Contrairement aux partis politiques, le pouvoir exécutif se porte bien et c'est tant mieux ! Tant mieux pour la stabilité, car les Tunisiens sont sursaturés de cette kermesse permanente du délire politicien à tous les niveaux ! Le Président de la République, M. Béji Caïd Essebsi réalise jusque-là un « sans faute » appréciable dans l'exercice de ses fonctions et prérogatives constitutionnelles et surtout en matière diplomatique. Deux visites d'Etat en Egypte et en Jordanie et deux succès francs au vu de la chaleur de l'accueil par le Président égyptien Abdelfattah Essissi et le Roi de Jordanie, Abdallah II, confirmant ainsi la remise sur orbite naturelle de la Tunisie dans son environnement proche et les relations internationales. Que voulez-vous, l'adage tunisien dit bien « Ach yessarrej essaraj fi sarjou » et l'ancien ministre des Affaires étrangères de Bourguiba a été à bonne Ecole ! Côté Premier ministre, c'est un peu plus laborieux mais ça a l'air de prendre la route. Il faut reconnaître que M. Habib Essid est bien sous pression constante avec le volume des exigences et tous les charbons ardents hérités d'accumulations énormes de l'ancien régime mais aussi de la Troïka, qui a installé le pays dans le tumulte identitaire négligent par là les questions « terrestres » et leur impact sur le développement tant espéré. Aussi bien le Président que le Premier ministre, ont eu de la chance quelque part en héritant de situations frisant la catastrophe. L'aération et l'oxygène donnés à la diplomatie tunisienne redonne du moral à notre peuple qui voit qu'il compte, à nouveau, dans le concert des Nations et surtout dans le monde arabe qui voyait d'un mauvais œil cette révolution « menaçante » pour certains régimes classés à tort ou à raison : « Autoritaires » ! M. Caïed Essebsi, tout en finesse, a charmé, mais, aussi rassuré : « La Révolution tunisienne n'est pas exportable... C'est une affaire tuniso-tunisienne ! » Et cerise sur le gâteau, ce Prix Nobel de la paix, un véritable tableau d'honneur pour la méthode tunisienne de gestion des conflits sociaux, politiques et institutionnels, mais il va falloir continuer à le mériter en prouvant sur la durée, que ce pays est bien un havre de paix et de rayonnement civilisationnel en Méditerranée et dans le monde arabe et musulman. Le Premier ministre, quant à lui, semble avoir profité des crises des partis et des politiciens sans vision réelle, pour faire son petit bout de chemin et remettre l'administration au travail en attendant le pays tout entier. Malgré une certaine réserve qui frise la timidité, mais qui est finalement très appréciée par une bonne partie des citoyens, qui en ont ras le bol de tous ces démagogues délirants au nom de la Révolution et de la Religion, M. Habib Essid a pu faire face, démontrant une certaine capacité de résistance, de patience et même de sérénité. Il a bien combiné avec la fermentation syndicale et l' UGTT, semblant parfois, céder un peu trop rapidement aux exigences et même se faisant accuser d'une certaine faiblesse à se rétracter sur des mesures « punitives » (sur les journées chômées en temps de grèves). Mais, « Paris vaut bien une messe », et la paix sociale avec un partenaire de choix comme l'UGTT, en valait la peine. D'ailleurs, la centrale syndicale a bien mis de l'eau dans son vin, et semble coopérer beaucoup plus positivement, pour un climat social apaisé. La crise aiguë de « Nidaa Tounès », redoutée par toutes les forces démocratiques et civiles opposées au changement du modèle culturel et identitaire de la Tunisie, par l'islamisme politique qui refait surface avec cette campagne vigoureuse contre ce ministre très courageux, Othman Battikh, semble elle aussi, servir quelque part le Premier ministre. En effet, si la crise de Nidaa Tounès perdure avec une fissure et qui sait une scission, dans le parti « Bourguibien » comme au temps de la crise youssefiste dans les années 50-60, Habib Essid peut très bien être l'homme du compromis-rassembleur. Le tout c'est qu'il fasse très attention aux marques de « sympathie » à Ennahdha qui pourrait profiter de tout ce brouillard à l'horizon, pour déborder tout le monde et reprendre le leadership à l'horizon 2020 ! Certes, on n'en est pas encore là. Mais, la décomposition de Nidaa Tounès, en l'absence de toute autre formation crédible pour contrer le retour en force d'Ennahdha, risque de provoquer à nouveau, un séisme politique d'envergure ! Le Premier ministre a, donc, une marge de manœuvre importante, mais « take care ». « Les Tunisiens et les Tunisiennes (surtout), ne veulent pas d'une tutelle qui asphyxierait leurs libertés et leurs acquis modernistes et bourguibiens, consolidés par la fameuse résistance du « Bardo », du temps de la Troïka. A notre humble avis, M. Habib Essid aurait tort de ne pas prêter attention à ce qui se passe à Nidaa Tounès. Je dirai même qu'il a le devoir d'aider à sa survie et à sa force pour maintenir l'équilibre politique précaire, et contrôler toute velléité hégémonique nouvelle de certains partis sur le pays et son identité spécifique. Plus que jamais, il faut réinventer et recréer s'il le faut Nidaa Tounès même autrement ! Les réactions des uns et des autres sur un sujet aussi sensible que le « contrôle » des mosquées, doivent être analysées et prises très au sérieux. Une Tunisie mutilée et dénaturée dans son identité spécifique et mise sous tutelle idéologique de l'Orient des obscurantistes, n'est pas de l'ordre de l'impossible. Jusque-là, Ennahdha n'a pas beaucoup évolué sur ce que certains de ses cadres et leaders considèrent comme « l'essence » même de leur mouvement, malgré un certain éclairage réformiste de M. Rached Ghannouchi et quelques uns de ses lieutenants proches, qui, eux aussi, se disent « solidaires » des Imams limogés ! On ne pardonne pas facilement à un ancien Mufti de la République, qui a osé un jour comparer le « jihad ennikah » en Syrie à une dépravation ! C'était à l'époque de la Troïka et M. Battikh l'a payé cash. Il a été limogé pour cette « appréciation » erronée (sic) de la Chariaâ ! C'est dire que la bataille identitaire n'est pas derrière nous. Elle sera toujours d'actualité tant que la centrale islamiste n'a pas évolué sérieusement sur la question de la séparation de la Religion et de l'Etat que les islamistes purs et durs ne peuvent pas envisager, à l'image de ce qui s'est passé en Occident avec la séparation de l'Eglise et de l'Etat... ça fait quatre siècles ! La doctrine réclamée par les islamistes politiques, soutient que dans l'Islam, il n'y a pas de « clergé » donc, aucun souci et aucune peur, pour une mise sous tutelle des citoyennes et des citoyens par les « Imams ». Mais, dans les faits et à travers l'Histoire, les hommes de la Religion ont toujours pesé sur la politique et le pouvoir. Appelez cela « clergé »... ou pas, c'est du pareil au même ! M. Jaouadi, l'imam révoqué de Sfax, c'est quoi ! Est-il un Imam éducateur ou un partisan zélé ! Pour les Islamistes politiques, il est les deux à la fois, parce que la Religion et la politique sont inséparables ! Mais, alors, la Mosquée est une maison de Dieu, ou le siège d'un parti politique ! Sans commentaire ! A vous de juger ! K.G