenons aux sources de la performance politique telle qu'enseignée par le grand Vilfredo Pareto et ses élites du commandement, où les acteurs doivent faire preuve d'audace (je ne dis pas de témérité) d'esprit d'engagement et de réformes, mais avec de décisions pratiques. Ce sont là les fondamentaux de l'action politique « ascendante » et les Tunisiens l'ont bien compris au vu du sondage précité. Côté partis politiques le sondage est encore très instructif, bien qu'inattendu et même surprenant pour les non-initiés. « Nida-Tounès » caracole en tête avec 28,6% de soutiens malgré toutes ses crises internes alors que le parti islamique Ennahdha est stable à 17,1%. Comment expliquer tout cela, alors que beaucoup annonçaient parmi les adversaires ou redoutaient parmi les sympathisants, une certaine déroute et une perte de popularité depuis l'éclatement de cette formation leader aux dernières élections. A notre humble avis, le phénomène était prévisible et pourrait même s'inscrire dans la durée. Je m'explique. Nida Tounès a été marqué par une « recette » magique au départ, le retour au Bourguibisme au sens de la modernisation et de la sauvegarde de l'autorité de l'Etat, complètement mutilées par la période « Troïka » avec l'apport d'une vision progressiste et identitaire spécifique d'un pays, moderne, libéral mais aussi social et musulman modéré et ouvert sur le monde. C'est ce que nous avons toujours désigné par la synthèse : Bourguiba-Hached-Fadhel Ben Achour. Or, le paysage né des dernières élections de fin 2014, malgré la montée de Nida Tounès et sa consécration populaire par les suffrages, n'a pas respecté intégralement les valeurs de base de la « synthèse » précitée. Disons tout de suite que les torts sont partagés. Nida Tounès n'a pas osé « gouverner » parce que culpabilisé lors de la campagne avec le fameux slogan du «Taghaoul » (hégémonie). Par ailleurs, le clan progressiste du Nida et même son leader M.Béji Caïed Essebsi ont été lâchés par l'UGTT et le Front populaire. La première en laissant faire un peu trop la revendication salariale et le second en refusant la participation à la coalition nidaïste. Du coup cette attitude « a jeté le Nida de Béji Caïed Essebsi dans les bras d'Ennahdha. D'ailleurs, même M. Habib Essid, Premier ministre désigné a été dans l'obligation d'en tenir compte pour assurer le minimum vital de stabilité du gouvernement. Mieux, encore le « consensus » ou mariage de raison, car le cœur n'y est pas des deux côtés, entre le Nida et Ennahdha, est devenu incontournable pour assurer la continuité et la stabilité des institutions et surtout dans le soutien du gouvernement qui a été confronté à une situation sociale et sécuritaire intenable tout au long de 2015. Côté Ennahdha, sa stabilité consacrée par le sondage à 17,1% de soutiens est par ailleurs très logique. Elle préserve ses bases traditionnelles, mais et c'est très indicatif, selon le sondage elle ne gagne pas plus de terrain, malgré toute sa campagne de charme, (je ne dis pas propagande... !) autour de la séparation du « politique » partisan, et du « daâwique » (prédication). D'ailleurs, certains hauts dirigeants du parti islamique commencent à tenir un langage plus traditionnel pour ne pas trop dire plus, réservé afin de ne pas s'éloigner de leurs bases conservatrices. MM. Abdellatif El Mekki à la Radio nationale et Samir Dilou à El Hiwar TV, n'ont pas exprimé trop d'empressement ni de zèle à défendre la ligne Ghannouchi-Zitoune. M. Dilou n'a même pas voulu s'engager sur le « Niqab » et comme le dit le fameux adage : « Qui ne dit mot consent » ! Par conséquent, ce manque d'enthousiasme d'Ennahdha pour faire réellement le saut vers le « parti civil » et démocratique, et leur acharnement à vouloir préserver le « daâwique » (prédication) au sein des associations et autres structures aussi potentiellement dangereuses que celles des fameuses « tentes » daâwiques qui ont enfanté le très fameux Ansar Achariaâ de Abou Yadh et ses brigades de la mort, tout cela ne peut et n'a pas rassuré les Tunisiens qui restent très méfiants de la volonté réelle de changement de la centrale islamiste. D'où cet attachement qui paraît miraculeux, pour beaucoup de nos citoyens, pour Nida Tounès et comme le dit notre fameux adage arabo-berbère : « Oumna mouwachma... Hadhika Oumna »... (Notre mère est tatouée.... Mais c'est notre mère) ! Malgré ces réserves de « munitions » politiques et de popularité, Nida Tounès ne devraient pas dormir sur ses lauriers et prendre au sérieux sa régénérescence, s'il veut sauvegarder son leadership électoral à l'horizon 2020... Attention, c'est demain ! Nida Tounès bénéficie encore certes, du soutien des Tunisiens en bonne majorité, faute de mieux, parce qu'ils ne sont pas encore suffisamment convaincus par Ennahdha et le Front populaire. Ils redoutent avec les islamistes un marché de dupe et l'illusion d'une évolution tactique et non organique vers un parti de laïcité musulmane, à l'image des démocraties chrétiennes en Occident. Et ils ne voient pas d'évolution structurelle et sérieuse de la gauche vers un socialisme débarrassé des dogmes staliniens des années 50-60. Donc, Nida Tounès a encore une petite marge de sécurité devant lui, car beaucoup de citoyens y voient le seul refuge pour assurer la stabilité et contrôler aussi bien les débordements islamistes et ses velléités « frères musulmans » ainsi que la fermentation sociale et revendicative, qui mène à la « rue » et bloque l'économie nationale et le pays tout entier. Mais, attention, la nature a horreur du vide !