En effet, les seules mesures d'incitations fiscales ne suffisent plus à attirer les investisseurs étrangers. Les infrastructures qui améliorent la logistique, la communication et la qualité de vie sont primordiales. Il y a donc clairement un effet d'entraînement pour une plus forte croissance. L'introduction de tels partenariats apporte aussi de la concurrence en cassant des monopoles. Il en résulte une amélioration de qualité de service, une meilleure capitalisation de connaissances et de savoir-faire et de la création d'emplois qualifiés. …Alors, n'avons-nous pas une approche trop timorée ? Il faut voir ce que font le Maroc, la Malaise, la Turquie…Quelle est notre attractivité sur la place mondiale ? Que disent de nous les médias économiques mondiaux ? Notre marché reste petit…Les multinationales font des arbitrages. Elles vont là où ça bouge vite, où il y a de la réactivité et de la flexibilité. Il faut savoir communiquer avec elles, entretenir le réseau, comprendre les attentes, adapter la législation, lever les contraintes, et tout cela, plus vite que les autres ! Quel mode de partenariat ? Il y a de nombreux modèles qui vont des privatisations totales/partielles à l'affermage en passant par la concession et les divers types de BOT. Suivant les cas, tel ou tel modèle est plus adapté. Toutefois, il existe des projets que l'on finance, que l'on construit, puis que l'on cherche à donner en concession. Ne faut-il pas les concevoir dès le départ dans cette optique ? À cet égard, il ne faut surtout pas payer les études préalables de type technique… Dans un contexte de BOT, avoir des études juridiques et institutionnelles, qui fixent le cadre et définissent les règles du jeu et les responsabilités est indispensables. En revanche, aller jusqu'à spécifier les contraintes techniques et les moyens n'est ni utile, ni souhaitable. Cela peut même priver le pays de toute la créativité des spécialistes que l'on fait concourir tout en lui coûtant plus cher car il faut financer ces études, là où elles auraient été menées gratuitement par les soumissionnaires. Comme exemple, la confection de la réponse à l'appel d'offres de la concession d'eau et d'assainissement de la ville d'Adélaide, en Australie du Sud, a coûté à Vivendi (et à Suez-Lyonnaise qui a perdu à l'époque) quelque 7 à 8 millions de dollars et a largement débordé du cadre étroit de la concession pour apporter des recommandations en matière de développement économique, de soutien aux opérateurs locaux pour exporter en Asie, de Recherche & Développement, de lien avec les universités… Dans le cas du BOT de Tunis Ouest, on en parle depuis 1995…Cela fait quinze ans. On a cherché à spécifier les moyens …Il y a un risque de découragement des meilleurs. Il est à noter que Margaret Thatcher, en adoptant une politique plus radicale encore et en privatisant les « water utilities » britanniques, a créé, pour les 2 majors français du secteur, des concurrents redoutables qui sont vite allés les concurrencer sur la scène internationale. Cela suppose bien évidemment la mise en place d'autorités de régulation fortes…Alors, avec tout le mouvement de concessions dans des pays comme ceux du Golfe, est-ce qu'un ONAS+SONEDE privatisé ne pourrait-il pas se positionner ? Impact sur le système financier Si on prend le cas de la Lyonnaise à Casa, on voit que la filiale locale, la Lydec, a fini par être cotée en bourse et cela peut donc valablement contribuer à dynamiser le marché financier…Toutefois, en amont, et dans la phase financement de projet, il faut sans doute faire preuve de plus de souplesse sur le plan législatif en autorisant par exemple les émissions obligataires pour des entreprises en création, ce qui a été fait en Malaisie, et qui peut permettre au grand public de contribuer à ce type de projets. A l'aval du projet et dans un contexte d'exploitation, il peut être profitable d'introduire des produits dérivés : exemple du swing options pour permettre de gérer des contrats de type « take or pay » aussi bien dans l'électricité que dans l'assainissement. Un passeport pour nos jeunes diplômés Et aussi pour les moins jeunes…Un opérateur multinational qui intervient en Tunisie peut être amené à utiliser des cadres et des ouvriers qualifiés qu'il aura trouvés ou formés dans son exploitation tunisienne pour des marchés autres, régionaux ou pas. En effet, l'implantation de Suez-Lyonnaise au Maroc lui a permis à l'époque de remporter un appel d'offres d'assistance technique en Jordanie, avec des équipes marocaines coûtant plus de 3 fois moins cher que celles proposées par les concurrents. L'implantation néo-zélandaise de Vivendi et Thames Water s'est faite au travers de leur filiale australienne. Nous avons en Tunisie de réelles compétences en eau, assainissement, électricité, qui pourraient facilement faire carrière dans des multinationales. On peut même exiger contractuellement des engagements sur l'emploi, pas seulement en Tunisie… Une filiale d'ingénierie en Tunisie aurait beaucoup de sens pour des groupes opérant dans des secteurs cités plus haut, et pourrait leur rendre de grands services pour attaquer des marchés comme la Libye et l'Algérie qui s'ouvrent de plus en plus et ont de grands besoins. Le CITET pourrait être intégré au dispositif pour asseoir le rayonnement régional de la Tunisie. Si l'on reprend le cas Vivendi, j'ai eu personnellement à faire l'étude de faisabilité d'un centre de recherche en Malaisie et à jeter les bases d'un programme de formation des équipes opérationnelles de Tianjin (Chine) avec le MFI (Malaysian French Institute). De même, des accords de coopération ont été signés à l'époque avec le AIT (Asian Institute of Technology, Bangkok) et HKUST (Hong Kong University of Science and Technology). Le cas de l'eau et l'assainissement Aujourd'hui, le monde en général et notre région en particulier est confrontée à deux problématiques fortes : rareté des ressources et pollution. Dans tous les cas, cela a un impact sur la qualité de vie, sur la santé publique, sur l'attractivité du pays et son image. Les solutions ne sont pas seulement techniques ou financières, mais aussi institutionnelles et réglementaires. Une approche de réutilisation des eaux usées, qui adresse conjointement les deux problèmes, semble idéale pour la Tunisie. Elle peut être aussi un vecteur d'image fort avec un positionnement écologique du pays. Par ailleurs, la taille de la Tunisie autorise d'imaginer une approche forte et généralisée qui pourrait être érigée en modèle et promue mondialement, éventuellement avec l'aide d'opérateurs privés. Nous avons une grande partie du savoir-faire. Il nous faut le faire savoir aujourd'hui, et il nous faut l'implanter à grande échelle. Les actuels BOT de la région de Tunis peuvent nous offrir une occasion unique. Toutefois, il faut bien penser les divers aspects institutionnels qui, selon une étude menée pour la WERF en 2000, s'avèrent être les obstacles les plus pesants. Tout aussi prometteur, le dessalement d'eau de mer ou d'eaux saumâtres est une voie à poursuivre, en particulier avec le développement de technologies membranaires moins énergivores. Toutefois, la problématique doit être vue dans sa globalité, en intégrant les aspects de distribution, point où l'on a souvent les plus importants problèmes de pertes, ou de contamination. L'Algérie était en 2000 à des niveaux de fuites de près de 70% dans les réseaux d'eau potable. Le cas de l'énergie Le prix du pétrole devrait continuer à augmenter dans les années à venir, et nos besoins énergétiques en volume aussi. Cela aura donc un double impact en valeur et peut éventuellement constituer un frein à la croissance du pays, du moment que nous sommes importateurs nets. Par ailleurs, il ya un fort engouement aujourd'hui pour les énergies renouvelables. L'UE vient de passer une directive pour que 20% de son énergie soit d'origine renouvelable à l'horizon 2020. Le cabinet Ernst & Young prévoit une augmentation de plusieurs centaines de milliards de dollars dans les investissements en énergies renouvelables sur les 3 années à venir. Il y a bien sur l'hydraulique (et on pense alors au Canada), la biomasse et le bioéthanol (et on pense au Brésil), l'éolien, les marées-motrices…mais pour la Tunisie, pays du soleil, quoi de plus naturel que le solaire? Aujourd'hui, nous pourrions devenir la référence dans la production d'énergie photovoltaïque. C'est une technologie en forte évolution avec une amélioration régulière des rendements énergétiques et une baisse continue du prix des cellules et des modules. Les coûts de production du photovoltaïque restent aujourd'hui élevés, avec un coût du kWh qui devrait être de l'ordre de €0.2 en Tunisie, à comparer à €0.33 à Paris…Toutefois, la tendance est au rapprochement des coûts de production avec les énergies classiques, en raison des efforts de R & D au niveau du solaire, de l'augmentation des coûts des hydrocarbures et des incitations fortes mises en place en faveur des énergies renouvelables. L'UE a choisi de subventionner la production photovoltaïque dans des proportions de €0.3 à €0.5 par kWh… Par ailleurs, dans le contexte de dérégulation de l'énergie, les opérateurs historiques qui assurent la distribution sont obligés d'acheter l'énergie produite par des opérateurs indépendants pour l'intégrer à leur réseau. La Tunisie pourrait jouer un rôle de premier plan dans la production d'énergie photovoltaïque, savoir-faire qui serait aisément exportable par la suite dans nombre de pays environnants, y compris européens. Par ailleurs, on aurait là une approche écologique qui ne peut que rejaillir favorablement sur l'image touristique du pays. Pour cela, il faudrait avoir un cadre légal qui autorise et encourage la production indépendante d'électricité, et qui oblige le STEG à acheter cette production. Par ailleurs, il faudra éventuellement envisager de subventionner cette démarche pendant quelques années, le temps que l'évolution technologique permette une exploitation profitable, sachant que l'UE serait sans doute motivée pour aider dans cette démarche.
Par Slim Zeghal, Directeur Général Altea Packaging