A la tête du Théâtre national tunisien depuis 2014, l'auteur et metteur en scène Fadhel Jaïbi y a créé l'Ecole de l'Acteur qui va bientôt entamer sa troisième session de formation pratique d'acteurs professionnels sous forme d'ateliers dirigés par des professionnels et des universitaires tunisiens et étrangers de renom. A cet effet, « Le Temps » a rencontré Fadhel Jaïbi. Interview. Le Temps : Pourquoi une Ecole de l'Acteur et plus encore au Théâtre national ? Fadhel Jaibi : Cela correspond à un vieux rêve. Fils d'enseignant, je ne fais que transmettre depuis toujours. Je n'ai jamais arrêté de travailler depuis Gafsa, le Kef, à former et me former à travers la formation des autres. J'ai effectué un nombre incalculable de stages en Tunisie et dans le monde. J'ai toujours rêvé d'une école privée de théâtre. Et quand on m'a proposé le poste de directeur du Théâtre national tunisien, ma première condition était la création d'une école. Et contrairement à la rumeur, je n'ai rien contre la formation académique qui donne de futurs enseignants, ce qui est d'une grande importance. Sauf que cette institution s'est toujours coupée de la réalité. C'est un constat objectif. Quand les ressortissants de l'ISAD viennent me voir et dont certains sont habités par l'art de l'acteur, la tête est plus ou moins bien faite, mais le reste est très approximatif et très précaire. J'ai travaillé avec eux en parlant de technique et de savoir. La technique seule ne suffit pas et comme disait Rabelais : « Science sans conscience, n'est que ruine de l'âme. » Si tu n'as pas la conscience, c'est-à-dire la lucidité, tu ne pourras pas avancer. Et quand l'ISAD ne forme ni acteur, ni metteur en scène, ni auteur dramatique, je me suis dit que je vais m'occuper de cette « Sanâa », ce savoir-faire nécessaire. Cela a donné lieu au « Jeune Théâtre national » pour donner un sang nouveau à l'institution pour un renouvellement impératif, sinon vital et transmettre la connaissance. Il s'agit de 18 acteurs diplômés de l'ISAD, des Beaux Arts, du cinéma, de l'architecture et de la musique. Durant les tournées de « Violence(s) du Sud au Nord de la Tunisie, les spectateurs ne distinguaient pas entre les grands acteurs et les débutants. Ces jeunes acteurs ont joué dans les pièces de Sonia Zargayouna, Raja Ben Ammar, Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar. Aujourd'hui, nous sommes en période de recrutement et ouverts à tous. La coproduction est –elle une ouverture sur le théâtre mondial ? Un théâtre de l'ici et du maintenant, qui reflète l'image du Tunisien, qui lui renvoie son image. C'est un théâtre vivant qui a produit des dizaines de spectacles et qui s'est adressé à des dizaines de milliers de spectateurs depuis « J'ha », « El Borni wel Atra », « L'Instruction », « La Noce », « Ghassalet Enouader », « Jounoun », « Khamsoun » et « Violences. » C'est plus qu'une ouverture. Cette dernière a commencé depuis trente ans. C'est plutôt quand les grands festivals et les grands théâtres nous invitent Jalila Baccar et moi avec le théâtre qu'on crée. « Khamsoun » a été créée au Théâtre de l'Odéon, en plus d'autres créations en Allemagne, à Avignon. Les spectacles sont diffusés un peu partout. Tant que tu fais avancer la réflexion et l'esthétique théâtrale, sans aucune diplomatie, tu es le bienvenu. La dernière pièce « Violence(s) a été coproduite par le Piccolo Teatro de Milan, l'un des plus grands théâtres du monde qui existe depuis 1947. On nous invite Jalila et moi à créer, « Tsunami » au Théâtre national d'Annecy, « Khamsoun » a été créée à l'Odéon Théâtre de l'Europe, à Paris, et tournée dans le monde entier. Un partenariat très important pour montrer une technique et un discours alternatifs. Votre travail à la tête du TNT vous a-t-il empêché de vous consacrer un peu plus à la création et à la mise en scène ? Cela ne m'empêche pas du tout. C'est une gageure et un pari. Durant ces deux années, nous avons réussi le pari du redressement de l'institution, un chantier qui est toujours ouvert. Nous avons monté 7 spectacles et nous avons entamé le huitième. Nous avons donné 200 représentations dont plus de la moitié avaient eu lieu à l'intérieur du pays et à travers le monde. Au « Quatrième Art », nous avons créé le « Café culturel » avec le « Happy Hour », organisé des lectures d'œuvres théâtrales, le ciné-club et le Cinéma de la Paix. Interview réalisée par :