Etre créateur de sa propre structure demande de toute évidence une certaine audace : lorsque tout commence, que rien n'est déjà acquis, le risque d'échec est évidemment considérable, en regard d'entreprises qui ont déjà façonné leurs réseaux de clientèle, de fournisseurs, leur réputation, leur stabilité économique et financière parce que technique, opérationnelle et commerciale. Ce qui veut dire que la qualité première de l'entrepreneur est le courage. Maintenant, le courage ne suffit pas : il faut en outre que l'entrepreneur ait l'imagination fertile, le conduisant d'étape en étape dans le processus de projection de son entreprise. Une imagination idéalement dûment secondée par un enseignement idoine, sur la meilleure manière de se faire connaître, d'organiser l'offre de produits ou de services, de conquérir un marché, de consolider une structure par une équipe gagnante, de solidifier le capital de l'organisation, etc. La troisième qualité de l'entrepreneur est donc à la fois d'être à l'écoute de son marché réel et potentiel, et des moyens de fournir ce marché. Soit, d'être sans cesse, à la fois, ferme sur les acquis et vigilant quant aux possibles d'un environnement par définition en construction. Il faut à l'entrepreneur, à la fois, une capacité d'anticipation et d'adaptation permanentes, lesquelles capacités sont potentiellement en contradiction l'une avec l'autre, la première traçant de manière volontariste un chemin, la seconde autorisant une prise en compte des inévitables événements, informations et imprévus de l'environnement. Etre déterminé, tenace, vigilant et ouvert demande à la fois une grande ambition - celle du rêve que l'on réalise - et beaucoup d'humilité. Humilité devant les événements et devant les savoirs. L'entrepreneur est quelqu'un qui apprend sans cesse, à la fois, sur le plan des contenus (règles de gestion, règles de droit, comportement au quotidien, organisation des équipes, capacité commerciale, etc.) et sur le plan de l'attitude. D'une manière ou d'une autre, l'entrepreneur approfondit son expérience des choses humaines, en installant - avec succès ou non - son réseau de relations, de production, d'offre et d'échange. Autrement dit, l'entrepreneuriat, en obligeant celles et ceux qui s'y adonnent à s'inscrire dans une économie et un monde qu'ils contribuent à façonner, les cultive, les éduque, les oriente. L'entrepreneuriat, c'est une occasion exceptionnelle d'apprentissage, d'apprentissage des enjeux à la fois exceptionnels de l'économie, et de tous les jours. Sur ce dernier plan, l'entrepreneuriat est une véritable école d'humanité. L'entrepreneuriat, qui oblige par excellence celles et ceux qui s'y lancent à prendre leurs responsabilités, devant autrui - qui est multiforme, exigeant et nombreux ! - et devant eux-mêmes, est une véritable dynamique d'éducation, qui inscrit un effort individuel d'abord, le rêve de quelques personnes, dans un collectif destiné à croître, en quantité et en qualité, en compétences, en évidences, en partages, en échanges, en culture. L'entrepreneuriat, c'est au quotidien de réseaux en formation l'occasion dynamique de grandir en capacité de répondre de ses actions au sein de collectifs hétérogènes, qui eux-mêmes bénéficient en retour de la culture qui accompagne la croissance d'une entreprise, de son activité, de ses objectifs, et l'intensification de ses enjeux. L'entrepreneur est par définition un généraliste, qui est amené par la force des choses à s'intéresser à tous les aspects de la vie d'une entreprise, et donc à acquérir, par une pratique quotidienne, une attitude que l'on peut, tôt ou tard, qualifier de politique au sens noble du terme. L'entrepreneur s'occupe, qu'il le veuille ou non, et quand bien même son entreprise aurait la structure d'une entreprise privée, du collectif, donc de la société. Sur ce plan, l'entrepreneuriat à la fois réalise, illustre et témoigne, de ce qu'il est actuellement convenu d'appeler la « responsabilité sociale de l'entreprise », qui, considéré au sens noble, classique, de la pensée politique, est une responsabilité d'ordre politique. Politique, car une entreprise conditionne toujours son environnement quant aux valeurs, à la culture, et à ce qu'il faut viser pour que la vie collective précisément ait un sens. L'entrepreneur, de ce point de vue, joue un rôle déterminant dans la dynamique par quoi se façonne le sens éthique en économie. Il joue - ou non ! - le rôle d'exemple. C'est sur ce point que nous terminons cette description sommaire de quelques traits déterminants de la vocation civique, parce que tonifiante pour le collectif, de l'entrepreneuriat. A. Z