Aux moments de crise, il paraît tout à fait logique que les espaces vitaux soient revisités. Il n'est point curieux, donc, que Tunis accueille deux évènements successifs (les 6 et 7 mai) qui consacrent d'une manière évidente ce jeu récurrent des espaces, en face d'une conjoncture mondiale extrêmement délicate. Le premier était un Séminaire organisée par la Délégation de la Commission européenne à Tunis, en collaboration avec l'Association des études internationales (AEI), sur le « Partenariat Europe-Maghreb : Accords d'association, Politique européenne de voisinage et perspectives de statut avancé ». Le second était un colloque international ayant pour thème « Tunisie-Maghreb-Europe : quelle réponse commune à la crise ? », organisé par « l'Economiste maghrébin », avec la participation et l'appui de la même Délégation. En effet, on peut avoir l'impression qu'il s'agit du nième évènement qui reprend, soit avec des légères variations, soit intégralement, le même thème. Il faudrait toutefois être compréhensif : les problématiques de notre région sont dans une large mesure persistantes. La réalité ne change pas, ou peu. De plus, l'avenir ne cesse de poser de nouveaux défis. Blocages institutionnels, stress hydrique, prix de l'énergie qui repartent maintenant à la hausse…, le tout sur fond de crise économique aussi universelle que cruelle; les décideurs auront certainement du pain sur la planche dans l'espace Euromed. Les bonnes intentions ne sont plus suffisantes.
Lors de la remise d'une récente Communication de la Commission européenne au Parlement et au Conseil européens, intitulée « Mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage en 2008 (IP/09/6925, Bruxelles le 23 avril 2009), Benita Ferrero-Waldner, Commissaire chargée des relations extérieures et de la Politique européenne de voisinage, a déclaré : « L'année 2008 a clairement démontré l'importance stratégique que revêt la Politique européenne de voisinage. Tant la crise économique et financière que les conflits violents à nos frontières et l'instabilité politique ont des conséquences sur la sécurité et la prospérité des citoyens de l'UE. Il reste donc essentiel que l'UE apporte à nos voisins une aide concrète, ciblée et crédible de nature à générer une sécurité et une prospérité mutuelles ».
Bien que ces propos manquent de précision dans la mesure où laissent entendre que la crise économique est l'œuvre des pays du Sud, alors qu'elle y est plutôt exportée par les pays du Nord qui sont beaucoup plus touchés, ils témoignent, néanmoins, de l'importance d'une réponse collective, à défaut d'une qui serait globale.
Pour la Tunisie, en particulier, ce jeu des espaces ne serait pas très complexe. L'Union européenne est en marche. Le Maghreb est encore en gestation. Face à une situation pareille, l'Europe reste le seul espace régional de référence aux yeux de la Tunisie. Le volet bilatéral demeure ainsi crucial. Et les chiffres corroborent une telle constatation.
Sur le plan financier, les engagements de l'UE, à travers la Commission européenne, prévoient des enveloppes de 77 millions d'euros en 2009 et en 2010. Ces enveloppes bilatérales sont accompagnées par les interventions de la Banque européenne d'investissement (BEI), dont l'instrument de Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (Femip), garanti par le budget de la Commission européenne et consolidé par des subventions d'assistance technique.
Cela étant, la Tunisie demeure le premier bénéficiaire de la BEI. L'offre de cette banque représente la principale réponse financière de l'Union européenne à la crise. Cette offre tient compte, en premier lieu, du durcissement et du renchérissement du refinancement de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux et, en second lieu, de la décision du gouvernement tunisien d'augmenter les investissements publics de 20% en 2009 afin de stimuler l'économie.
Par ailleurs, la facilité d'investissement dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, un instrument financier récemment créé, ainsi que les bonifications d'intérêt, notamment dans le domaine de l'environnement en 2009, servent de catalyseurs de financement pour les banques de développement des Etats membres de l'UE. Pour ses besoins en devises, le gouvernement tunisien a d'ailleurs pris la décision de ne pas recourir au financement sur les marchés internationaux en 2008 et 2009, mais plutôt au financement interne et institutionnel.
Sur le plan opérationnel, et afin de tenir compte des difficultés financières et économiques générées par la crise, le gouvernement tunisien a demandé à l'UE d'augmenter l'enveloppe financière 2010 allouée au Programme d'appui à l'intégration de l'économie tunisienne dans le circuit mondial, mis en œuvre conjointement avec la Banque mondiale et la Banque africaine de Développement (BAD). La Commission européenne contribue déjà au Programme d'intégration à hauteur de 50 millions d'euros. Une grande partie des réformes proposées dans le cadre de ce programme a été également inclue dans le Programme de stimulation de l'économie, annoncé par le gouvernement tunisien fin 2008. Ces mesures portent notamment sur la facilitation des échanges, la convergence avec les normes et les standards de l'UE, ainsi que l'amélioration du climat des affaires et de l'accès au financement (assainissement bancaire, capital risque, bourse, etc.).
Mais au-delà de cet aspect de coopération essentiellement bilatérale, une réponse commune qui prévoit des solutions collectives applicables de part et d'autre de la Méditerranée, représente actuellement un objectif hors d'atteinte, tant les réponses nationales, « le chacun pour soi » en d'autres termes, et même le protectionnisme, prennent le dessus. Au sein même de l'UE, espace assez cohérent et fortement intégré, un certain « patriotisme » économique est entrain de se (ré)installer …Voilà un argument de plus pour les eurosceptiques !