Confronté au dilemme cornélien de l'inadéquation entre les ressources et les dépenses budgétaires, le gouvernement entend enfin s'attaquer au l régime fiscal forfaitaire. Outre les contributions exceptionnelles des entreprises et la révision du barème de l'IRPP (l'impôt sur le revenu des personnes physiques), le projet de loi des finances pour l'exercice 2017 comprendra des mesures visant à faire passer plusieurs professions libérales du régime forfaitaire au régime réel, selon des sources bien informées au ministère des Finances. A preuve, des concertations se déroulent depuis quelques semaines entre les autorités compétentes et les structures professionnelles représentant des corps de métiers concernés comme les avocats, les médecins, les experts-comptables et les ingénieurs. Ainsi, le bâtonnier, Me Ameur Meherzi, s'est entretenu mardi dernier avec le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, au sujet des dispositions figurant dans le projet de la loi des finances et proposé un projet de loi relatif à un régime fiscal spécifique aux avocats. L'application des dispositions de la loi de finances relatives aux professions libérales a été aussi au centre d'une réunion tenue mercredi dernier entre la ministre des Finances, Lamia Zribi, et la coordination des structures médicales regroupant des représentants du conseil national de l'Ordre des médecins, le conseil de l'Ordre des médecins dentistes, le syndicat tunisien des médecins du secteur privé, le syndicat des médecins spécialistes, et le syndicat des dentistes. Selon un communiqué du ministère des Finances, la rencontre a porté sur « l'approche participative en matière de préparation de la loi de finances de l'année 2017 en ce qui concerne la fiscalité des professions libérales qui ne vise pas un secteur bien déterminé, mais a pour objectif d'instaurer une équité fiscale globale, en tenant compte de la spécificité de chaque secteur». 400.000 contribuables bénéficient du régime forfaitaire ! D'après les premières indiscrétions, l'intérêt des autorités se porte actuellement sur deux options: la facturation des notes d'honoraires dans certaines professions libérales comme les médecins, les ingénieurs, les architectes et les avocats ou encore l'alignement des médecins, des experts comptables et des ingénieurs sur leurs confrères exerçant dans le secteur public. Le nombre de bénéficiaires du régime est estimé à 400.000 contribuables en Tunisie dont la part dans la recette fiscale de l'Etat ne dépasse pas les 0,2%. Selon les statistiques du ministère des Finances pour l'année 2013, les médecins de libre pratique, toutes spécialités confondues, ont déclaré en 2013 des revenus estimés à 180 millions de dinars. Pour ces recettes, ils n'ont payé que 36,8 millions de dinars d'impôts. Sur la base de ces chiffres, chaque médecin paye, annuellement, 4708 dinars d'impôts, soit l'équivalent d'un revenu mensuel net de 1303 dinars. Pour les dentistes, chacun paye 1813 dinars d'impôts par an, soit l'équivalent d'un revenu mensuel de 672 dinars. Ainsi, la valeur des impôts payés par 75% des médecins de libre pratique est inférieure au montant payé par leurs confrères exerçant dans le secteur public soumis au régime de la retenue à la source. Pour rappel, le gouvernement avait déjà tenté, sans succès, d'en finir avec le régime fiscal forfaitaire en 2014 et en 2015. Une forte mobilisation a eu en effet lieu contre la loi de finances complémentaire de 2014, qui prévoyait l'exclusion de 68 secteurs d'activité du régime forfaitaire et ce à partir du 1er janvier 2015. Une union des professions libérales (UTPL) a été alors créée pour défendre le maintien du régime forfaitaire. Cette union regroupant les médecins, les avocats, les experts-comptables, les ingénieurs et autres professions libérales, n'a pas avancé à ce jour des alternatives aux propositions du gouvernement. Ces chers «libéraux» préfèrent continuer de profiter d'un système de privilège qui constitue la principale plaie du système fiscal tunisien.