Jamais, et de mémoire d'hommes, une aussi éclatante victoire politique et électorale n'a été aussi dilapidée et ruinée que celle de « Nida Tounès » ! Ce parti qui n'est pas parti de rien, contrairement à tout ce qui se dit sur les plateaux TV, a hérité d'une immense culture politique vigoureuse et ascendante depuis Kheïreddine Pacha Ettounsi, le grand vizir et architecte doctrinaire de « Akwam El Massalek fi Maârifati Ahwal El Mamalek » (les meilleures voies pour comprendre l'état des Nations – 1867) et des générations de grands réformateurs, d'hommes de terrain efficaces et d'administrateurs grands commis de l'Etat, hors pair qui se sont succédés, tout au long des 19ème et 20ème siècles, pour faire « l'exception tunisienne » avant-gardiste et modernisante dans ce monde arabo-musulman déclassé par l'obscurantisme et la décadence médiévale. Nida Tounès a hérité du Bourguibisme « Néo-destourien », et je ne parle pas de la fausse copie du RCD lamentable, qui a, de fait, marginalisé toutes les valeurs destouriennes authentiques pour servir un système de gestion despotique ayant conduit à toutes les dérives et ras-le-bol général, qui ont fait germer la Révolution du Jasmin, à l'aube de 2011. Il a hérité, aussi, d'une base fondamentale du monde moderne, la combinaison d'une certaine sociale-démocratie populaire et nationale, chère au leader syndical, Farhat Hached, avec un certain libéralisme industriel, commercial et agricole qui coule comme la sève bénéfique et naturelle dans les veines de la Nation depuis Carthage. Donc, venir raconter que Nida Tounès est un parti « récent » ou en mutation, est totalement faux, parce que le Nida est un mouvement bien enraciné dans la mémoire collective de notre peuple et ses traditions politiques depuis longtemps. Quant aux structures, dites « nouvelles », elles font partie d'une dynamique globale de mobilisation et d'adhésion spontanée avec des repères déjà implantés solidement dans l'essence même de notre identité spécifique, consolidée par la longue lutte pour la libération nationale et la construction de l'Etat national moderne. Mais, que voulez-vous ? « Trop de bien nuit » comme le disait Pascal, le philosophe chrétien français, et nous vivons en ce moment, pleinement le beau dicton de la sagesse arabe : « Yafaâlou el Jahilou binafsihi ma la yaâfaâlou el Aâdou bi Aâdouwihi » (l'ignorant se fait plus de mal à lui-même que par ses propres ennemis) ! La montée en puissance de Nida Tounès, en 2014, qui est de fait, la remontée du « Bourguibisme » remis à niveau après la crise de ses « valeurs » volées et dénaturées par l'ancien régime, opérée par un homme d'Etat d'envergure, M. Béji Caïd Essebsi qui a su mobiliser toutes les élites de nouveaux ascendantes néo-destouriennes, syndicales et progressistes et a réalisé ce miracle de remettre les pendules à l'heure et de sauver e pays d'un déséquilibre de plus en plus persistant du fait de l'ascendance de l'islamisme politique inspiré de l'Orient, « Frères musulmans ». Du coup, Nida Tounès a été vainqueur et a raflé toute la « corbeille » électorale et a pesé de telle manière qu'il a poussé Ennahdha elle-même à changer dans le bon sens, vers plus de tunisianité, de modération et de rationalisme religieux. Pour la première fois, depuis le M.T.I (Mouvement Islamique Tunisien, ancêtre d'Ennahdha), de 1970, Ennahdha s'est dégagée de la tutelle des « Frères musulmans d'Egypte » et s'est engagée résolument vers la modernisation et la rationalisation de ses fondamentaux religieux pour entrevoir une séparation entre le politique « civil » et le « daâwique » de la (prédication) religieuse. Mais, là encore, disons tout de suite que le daâwique n'a aucune raison d'être dans un Etat démocratique et une société musulmane, intégrée, non conflictuelle et vivant son Islam avec bonheur. Par conséquent, la victoire sans appel de Nida Tounès, fin 2014, a fait du bien à Ennahdha, elle-même, qui a sportivement et disons-le à son honneur, accepté les règles du jeu et a même joué profil bas pour apaiser la scène politique tunisienne dans sa globalité. Elle est devenue, ainsi, un des socles majeurs de la stabilité du système politique nouveau. Mais, voilà que la turpitude des hommes et les intérêts sordides des ambitions démesurées, sont venus faire de cet événement majeur, une victoire à la « Pyrrhus » ! Hé oui, Pyrrhus ou Pyrrhos II, pour les amateurs d'Histoire, n'est autre que ce général, Roi d'Epire, qui a été sollicité pour la cité de Tarente, en Italie et ses habitants, pour les libérer de l'emprise romaine grandissante. Il fut vainqueur contre Rome à Héraclès (en 280 av. J.C), grâce aux éléphants, voilà qui rappelle les victoires de notre grand Hannibal, à Trasimène. Mais, n'ayant pas su gérer et fructifier ses conquêtes, Pyrrhus fut battu par les Romains, cinq ans plus tard, en 275 av. J.C. D'où cette expression « victoire à la Pyrrhus » qui symbolise la victoire inachevée, mal gérée et qui se termine par une défaite. Hier, sur les radios et plateaux T.V, les leaders d'Ennahdha se succédaient sans relâche et à tour de rôle pour « regretter » le sort de Nida Tounès, « parti sans grande expérience et récent » ou « en pleine mutation », comme diront le Cheikh Rached Ghannouchi et M. Rafik Abdessalem, l'ancien ministre des Affaires étrangères. Ce dernier est allé jusqu'à avancer que la Troïka a mieux réussi que le gouvernement actuel de M. Habib Essid, puisque l'équipe de M. Hamadi Jebali, ancien Premier ministre, a réalisé une croissance de 3,6%, alors que nous arrivons à peine, aujourd'hui, à dépasser le « zéro » de croissance ! Oui, le culot n'a pas de limite ! M. Abdessalem, en grande forme et très éloigné du « profil bas », de son parti, ces derniers mois, oublie quand même, que la croissance relative de cette période Jebali est expliquée par les réserves de l'ère Ben Ali, et sa croissance estimée à 5%. Elle s'explique aussi, par la Trésorerie générale aisée du pays en 2010, par l'endettement, relativement acceptable et maîtrisable, et nos excédents majeurs en devises. Par ailleurs, du temps de M. Jebali, la Tunisie n'a pas connu les cataclysmes terroristes qui ont sinistré le tourisme et l'investissement après les Chaâmbi, le Bardo, Sousse et tout le reste. Par conséquent, M. Rafik Abdessalem peut dire ce qu'il veut, mais l'ardoise catastrophique de la Troïka, c'est le gouvernement Essid I et II qui doivent l'éponger, aujourd'hui. Alors, « Farès Men Rekeb El Youm » (chevalier, celui qui l'est devenu, ce matin), comme le dit notre bon proverbe tunisien et M. Rafik Abdessalem et ses pairs d'Ennahdha doivent une fière chandelle aux « Pyrrhus » de Nida Tounès, qui ont fait du parti de la victoire... un parti éclaté aux quatre vents ! Bravo à Ennahdha et Sahha... Wa farha ! C'est la loi intraitable de la politique... Le mérite sourit aux audacieux... et à ceux qui savent attendre ! K.G