Le Président de la République a-t-il les moyens de sa politique ! Certainement, dans la mesure où il demeure l'ultime recours quand la sécurité nationale est menacée et quant la continuité de l'Etat traverse quelques trous d'air accompagnés de nuages économiques plus qu'inquiétants. Mais, ce pouvoir de fait et de droit qu'il tire de la Constitution et aussi de cette culture nationale du « charisme présidentiel », toujours vivace malgré certaines limitations par rapport à la loi fondamentale de 1959, peut se heurter à la nouvelle configuration des rapports de force enfantée par la conjoncture et les choix à divers niveaux depuis décembre 2014. Nous l'avons dit, Nida Tounès paie sa victoire à la Pyrrhus qu'il n'a pas su consolider alors qu'il était en pôle position pour émerger dans la durée comme le parti « number one » du pays, préférant la division et la mise sous tutelle de fait du parti islamiste pourtant battu aux élections. La nomination de M.Habib Essid à la tête du gouvernement a été, certes, dictée par l'intérêt national vu son expérience dans le domaine sécuritaire ultra sensible et pratiquement décapité du temps d'un certain Rajhi puis achevé du temps de la Troïka. La montée en puissance du terrorisme et la multiplication des bases du salafisme-takfiriste, nécessitait une reprise totale en main de l'appareil sécuritaire par l'Etat et les institutions appropriées, faute de quoi, la Tunisie prenait le chemin de Damas, Bagdad et Tripoli. Le Président a fait le bon choix de ce côté, mais en jouant trop le jeu institutionnel, il a donné beaucoup de latitudes au locataire de la Kasbah dans le choix de certains ministres totalement déconnectés de la réalité des choses et sans tempérament de bâtisseurs comme au temps des gouvernements « Bourguiba-Nouira ». L'impression qu'on avait, c'est que le pays était « sous-gouverné » et la prise en charge de la société insuffisante. D'où ces « décisions » qui n'arrivent pas à se faire, ou si peu, et ces dossiers des mégaprojets et du développement régional qui trainent dans les tiroirs des chefs de Départements et des gouverneurs comme frappés d'impuissance. Le Premier ministre a fait de son mieux avec courage, abnégation et honneur. Mais, la pente est trop dure et sinueuse à monter, surtout avec la revendication sociale permanente lubrifiée à bloc et ces frappes ravageuses du terrorisme, les deux ayant entraîné un manque à gagner pour la trésorerie nationale de dizaines de milliers de milliards en 16 mois ! M. Habib Essid, quelle que soit l'issue des tractations actuelles, peut toujours rester en réserve de la République, s'il arrive à sortir par la grande porte sans griller ses cartes à l'horizon 2019-2020 ! Trop d'attachement au poste, a un double tranchant et l'opinion peut développer un certain rejet, parce que le changement en temps de crise est aussi l'une des thérapies politiques universelles pour calmer les esprits et passer les tempêtes. Tous les systèmes politiques de par le monde en usent. M. Alain Juppé, le maire de Bordeaux qui a quelques ressemblances avec notre Premier ministre actuel, était le plus proche collaborateur et Premier ministre de Jacques Chirac. Il a été limogé à la suite d'une crise sociale aigue mais ça ne l'empêche pas, aujourd'hui, de rebondir et d'être à nouveau candidat potentiel à l'Elysée avec une longueur d'avance sur M. Sarkozy en personne ! Un dernier mot sur les « candidats » qui se bousculent à Carthage, à Montplaisir et même à la Place Mohamed Ali, celui d'Henry de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, sur le champ de bataille : « Tu trembles, carcasse... mais si tu savais où je vais te mener tout à l'heure, tu tremblerais davantage » ! Oui, certains « candidats » ne savent pas ce qui les attend, parce que tout simplement, ils n'ont pas grande vocation à gouverner sans parler du déficit au niveau de la pratique politique et surtout économique. Quant à notre cher Président à Carthage, oserai-je lui conseiller ce que Nicolas Machiavel conseillait à Laurent de Médicis : « Sire... méfiez-vous de vos amis... on reconnait un grand Roi à son entourage » ! K.G