M. Abdelwaheb Abdallah : « Notre pays cherche à concilier les impératifs liés à la nécessité de conférer davantage de compétitivité à notre économie et de respecter les exigences sociales ». * M. Raffarin a mis l'accent sur le nécessaire renforcement de la cohésion régionale, notament, au Maghreb, et sur le développement de l'Union pour la Méditerranée (UPM) qui prône une « politique de projets ». Tunis-TAP - Le forum de la revue économique bimensuelle "L'Economiste Maghrébin" a entamé, hier matin, ses travaux à Tunis, sur le thème "Tunisie-Maghreb-Europe : Quelles réponses communes à la crise économique?" Le colloque auquel ont pris part d'éminents hommes politiques, diplomates, économistes et universitaires, aura à se pencher sur l'examen de la crise économique mondiale et de son impact sur les pays maghrébins et européens, ainsi que sur les réponses communes à apporter à cette crise au plan politique et économique. Dans son discours inaugural du colloque, M. Abdelwaheb Abdallah a plaidé en faveur de l'approfondissement des liens entre les ensembles maghrébin et européen "Pour relever les défis auxquels ils font face en oeuvrant pour l'émergence d'un pôle économique euro-méditerranéen solidaire capable de traiter d'égal à égal avec les autres pôles importants sur l'échiquier économique mondial." "Les défis communs inhérents à la crise économique mondiale commandent, en effet, à ces deux ensembles d'œuvrer de concert pour des solutions communes dans le cadre d'un partenariat solidaire parfaitement conforme à l'appel lancé par le Président Zine El Abidine Ben Ali devant le parlement européen à Strasbourg depuis juin 93 en faveur de l'établissement de relations de partenariat et de co-développement solidaire avec les pays de l'U.E" a-t-il dit. Le ministre des Affaires étrangères a aussi rappelé l'attachement de la Tunisie à l'instauration d'un ordre mondial fondé sur la justice et la solidarité exprimant l'espoir de voir le sommet consacré à la crise financière mondiale qui sera organisé à New York en juin 2009 aboutir à des mesures concrètes dont l'idée que préconise le Président Zine El Abidine Ben Ali d'élaborer un code de conduite, engageant sous l'égide des Nations Unies, toutes les instances de contrôle en vue d'encadrer les méthodes de travail du système financier et d'assurer l'adéquation entre les secteurs financier et réel". "Grâce à une gestion prudente du secteur bancaire et financier et à la vision clairvoyante du Président Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie a mis en place, dès les premières secousses du marché financier international, une cellule de veille chargée de suivre l'évolution de la conjoncture économique nationale et internationale et de recommander les mesures nécessaires pour soutenir les entreprises et les secteurs affectés", a ajouté M. Abdelwaheb Abdallah, rappelant que notre pays cherche "à concilier les impératifs liés à la nécessité de conférer davantage de compétitivité à notre économie et derespecter les exigences sociales". "Les mesures prises ont pour objectif de soutenir les entreprises, de favoriser la compétitivité de l'économie nationale et de renforcer l'infrastructure du pays, tout en préservant la place qu'occupe la Tunisie en tant que pôle d'attraction de l'investissement étranger et partenaire de choix dans le bassin méditerranéen", a affirmé à ce propos le ministre. Il a cité, à cet égard, les témoignages du président du FMI M. Dominique Strauss-kahn et de M. François Fillon, Premier ministre français qui a souligné que "la Tunisie grâce à une gestion prudente, et à des fondements solides, présente des résultats impressionnants. Elle cherche à préserver un équilibre entre l'accélération des réformes, l'intégration dans l'espace euro-méditerranéen, l'amélioration des ressources humaines, le respect des équilibres économiques et sociaux. C'est ce qui lui vaut sa bonne notation sur les marchés internationaux des capitaux comme auprès des investisseurs étrangers". Le ministre des affaires étrangères a, d'autre part, mis en relief les efforts de la Tunisie en faveur de l'intégration maghrébine "qui n'est plus perçue comme un impératif pour les seuls pays concernés mais aussi comme un facteur de crédibilité et d'attractivité économique vis-à-vis des partenaires européens et autres". Apres avoir souligné "la nécessité pour le Maghreb, d'appliquer les dispositifs appropriés illustrés par les accords de libre échange bilatéraux, d'harmoniser les règles d'origine avec celles de l'UE pour instaurer une forte complémentarité des tissus industriels et d'assouplir les conditions et les procédures d'investissement pour faciliter les implantations et les créations d'entreprises inter-maghrébines dans les 5 pays", M. Abdelwaheb Abdallah a déclaré dans le même ordre d'idées: "Il est surtout impératif d'accélérer la mise en place de la Banque Maghrébine d'Investissement et de Commerce Extérieur qui constitue, à nos yeux, un instrument essentiel de l'intégration maghrébine. Cette institution, destinée à financer les projets mixtes, à encourager la circulation des capitaux et à promouvoir les échanges commerciaux, est fortement réclamée par les milieux d'affaires maghrébins". Il a rappelé, à ce propos, que les ministres maghrébins des Affaires étrangères, réunis récemment à Tripoli, ont fixé pour la fin de ce semestre, le démarrage de cette institution financière. "Il s'agit là d'une décision fort opportune qui contribuerait à appuyer les efforts des pays maghrébins à mieux faire face aux effets de la crise financière et économique mondiale", a poursuivi le ministre, soulignant que "l'intégration maghrébine est devenue une nécessité économique incontournable, vu la concurrence intense que se livrent les différents blocs régionaux". "En effet, a-t-il relevé, compte tenu des défis énormes auxquels les économies maghrébines devraient faire face, le coût du non-Maghreb peut s'avérer important pour la région, les blocages dont pâtit la construction maghrébine occasionnent un manque à gagner substantiel de l'ordre de 1 à 2 pc de croissance annuelle pour chaque pays. Il a souligné que "l'intégration maghrébine n'est plus un impératif qui interpelle uniquement les pays concernés. Elle est devenue une exigence régionale et un maillon incontournable dans la chaîne du libre-échange, à l'œuvre en Méditerranée". De son côté, M. Adrianus Koetsenruijter, Ambassadeur, chef de la délégation de la Commission Européenne en Tunisie a fait remarquer que l'aggravation de la crise économique en Europe touche l'économie tunisienne. Néanmoins, a-t-il dit, la Tunisie est moins affectée par la crise même si les prévisions de croissance ont dû être revues à la baisse. L'Ambassadeur a, à cet égard, souligné l'impératif d'apporter des réponses appropriées et concertées à cette crise commune et inédite, passant en revue, à ce propos, les solutions budgétaire, fiscale et financière apportées par l'Union Européenne pour y faire face. Pour sa part, M. Serge Degallaix, Ambassadeur de France en Tunisie a plaidé en faveur de l'impulsion du processus de construction maghrébine, qui a-t-il estimé, constitue «une solution pertinente» pour sortir de la crise. Il a, à cet égard, regretté le coût du non Maghreb. Les périodes de crise, a-t-il précisé, fournissent l'occasion de rechercher plus de cohésion et de mieux de se préparer ensemble à ce qui va suivre. Même si son origine est financière, a-t-il ajouté, la crise est aussi géopolitique avec la nouvelle donne qui va en sortir, les nouveaux rapports de force qui vont émerger et les règles et institutions de gouvernance qui vont évoluer. Par ailleurs, le diplomate français a souligné l'importance de l'Union Pour la Méditerranée (UPM) qui, a-t-il relevé, offre un cadre et un mode de travail paritaire et propose l'exécution de projets concrets communs. En conclusion, l'Ambassadeur français s'est déclaré persuadé que «c'est la capacité des pays européens et maghrébins à dégager des positions communes, à partir de situations très différentes, qui donnera plus de légitimité et plus d'influence pour contribuer à façonner le monde de demain». La deuxième séance des travaux du Forum a été marquée par deux communications présentées par MM. Jean Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français, et Néjib Zerouali Ouariti, ambassadeur du Maroc à Tunis. M. Raffarin a analysé, dans son intervention, les trois caractéristiques principales de la crise économique mondiale. Il a expliqué que celles-ci se manifestent sous forme d'une "crise horizontale" Est-Ouest (Chine-USA), d'une remise en question de la mondialisation et du retour de la menace protectionniste. Il a souligné que cette crise économique a aussi entraîné "le retour du politique" qui consiste en le rassemblement des citoyens et des gouvernants auteur de valeurs fondamentales telles que "la sécurité, l'intelligence, la croissance verte, la culture et "la mesure". Expliquant le concept de "mesure", M. Raffarin a indiqué qu'il s'agit d'une réponse de la crise à la "démesure", dénonçant "un gigantisme qui a conduit à un certain nombre d'erreurs", et mettant l'accent sur l'impératif de construire des "systèmes humanisés, mesurés et contrôlables". S'agissant de la compétitivité, qualifiée de "priorité unique" durant les précédentes années, l'ancien premier ministre Français a estimé que la crise actuelle a permis de recentrer cette compétitivité autour de trois concepts essentiels: la spécificité, face à "la banalisation" résultant de la mondialisation, l'attractivité et la solidarité géographique. Il a indiqué que la politique de l'après-crise sera complexe et s'articulera autour de 3 dimensions: nationale, régionale et multilatérale. M. Raffarin a mis l'accent sur le nécessaire renforcement de la cohésion régionale, notamment, au Maghreb, et sur le développement de l'Union pour la Méditerranée (UPM) qui prône une "politique de projets". S'agissant du choix de l'intelligence, il a souligné la nécessité de développer ce volet, saluant, à ce propos, la coopération engagée entre la Tunisie et la France, en termes de formation d'ingénieurs, fruit d'un accord signé, récemment, par les premiers ministres tunisien et français. M. Zerouali Ouariti a, pour sa part, estimé que la réponse devant être apportée à la crise est une réponse à deux niveaux: national et multilatéral. Il a souligné, à ce propos, la nécessité de renforcer, au plan national, l'effort de conception, de coordination et de contrôle et d'apporter les correctifs qui s'imposent et, sur le plan international, de promouvoir davantage la coopération multilatérale. M. Zerouali Ouariti a, également, mis en relief l'inéluctable "institutionnalisation du 5+5", soulignant que ce mécanisme ne doit pas se limiter à "un simple laboratoires d'idées". Il a, par ailleurs, appelé à ne pas "négliger" la zone de l'Afrique subsaharienne dont le développement démographique pourrait représenter un danger, aussi bien pour la région du Maghreb que pour la rive nord de la Méditerranée.