Oui, j'irai au vote de l'ARP. On fait partie d'une équipe gouvernementale liée par une solidarité. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que Nidaa se transforme en parti d'instances et non pas d'individus Quelques jours avant le passage d'Habib Essid et de son équipe gouvernementale devant l'Assemblée des représentants du peuple, la scène politique tunisienne connaît des évolutions sans précédent. Après les déclarations sensationnelles du chef du gouvernement et suite au communiqué signé par sept ministres qui soutiennent l'initiative du président, le ministre de la Santé publique, Saïd Aïdi, a bien voulu répondre à nos questions en ce qui concerne le bilan de son ministère et ses lectures politiques. -Le Temps : La Tunisie ambitionne à devenir le premier pays au monde à éradiquer l'hépatite C. Cela relève-t-il du fantasme ? Saïd Aïdi : L'hépatite C fait l'objet, depuis quelques années, d'une polémique. En 2015, nous avons mené une enquête nationale à une grande échelle par rapport à la prévalence de l'hépatite C dans notre pays pour pouvoir prendre les décisions adéquates. Parallèlement, on a mis en place un plan de traitement et d'éradication du virus sur plusieurs années. Ce plan est applicable sur cinq à huit années et regroupe tous les acteurs. On a obtenu l'engagement sur plusieurs années et le budget pour 2016 et on lancé l'appel d'offres. Le 28 juillet, journée mondiale des hépatites virales, on annoncera le programme complet sachant que nous avons mis en place tout un processus avec les médecins référents, les médecins traitants et les laboratoires. Notre ambition est effectivement d'éradiquer l'hépatite C avec une prévalence de 0,87%. La Tunisie sera l'un des premiers pays monde à réussir à éradiquer l'hépatite C. L'appel d'offres a été lancé au mois de mars, les résultats ont été validés par la Commission supérieure des marchés au mois de juin et les médicaments seront disponibles prochainement. Notre première préoccupation a été, bien évidement, le patient qui a été mis au centre de notre parcours. C'est une stratégie à deux axes se résumant en le traitement des patients connus porteurs du virus et en le dépistage en commençant par les hommes ayant une prévalence assez élevée. -L'autre problème auquel vous avez dû faire face est le manque alarmant des médecins spécialistes dans les hôpitaux régionaux. Bien que vous ayez affirmé que ce manque commence à se rétrécir, on connaît encore de tragiques incidents à cause de l'absence des spécialistes. Où en êtes-vous aujourd'hui avec ce dossier ? Ce n'est pas un sujet polémique. En Tunisie, il y a une mauvaise distribution territoriale des médecins spécialistes. Cela a été l'une de nos priorités et nous avons créé une commission de réflexion engageant l'ensemble des acteurs. On a proposé une couverture sous la forme d'une permanence au niveau des 24 hôpitaux régionaux dans un premier temps pour 6 spécialités dites sensibles. Ce programme a commencé au mois de janvier 2016. Les premiers résultats sont remarquables. Je vous donne un exemple: à l'hôpital de Tataouine, les écographies faites au cours du premier trimestre de 2015 étaient au nombre de zéro, au cours du premier trimestre de 2016, on a enregistré plus de mille écographies. C'est un programme qui se met progressivement et je tiens à remercier les médecins et les chefs-services qui y participent activement. En 2015, et suite à la réforme des études de santé, il n'y a pas eu de promotion de médecins spécialistes. Il nous a fallu attendre 2016 pour voir, pour la première fois, 250 jeunes médecins spécialistes répondre à l'appel. Aujourd'hui, ils renforcent nos CHU avec un engagement de s'insérer dans ce programme. C'est une solution de transition qui durera quelques années. Le ministère travaille sur une réforme profonde du secteur de la Santé qui passe également par une réforme du statut de la fonction publique hospitalière. -En somme, vous estimez que votre bilan est positif. Nous sommes plutôt dans une dynamique positive. Depuis les années 2000, il n'y a pas eu beaucoup d'investissements dans le secteur de la Santé publique. Un secteur qui a besoin d'être modernisé et ceci prendra du temps. Il y a la volonté de redonner ses lettres de noblesse à un secteur où l'essentiel est la qualité des ressources humaines. Les succès ne peuvent être évalués que par autrui. -Cela va surtout revenir aux députés d'évaluer les succès et les échecs de chaque ministère. Serez-vous présent à la séance de renouvellement du vote de confiance au profit de votre gouvernement samedi prochain ? Bien évidement. On fait partie d'une équipe gouvernementale liée par une solidarité. Toutefois, cela ne nous empêche pas d'avoir une lecture de ce qui se passe dans le pays. La Tunisie est arrivée à une forme de crise politique dix-huit mois après les élections et il est de la responsabilité du chef de l'Etat de proposer une initiative pour y remédier. Je réaffirme d'ailleurs mon soutien au profit de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Une union nationale qui déterminera les priorités. Lors de son allocation, le président de la République a fixé des priorités claires: la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la corruption, l'instauration d'un Etat de droit, l'application d'une politique centrée sur la jeunesse et la priorité pour l'Education et la Santé, deux piliers fondamentaux du ciment sociétal en Tunisie. Il a aussi parlé du problème du bassin minier et de la nécessité d'y remédier. Ce gouvernement a eu à gérer une période post-élection délicate avec des réussites mais, aussi, avec des points où l'on n'a pas suffisamment avancé. N'oublions pas que nous avons aussi dû faire face à d'importants attentats terroristes. De l'avis de tout un chacun, ce gouvernement a connu aussi bien des succès que des limites au niveau de ses travaux. Ce n'est pas une critique vis-à-vis d'un individu mais plutôt une lecture d'une situation qui s'essouffle. -Vous dites que le gouvernement est solidaire alors qu'il existe des ministres qui ont appelé à la démission d'Habib Essid ? On n'a jamais appelé à la démission du chef du gouvernement, on a juste soutenu l'initiative du président de la République. -Donc samedi prochain vous serez solidaires avec Essid et vous le défendrez devant le Parlement ? On n'a pas à le défendre ou à ne pas le défendre. On est une jeune démocratie naissante. C'est la résultante d'une Constitution qui ne sort pas une majorité claire et qui dilue le pouvoir. L'initiative présidentielle requiert qu'il y ait un nouveau gouvernement et tout débat sur les individus créerait des conditions d'un échec renouvelé. Aujourd'hui, il y a un réel besoin de cette rupture et de cette relance pour les trois années à venir. Il ne s'agit nullement d'un appel à la démission, c'est un appel pour redynamiser l'étape suivante. -Il existe tout de même un problème d'éthique. Si les ministres actuels se voient retirer la confiance du Parlement, comment peuvent-ils la réclamer de nouveau pour être reconduits à leur poste avec le prochain gouvernement ? Il faut lire l'Histoire des démocraties où le Parlement représente une composition essentielle. On n'est pas en train d'évaluer les individus, c'est une situation qui est arrivée à essoufflement. La dernière crise en date est celle de la Grande-Bretagne où la ministre de l'Intérieur a fini par succéder à David Cameron. Certains veulent faire croire à ce problème d'éthique mais cela n'est pas vrai. La vraie éthique est de servir les intérêts de son pays en son âme et conscience. Il est de la responsabilité du chef de l'Etat, puisqu'il a la légitimité populaire, de proposer une telle initiative. D'ailleurs, une bonne partie des partis politiques, présentés ou pas à l'ARP, ont pris part à cette initiative et la soutiennent clairement. Sans oublier la présence de l'UTICA, de l'UGTT et de l'Union des agriculteurs. Tout cela intervient pour une relance politique, économique et sociale pour la période suivante. Le succès est collectif mais l'échec peut être individuel. -Vous faites partie de ceux qui ont gelé leur adhésion de Nidaa Tounes au lendemain du congrès de Sousse mais vous avez suspendu cette adhésion et repris vos activités au sein du mouvement. Quelles raisons derrière ce retour surtout que l'on sait que les choses ne se sont pas améliorées depuis surtout après le départ de Ridha Belhadj ? Je n'ai jamais quitté Nidaa Tounes, j'ai juste affirmé une position politique. Ce qui s'est passé avec le congrès de Sousse n'était pas acceptable et il ne l'est toujours pas. -D'où la question puisque la composition du bureau exécutif issue de ce même congrès vient d'être validée de nouveau. Ce que j'ai contesté en janvier je continue à la contester aujourd'hui. Les noms que vous avez été cités, et qui ont quitté, ont été les acteurs principaux du fiasco du congrès de Sousse. Ce qui a changé aujourd'hui c'est l'initiative présidentielle et la nécessité de rassemblement. Je ne suis pas revenu au comité politique mais j'ai participé aux dernières journées parlementaires. Aujourd'hui, il existe une volonté sincère de réforme au sein des instances du mouvement. Il est de notre responsabilité d'y contribuer et de faire en sorte que Nidaa Tounes se transforme en parti d'instances et non pas d'individus. Cela est en cours et j'estime que chaque citoyen a le droit de faire de la politique. Les instances permettront d'aller de l'avant. L'initiative présidentielle a été faite suite à une lecture claire de ce qui se passe au pays et Nidaa Tounes a la responsabilité de soutenir et d'accompagner cette manœuvre dans sa transformation pour le succès du pays. -Est-ce que Nidaa Tounes est assez solide aujourd'hui pour imposer un chef du gouvernement émanant de ses dirigeants ? Nidaa Tounes n'a rien à imposer. La Constitution est claire sur ce sujet: c'est au chef de l'Etat de choisir la personnalité qu'il considère la plus qualifiée pour occuper ce poste. Il faut bien évidement être dans le dialogue. Aucun parti ne peut imposer au chef de l'Etat quoi que ce soit. C'est au président de la République de proposer la personnalité qui doit, par la suite, obtenir la confiance du Parlement.