Avec le démarrage de la campagne électorale pour les élections législatives, chaque parti a présenté son programme économique et social, espérant séduire les électeurs et présenter les solutions magiques pour le développement du pays. Ennahdha était le premier parti à avoir dévoilé publiquement son programme économique et social. Un programme que nous espérons nous faire oublier les 365 mesures du programme de 2011, et l'effort de plus de 182 experts annoncés comme ayant travaillé sur ce programme. On espère aussi qu'il va nous faire oublier les 400 mille postes d'emplois à créer et le taux de croissance qui a été estimé à 8% par an. En totalité, est ce que l'actuel programme est devenu plus réaliste et plus pragmatique, surtout que plusieurs cadres d'Ennahdha ont maintenant l'expérience du gouvernement et de l'administration ? Effacer le spectre des 365 mesures de 2011 En 2011, Ennahdha se lançait dans un programme économique trop ambitieux et ne prenait pas en considération la réalité du pays. Pourtant, tous les éléments indiquaient que la situation économique sera très difficile pour les années 2012 et 2013. Et pourtant, le parti Ennahdha nous a vendu beaucoup de rêves en 2011, et c'est peut-être l'une des raisons de sa victoire. Tout le monde croyait que les hommes politiques d'Enhadha, ainsi que ses experts, ne mentent pas, parce que mentir est un pêché. Or, un homme politique, sauf quelques exceptions, est menteur par excellence. En voulant faire le bilan de son passage au pouvoir et le chaos économique dans lequel se trouvait le pays aujourd'hui, Ennahdha se défendait qu'on ne l'a pas laissé travaillé convenablement et qu'elle n'a pas gouverné toute seul, puisque c'était une Troîka. Or tout le monde sait qu'Ennahdha détenait les principaux portefeuilles ministériels, et qu'elle gouvernait toute seule. Pour résumer le bilan économique d'Ennahdha au gouvernement n'était pas satisfaisant, et ce parti n'a réalisé aucun des 365 mesures énoncées dans son programme de 2011.
Ennahdha est-elle devenue plus raisonnable?
Dans sa présentation du programme économique, Ennahdha a fait le bilan de son passage au gouvernement, dévoilant son rôle dans l'amélioration du niveau de croissance, de la baisse du chômage et de la réduction du déficit. Or on sait que le chômage a baissé artificiellement grâce aux recrutements, parfois inutiles dans la fonction publique, et l'amnistie générale pour les prisonniers. Les bases de la réflexion économique du programme d'Ennahdha, partent du principe que le plan de développement de la Tunisie a atteint ses limites, et que notre économie détient des atouts importants pour son développement. Dans ce cadre, Ennahdha propose un nouveau modèle de développement économique inclusif. Ce nouveau modèle se base sur une économie sociale, le passage d'une économie de rente à une économie de concurrence; et le retour de l'Etat comme régulateur des aléas du marché. Pour ce faire, Ennahdha préconise des réformes économiques structurelles, et l'orientation vers des secteurs à haute valeur ajoutée et la réduction du chômage. Quelques indicateurs du programmes électoral d'Ennahdha: – Un taux de croissance de 6% durant les 5 prochaines années, avec 5% durant les 3 premières années et 7% durant les deux dernières années du quinquennat. – Réduire le niveau de l'endettement à 45% du PIB d'ici 2019. – Réduire l'endettement extérieur à 40% contre 60% actuellement. – Garantir une contribution des sukuks islamiques de l'ordre de 50% dans les financements sur le marché monétaire. – Réduire le déficit public à 3%. – Maitriser l'inflation dans un niveau de 4%, contre 5.6% actuellement. – Réduire le taux de chômage à -10%, sans avancer de nombre de postes d'emplois à créer. A côté de ces indicateurs macroéconomiques, Ennahdha a développé toute une panoplie de mesures et orientations sectorielles couvrant: l'industrie, le tourisme, l'agriculture, les réformes fiscales, le commerce, la compensation, les entreprises publiques, la réforme du secteur bancaire, la réforme des caisses sociales, le secteur informel, le développement des ressources humaines, la logistique……La spécificité du programme économique c'est qu'il a été scindé en plusieurs parties, prenant en considération les secteurs économiques, ainsi que les activités de soutien économique.
Un programme mieux affiné, mais « bateau »: En faisant une légère comparaison entre les programmes économiques d'Ennahdha de 2011 et celui de 2014, on s'aperçoit d'une nette amélioration au niveau de la structuration des idées et de l'étendue du contenu des mesures évoquées. Cette amélioration est le fruit de « l'entrainement » d'Ennahdha dans les principaux ministères, et aussi la prise en considération des nouvelles réalités du pays. Cependant, ce programme nous interpelle à plusieurs niveaux : * On remarque que les experts d'Ennahdha avaient peur d'avancer plusieurs chiffres car ils n'ont pas les éléments pour faire les calculs prospectifs et c'est pour cela qu'ils sont tombés dans la littérature et les déclarations d'intention. En effet, les politiques sectorielles se basent sur des terminologies telles que « développement », « restructuration », « rationaliser »,...sans être plus explicite ou plus concret. * Présentant les bases de sa réflexion économique, Ennahdha évoquait constamment la nécessité de faire la rupture avec l'ancien modèle économique. Or, dans toutes les mesures invoquées, on ne retrouve pas cette rupture, au contraire on retrouve des programmes et des orientations évoquées même durant l'époque Ben Ali, tels que la variation des produits touristiques, la rationalisation des dépenses de la Caisse de compensation, la réduction du secteur informel,le développement du tissu industriel, l'amélioration de l'environnement des affaires,..... * Contrairement à d'autres partis politiques que nous évoquerons prochainement, Ennahdha ne présente pas un programme d'investissement pour le prochain quinquennat, ni de nouvelles sources de financement pour le budget de l'Etat pour financer les interventions publiques. * Le volet exportation, qui est l'un des moteurs de la croissance économique en Tunisie, est quasi absent dans le programme économique d'Ennahdha. En effet, à l'exception de la volonté de soutenir l'exportation des produits à haute valeur ajoutée, et la variation des marchés d'exportation et spécialement le marché africain, on ne retrouve pas de mesures concrètes et qui vont dans le vif du sujet. On cite, à titre d'exemple, la facilitation des procédures, la création de nouveaux mécanismes de soutien, la promotion du produit tunisien... * Etant un parti de droite, on ne retrouve pas dans le programme économique d'Ennahdha des mesures concrètes qui vont dans le sens de l'amélioration du pouvoir d'achat des citoyens. On trouve comme objectif la maîtrise de l'inflation à 4% durant le quinquennat, l'augmentation périodique du salaire minimum, et l'amélioration des indemnités familiales..On ne retrouve pas des questions comme l'endettement des ménages, la maitrise de la hausse des loyers, l'amélioration du contrôle économique pour maîtriser la hausse des prix,....
A la lecture du programme économique d'Ennahdha, on décèle certainement une amélioration par rapport au programme de 2011, mais Ennahdha nous mène encore une fois en bateau, avec des mesures « bateau ».