Deux jours sont passés après le vote des députés qui ont refusé le renouvellement de la confiance pour le gouvernement d'Habib Essid, et ce lors d'une séance plénière que certains ont qualifiée d'historique, mais dont l'issue ne faisait l'ombre d'aucun doute. Toutefois, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, à entendre les interventions des élus et n'eût été la connaissance à l'avance des résultats du vote, on aurait cru, plutôt, à un plébiscite. En effet, un grand nombre d'élus, ayant pris la parole, ont reconnu que le chef du gouvernement s'est convenablement acquitté de sa mission et qu'il a réalisé de grands progrès au niveau sécuritaire, etc. Il a même eu droit à trois ovations sous forme de salves d'applaudissements. Bref, ils ont tous avoué que l'homme est travailleur, patriote, intègre et honnête. On lui reproche, juste une mauvaise communication et un manque de franchise. D'ailleurs, parmi les députés représentants les quatre partis formant la coalition au pouvoir, rares sont ceux l'ayant sévèrement critiqué à part, notamment, le porte-parole de Nidaa Tounès, Abdelaziz El Kotti. « Vous n'avez pas voulu démissionner et vous avez fait traîner le processus de l'initiative présidentielle. Eh bien, vous allez sortir par la petite porte », s'est-il adressé en substance au chef du gouvernement. Bien entendu, on épiloguera longtemps sur la démarche suivie par M. Essid. A-t-il bien fait de choisir le passage par le vote à l'ARP ou aurait-il dû opter pour la pure et simple démission ? Pour le principe, nous pensons qu'il a bien fait d'agir de la sorte consacrant, de ce fait, le respect de la Constitution et des règles élémentaires de la démocratie. Mais selon les analystes qui appuyaient son approche, l'erreur réside dans le contenu de son discours. Il aurait dû, d'après eux, aller jusqu'au bout. Et c'est ce que les élus de l'opposition, notamment ceux du Front populaire et, même, certains membres d'Ennahdha ont tenu comme langage lui reprochant de n'avoir rien révélé des « pratiques mafieuses » dans plus d'un secteur et qui étaient « couvertes par des politiciens et autres hommes d'affaires influents. On lui reprochait de s'être tu alors qu'il avait une occasion en or pour étaler toutes les cartes et dénoncer les éventuels abus dont il ne pouvait pas parler lorsqu'il était en poste. On lui reprochait de s'être tu, ce qui permettrait au gouvernement successeur de poursuivre sur la même pente « glissante ». Après sa déclaration, l'impression générale qui se dégageait est cette interrogation sur le pourquoi de sa démarche. « Il fallait mettre et la forme et le fond », répétait-on dans les halls et les couloirs du Palais du Bardo. Même ceux qui soutenaient sa décision de s'adresser aux représentants du peuple, étaient déçus évoquant un goût d'inachevé. Finalement, ses détracteurs qui voulaient lui régler ses comptes, ont, ainsi, obtenu gain de cause. Car, les observateurs sont convaincus que l'initiative du président Béji Caïd Essebsi n'était pas due, en réalité, à un échec du gouvernement, mais avait pour objectif de satisfaire les desiderata des adversaires acharnés d'Habib Essid, plus particulièrement des membres d'un certain clan de Nidaa. Et cette hypothèse a été criée haut et fort par bon nombre de députés, ceux du Front populaire, plus précisément, qui ont nommé Hafedh Caïd Essebsi comme étant le chef de file desdits détracteurs. Autrement dit et selon les mêmes analystes, dès son lancement par BCE, un certain 2 juin 2016, l'initiative présidentielle n'avait d'autre objectif que la mise à l'écart d'Habib Essid. Et si c'est le cas, ce serait excessivement grave ! C'est dire qu'il faudra suivre les prochains épisodes de ce processus pour en avoir le cœur net. En effet, si un ou des ministres de l'actuel gouvernement de gestion des affaires courantes est repris dans le futur cabinet gouvernemental, ce serait une grande aberration dans la mesure où c'est justement toute l'équipe d'Essid qui a échoué et non pas uniquement son chef. Pourtant, nombreux sont les ministres sortants qui ont eu l'audace de déclarer qu'ils se mettent à la disposition du prochain candidat en vu de les nommer de nouveau dans son cabinet afin de continuer à « servir le pays» ! Non, mais quoi encore ? Ceci prouve qu'on traîne encore cette mentalité qu'un ministre doit rester ministre pour la vie ! On n'arrive pas à se faire à l'idée qu'un ministre est chargé d'une mission limitée dans l'espace et dans le temps. Alors, on verra bien si des membres d'une équipe qui n'a pas gagné vont être changés ou maintenus !...Il y va de la crédibilité de toute cette initiative présidentielle. Les observateurs sont curieux, par ailleurs, de connaître le nom du prochain locataire au Palais de La Kasbah, sachant que les noms de candidats potentiels sont très nombreux. Ils sont avancés comme d'habitude à titre de ballon d'essai et conformément à la stratégie traditionnelle, dans le sens où lesdits pronostics sont, généralement, destinés à « griller » les noms avancés. Des fois, on avance le nom d'une très haute compétence tout en « confiant » qu'il est l'homme protégé par tel ou autre homme d'affaires, l'objectif étant de l'écarter de la course parce qu'il constitue un gros calibre difficile à concurrencer... Quant aux choix des ministres, il faudra attendre si la personnalité chargée de former le gouvernement aura les coudées franches ou aura-t-elle les mains liées par le chef de l'Etat et par les partis influents ? Il faudra attendre pour savoir si on va persévérer dans le principe des quotas partisans ou si on va privilégier les compétences d'abord ? Mais qui donnera les consignes au prochain chef du gouvernement quant aux modalités à suivre pour composer son équipe ? Et la grande inconnue qui inquiète plus d'un, est celle de savoir si BCE se contentera de ses prérogatives conformément aux dispositions de la Constitution ou va-t-il interférer dans les tractations pour la formation du cabinet gouvernemental. En effet, certains milieux proches de la présidence avancent que seul BCE connaît le nom du candidat à la présidence du gouvernement et qui en garde jalousement le secret en attendant le jour « J », qui ne serait pas très loin ? D'autres vont jusqu'à dire que les dés sont jetés et qu'un consensus est déjà prêt suite à l'inévitable entente entre les deux « Cheikhs », d'où les bruits qui courent quant à un éventuel bouclage très rapide de cette phase de l'initiative présidentielle. Certains allant jusqu'à affirmer que la boucle sera bouclée avant le mois d'août en cours. Peut-on dire que rien ne va plus et que les jeux sont déjà faits ?! Qui vivra verra...