«La violation des droits de l'homme la plus honteuse se caractérise sans doute par la violence à l'encontre des femmes. Elle ne connaît pas de clivages géographiques, culturels ou sociaux. Tant que des actes violents continueront d'être perpétrés, nous ne pourrons prétendre à des progrès pour atteindre l'égalité, le développement et la paix.» Cette déclaration de Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies est fort révélatrice à plus d'un titre sur la violence perpétrée contre les femmes qui est issu de la violence de l'homme, qui tend comme l'affirme Freud , « à la conservation de soi ». La violence à l'égard des femmes revêt différentes formes, dont : la violence domestique; le viol; le trafic de femmes et de filles; la prostitution forcée; la violence dans les conflits armés, dont le viol systématique, l'esclavage sexuel et la grossesse forcée; les meurtres d'honneur; la violence liée à la dot; l'infanticide des petites filles, la sélection prénatale en fonction du sexe favorable aux garçons; les mutilations génitales féminines et autres pratiques et traditions néfastes pour les femmes. Toutes ces formes de violence ont existé chez nous à une période où la femme était destinée à des tâches bien définies au sein de la famille dont l'homme était le seul maître à bord. Il le demeure jusqu'à présent, malgré l'évolution de la condition féminine qui a arraché sa place au sein de la cellule familiale et de la société. Le code du statut personnel a réglementé les relations entre les membres au sein de la cellule familiale et fixé les droits et les devoirs de chacun d'eux. Samira Maraï Feriaa, ministre de la femme, de la famille et de l'enfance a indiqué, dans une déclaration aux médias en marge de la conférence, que la loi intégrale sur la violence à l'encontre des femmes sera présentée au conseil des ministres avant le 31 août prochain avant d'être soumise au parlement pour adoption. « La nouvelle loi réalisée par des experts en concertation avec toutes les composantes de la société civile comporte les volets de la prévention, la protection et la répression », a-t-elle signalé estimant que la violence est aujourd'hui devenue un véritable phénomène de société qui touche plus de 05% des femmes et près de 39% des enfants. « lutter contre la violence sous toutes ses formes, commande aujourd'hui de diffuser la culture de la tolérance et de la non violence et de renforcer la sensibilisation notamment à travers les médias », a-t-elle ajouté. Pour plusieurs juristes et membres de la société civile, ce nouveau projet de loi appelle à la révision du code du Statut personnel, dans tous ces articles jugés discriminatoires. « Les lois discriminatoires sont le ferment des violences à l'égard des femmes » a souligné Sana Ben Achour, universitaire et présidente de l'association Beity. Dans son nouvel ouvrage intitulé « les violences à l'égard des femmes: les lois du genre », elle a appelé à la révision du code du statut personnel pour en enlever toute disposition qui peut donner un avantage et un privilège masculin ( l'obligation de la dot (le prix d'usage du corps de la femme, l'infériorisation des femmes par la loi successorale, l'interdiction aux Tunisiennes de se marier à un non musulman...) « Les violences à l'égard des femmes sont fréquentes, banalisées, quotidiennes multiformes, dans tous les espaces (publics et privés) et sont excusées par la société », a-t-elle dénoncé faisant observer que le CSP a reconfiguré la famille la transformant de famille patriarcale à famille conjugale mais ce changement a été toutefois fondé sur le principe patriarcal (l'article 32 du CSP institue le mari en tant que chef de famille). « 60 ans après la promulgation du CSP, il faut aujourd'hui demander une réforme courageuse pour aller vers la démocratie, l'égalité et la liberté », a-t-elle souligné indiquant que les lois discriminatoires sont un ferment de violences qui se nourrissent de la puissance et de la domination des uns sur les autres. L'intervenante a aussi appelé à travers son ouvrage, publié par le réseau euro-méditerranéen des droits humains, à la révision de l'ensemble de partie relative aux personnes du code pénal adopté en 1913. « Ce code est devenu obsolète et ne correspond plus aux attentes des Tunisiens et des Tunisiennes », a-t-elle soutenu faisant remarquer que ce code dans l'ensemble de sa partie relative aux personnes reproduit l'ordre public patriarcal. « Le droit pénal doit changer de ligne de mire pour protéger les droits humains des personnes », a-t-elle dit. Et d'ajouter, « droit pénal est reproducteur des inégalités et donc de l'ordre public patriarcal qui fait que les femmes sont victimes de violences justifiées et légitimées au nom du patriarcat », a-t-elle précisé. Sana Ben Achour a, en outre, souligné l'importance de la loi intégrale sur la violence à l'égard des femmes actuellement en cours d'élaboration indiquant qu'une « bonne loi juste et égalitaire qui lutte contre les violences permettra aux plus faibles de se sentir égaux ». Eradiquer la violence sous toute ses formes est une nécessité, en Tunisie postrévolutionnaire, où le pays est dotée d'une Constitution qui condamne la violence et proclame la liberté, l'égalité et la paix.