Aussi paradoxalement que cela puisse paraître, autant le parti de Nidaa Tounès paraissait fort, soudé et rayonnant avant les élections de fin 2014, autant il a paru fragile et miné par les alter egos après la victoire et la prise du pouvoir aux niveaux de la présidence de la République, de la présidence de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et de la présidence du gouvernement. Ainsi, de crise en crise, le parti de Nidaa Tounès est, de l'avis des observateurs, plus menacé que jamais de dislocation. Ces menaces ont pris une nouvelle dimension depuis le dimanche 18 septembre courant suite à une proposition toute prête, qui a été faite par le directeur exécutif et représentant juridique du parti, Hafedh Caïd Essebsi, lors de la réunion tenue ce jour-là, stipulant la désignation de Youssef Chahed en tant que président du Comité politique du parti. La même proposition porte sur l'entrée au Comité politique des membres nidaïstes du gouvernement et des membres du Comité constitutif jusqu'à l'organisation du prochain congrès électif. Cette proposition qui prenait l'air d'une décision « cuisinée » et imposée de l'extérieur du parti, a été mal prise par plusieurs dirigeants de Nidaa dont Néji Jelloul, ministre de l'Education, qui a quitté la réunion en colère avant de la réintégrer. Dans une déclaration fuitée et diffusé par Radio Mosaïque, Néji Jelloul, a crié, dans un accès de colère, que tout ce qui se passe chez Nidaa est contraire à ses principes pour lesquels il s'est battu tout en assurant qu'il va démissionner. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là puisque de nouveaux développements ont apparu laissant entrevoir, carrément, une scission du parti en deux nouveaux clans. Ceux qui soutiennent la désignation de M. Chahed à la tête du Comité politique et ceux qui sont contre, ce qui place le parti devant un dilemme et un risque majeur d'une nouvelle scission qui pourrait être fatale, cette fois-ci En effet, de nombreux barons, soit près de douze dirigeants, se trouvent parmi les contestataires de la ligne suivie par Hafedh Caïd Essebsi. On citera Faouzi Elloumi, Boujemâa Remili, Moncef Sellami, Faouzi Maâouia, Ridha Belhaj, Nabil Karoui, Sofiène Toubel, Khemaïs Ksila, Nabil Karoui, Abdelaziz El Kotti, Nasser Chouayekh et Abdelaziz El Kotti. Ce groupe, important et influent puisqu'il comprend deux hommes d'affaires réputés comme étant parmi les bailleurs de fonds de Nida, semble décidé à aller jusqu'au bout. Il crie, haut et fort, qu'il n'en veut pas de Youssef Chahed comme leader du parti et encore moins en tant que président du Comité politique. « Nous n'avons rien contre Youssef Chahed, précisent Faouzi Elloumi et Boujemâa Remili. Au contraire, nous l'avons soutenu en tant que chef du gouvernement d'union nationale et nous continuerons à le soutenir, mais nous sommes contre le cumul et contre la manière dont on veut le faire parachuter comme nouveau patron de Nidaa », assurent les deux dirigeants du parti. Ceux qui refusent M. Chahed affirment qu'au cas où il prendrait la direction du parti, les problèmes de ce dernier vont être transposés au sein du gouvernement et pourraient lui causer des ennuis majeurs allant jusqu'à engendrer son échec, ce qu'ils ne souhaitent pas. Cette thèse se défend et trouve sa justification, déjà, dans ce qui est arrivé dimanche suite au clash enregistré par Néji Jelloul. Quel type de relations va avoir, dans ce cas, le chef du gouvernement et son ministre s'ils sont en conflit aussi grave au sein de Nidaa?! Et si les divergences incessantes entre les divers clans de Nidaa vont toucher les membres du gouvernement? Cela génèrerait des rapports conflictuels au sein de l'équipe gouvernementale dont on n'pas intérêt à ce qu'ils fassent surface en cette conjoncture difficile par laquelle passe la Tunisie et qui exige, au contraire, un climat de solidarité à toute épreuve. Les partisans de l'autre thèse, défendant l'idée de l'entrée en scène de M. Chahed, rétorquent que dans presque tous les régimes parlementaires, à l'instar du nôtre, le chef du gouvernement est, en même temps, le chef du parti de la majorité au parlement. Alors, pourquoi pas chez nous et pour Nidaa ? Cela faciliterait la tâche de Youssef Chahed qui serait, alors assuré de l'appui inconditionnel et indéfectible de la majorité parlementaire de son parti. Ce raisonnement, en apparence très logique, demeure, toutefois trop théorique. En effet, cette justification serait plausible si l'ambiance au sein de Nida était au beau fixe. Ce qui est trop loin d'être le cas! Autrement dit, il aurait fallu commencer par une action d'assainissement de l'ambiance à l'intérieur du parti, l'élimination de l'esprit de clanisme et le bannissement des querelles et ses coups bas avant de passer à cette phase d'intronisation du chef du gouvernement à la tête du Comité politique. Maintenant et abstraction faite de tous les raisonnements et de toutes les argumentations, après l'apparition de ces réticences à l'égard de cette nomination, même s'il ne s'agit que d'une proposition qui reste à confirmer par un vote, les analystes assurent que le mal est fait et que même si Youssef Chahed obtiendrait, une élection dans ce sens, il commettrait une grave erreur. Et puis, pourquoi chercherait-il à obtenir une majorité de Nidaa alors qu'officiellement, le gouvernement d'union nationale bénéficie, en principe, de l'appui d'au moins six partis et de trois organisations nationales? Cela veut-il dire qu'il n'a pas confiance en les signataires de l'Accord de Carthage. Franchement, on a beau disséquer cette volonté de M. Chahed de prendre la tête du parti de Nidaa qui se trouve en « piteux état »... A moins qu'il veuille se positionner, d'ores et déjà, en vue de 2019. D'ailleurs, Néji Jelloul, dans le fameux enregistrement fuité, il a crié : « Je vais démissionner et on verra bien qui va gagner en 2019 ! ». C'est dire que les divers hommes politiques semblent obnubilés par la perspective de l'échéance de 2019! On citera, dans ce sens, le come back attendu incessamment, de Mehdi Jomâa qui semble vouloir se placer, lui aussi, en vue de la présidentielle et des législatives de 2019. C'est donc, dans cette ambiance de course au Palais de Carthage dans un peu plus de trois ans que les politiciens tentent de se positionner. Et parmi eux, Youssef Chahed qui se dirait : « Et pourquoi pas moi ?! ». Catapulté « number one » pour la gestion des affaires de l'Etat par le président de la République, boosté par un des conseillers au Palais de Carthage et exploité par le directeur exécutif de Nidaa pour pouvoir contrer ses adversaires au sein du parti, M. Chahed devrait réfléchir, plus d'une fois, avant de s'engager dans la « fournaise » d'un parti mal en point, car pour satisfaire ses ambitions démesurées, il pourrait rater la mission pour laquelle il a été désignée au Palais de La Kasbah. Mais, alors là, les Tunisiennes et les Tunisiens ne le lui pardonneront jamais...