Depuis la fondation du festival de la médina et celle de son association de sauvegarde; le centre historique retrouve des synergies culturelles qui vont en s'amplifiant avec l'arrivée d'une nouvelle génération d'acteurs culturels comme les équipes de Dream City ou d'Interférences. Regards sur une dynamique en cours et une renaissance culturelle de la médina au détriment de l'hyper-centre de la capitale... Centre culturel historique dans la médina de Tunis, le club Tahar Haddad organise aujourd'hui mardi 4 octobre une journée de réflexion sur la présence de la culture dans la médina et les différentes modalités de l'action culturelle dans cette région du grand Tunis. Nous avons vu dans un précédent article comment la vie culturelle se déplaçait de plus en plus vers la banlieue nord de la capitale ouvrant la voie à un désert culturel qui continue à avancer dans un centre-ville de Tunis qui perd ses équipements culturels à grande vitesse et n'attire plus le public. Bien sûr, l'offre culturelle est bien présente au centre-villemais elle ne s'articule désormais que sur les trois espaces que sont le Quatrième Art, la Maison Ibn Rachiq et l'Auditorium de l'Institut français. L'hyper-centre de Tunis déserté par le public culturel D'autre part, un second pôle existe avec les salles du Rio, du Mondial et d'El Hamra, trois espaces privés qui maintiennent la flamme. Sinon, la vie culturelle au centre-ville se caractérise par des espaces fermés comme le Théâtre municipal ou la Maison Ibn Khaldoun, des salles de cinéma qui ne parviennent plus à tenir le coup et des galeries d'art absentes. Bien entendu ça et là, des initiatives existent et rayonnent sur la capitale avec El Teatro, la Maison des Arts, les nombreux centres culturels étrangers et quelques rares librairies. Seulement, c'est le tableau d'ensemble qui n'est pas reluisant et l'hyper-centre de la ville qui est déserté par la culture et envahi par les gargottes, les ambulants et beaucoup d'autres facteurs qui donnent une impression de malaise. Evidemment, le débat qui aura lieu aujourd'hui au club Tahar Haddad se penchera seulement sur la médina qui, contrairement à l'ancienne ville européenne, a retrouvé un regain culturel qui d'ailleurs fut le sien durant la première moitié du vingtième siècle. C'est en efffet dans la médina de Tunis que la culture moderne tunisienne a fait ses premiers pas autour du souk des libraires, de la Khaldounia, du club des Anciens sadikiens et des cafés Mrabet, Taht Essour et taht Eddarbouz. Dans cette médina de nos ancêtres, les clubs culturels existaient à foison, la Rachidia venait de naitre ainsi que le conservatoire d'art dramatique ou encore les espaces culturels de Abdelaziz Jmaiel ou Zinelabidine Snoussi. La médina et les faubourgs retrouvent leur fonction culturelle Depuis le début des années 1980, la médina retrouve cette atmosphère des pionniers et un nouveau tissu culturel. Le club Tahar Haddad avait donné l'exemple dès 1974 tout comme l'Association de sauvegarde de la médina qui entreprenait un vaste défrichage du potentiel de la médina qui aura ensuite trois révélateurs culturels et touristiques. Ces trois initiatives ont pris la forme de la création du festival de la médina, de l'ouverture de la galerie Dar Bouderbala et celle du restaurant Dar El Jeld. Ce sont en effet ces trois vecteurs conjugués qui ramèneront le public culturel vers la médina qui trouvera un autre fleuron par la restitution à la culture du palais Kheireddine. Entretemps, plusieurs initiatives publiques et municipales ont doté la médina d'un réseau culturel avec la restauration de plusieurs anciennes demeures et medersas et leur utilisation en tant qu'espaces culturels. Citons par exemple la Maison de la Poésie, les medersas Slimania, Achouria, Montassiria et de Bir Lahjar. Ces deux générations d'initiatives culturelles ont défriché la voie à toutes sortes d'entreprises culturelles qui vont du Cercle Fouq Essour à la librairie Diwan en passant par les nombreux restaurants culturels et autres maisons d'hôtes qui sont de plus en plus nombreux. Tout cela donne un vécu au quotidien pour la culture dans la médina avec la présence de nouveaux acteurs qui, avec une nouvelle génération d'initiatives, contribuent à créer de nouvelles dynamiques. Citons ici à titre d'exemple l'association L'Art-Rue et Dream City ou encore le groupe Doulescha et de nombreuses autres tentatives novatrices dont la dernière en date a pris la forme d'un festival des lumières dans la médina de Tunis. De ce fait, l'offre culturelle tend à se multiplier tout comme les lieux de convivialité ou d'apprentissage à l'image de la toujours dynamique Rachidia ou des nombreux ateliers d'artistes plasticiens comme Hamadi Ben Said, Rejeb Zeramdini ou Salwa Ben Said. L'objectif de cette rencontre au club Tahar Haddad est ainsi d'observer ces dynamiques, ce mouvement de fond qui est en train de transformer la médina en pôle culturel dans la capitale au détriment du centre européen. Un paradoxe est toutefois à relever: il n'existe pas de musées dans la médina alors que le besoin est grand en la matière. Pire, trois musées existent mais sont tous trois fermés à Tourbet el Bey, Dar Ben Abdallah et Sidi Bou Krissan où le musée lapidaire est aux abonnés absents depuis plus d'une décennie. Un grand potentiel et des paradoxes comme les musées fermés D'autre part, un grand potentiel existe qui mérite d'être dynamisé et mis en réseau comme par exemple le musée de la céramique ou la bibliothèque publique du Divan. D'autre part, plusieurs musées privés sont actuellement en cours de création et pourraient donner un nouveau visage à la médina et ses deux faubourgs, sièges de plusieurs associations culturelles. Toutefois, un autre problème mérite solution: il s'agit du déséquilibre flagrant en termes d'infrastructures entre la partie nord de la médina et sa partie sud qui ressemble à une zone culturellement sinistrée. Plusieurs intervenants devraient faire le point sur la situation culturelle dans la médina de Tunis et il est heureux que pareille rencontre se déroule au club Tahar Haddad qui demeure l'un des épicentres de la vie culturelle dans la médina depuis plus d'une quarantaine d'années.