Plus d'un mois est passé après la révolution du 14 Janvier, et la vie reprend son cours normal progressivement, malgré quelques incidents sociaux et sécuritaires, de temps à autres. L'économie tunisienne reprend mollement, et le tourisme voit enfin le bout du tunnel. Depuis la chute de l'ancien régime, les questions d'ordre politique, social, et sécuritaire ont occupé le devant de la scène. Les questions d'ordre économiques, tel les que les perspectives à court terme, le nouveau cadre de l'investissement, le plan de développement, les nouvelles orientations…n'ont pas eu une place de choix. Pour que la transition politique réussisse, il faut aussi assurer la transition économique. Or, jusqu'à présent on ne parle pas d'économie.
Le gouvernement pris par les évènements Le jeune gouvernement de transition est pris par la vitesse des évènements. La majorité des décisions prises avaient un caractère soit social, soit politique. La situation était très urgente, et la population, ainsi que la classe politique, attendaient des décisions concrètes. La pression est énorme sur le gouvernement de transition, surtout que l'UGTT le tient par la gorge. Une situation qui n'est pas du tout confortable. Sur un autre plan, le gouvernement qui est provisoire, c'est-à-dire qui il a une mission limitée dans le temps, ne veut pas s'engager dans des décisions stratégiques ou de long terme, et préfère gérer le quotidien. Cette position ne permet pas à un investisseur de s'engager dans de nouveaux projets en Tunisie, puisqu'il a besoin de visibilité. Même ceux déjà installés, n'ont pas une idée sur ce que sera la Tunisie dans 6 mois ou dans un an, ou qui pourra gouverner ce pays. Ce flou perturbe les plans de développement et d'investissement des sociétés installées, et ne donne pas confiance dans l'avenir. En plus ce flou n'est pas dissipé par l'actuel gouvernement de transition, qui cherche seulement à calmer les esprits et retrouver la crédibilité et la confiance perdues par l'ancien régime. Sa communication sur le plan économique n'est pas très claire, voire limitée. Même le soutien annoncé par le premier ministre aux entreprises qui ont été brûlées ou pillées lors des évènements, n'a pas été suivi par des modalités pratiques. En l'absence de l'UTICA, qui est en train de se faire une peau neuve, après la démission de son chef Hédi Jilani, la voix du milieu des affaires n'est pas très entendue.
La classe politique a d'autres chats à fouetter Après la chute du régime, on a découvert une classe politique immature, et très émiettée. C'est surtout une classe politique qui n'a pas de vrais programmes à proposer à la population. Cette classe qui doit proposer sa vision de la Tunisie sur différents plans, sociaux et économiques, se trouve aujourd'hui en train de résoudre des problèmes internes, et d'essayer de se frayer un chemin sur la nouvelle carte politique. Ils sont plutôt préoccupés par les considérations de politique politicienne, éloignés de leur véritable rôle comme plateforme d'idées et d'orientation. Ils ont aussi une contrainte importante, celle des prochaines élections. C'est dans ce cadre que plusieurs, qui sont plus ou moins structurés, tiennent un discours populiste pour essayer de plaire à une population avide de liberté, et qui cherchent un parti qui traduit leurs attentes sociales et politiques.
Les médias et les dossiers économiques De leur côté les médias tunisiens, ne sont pas encore sortis du choc du changement et de la révolution et de l'absence de la censure. Les sujets préférés sont les scandales de l'ancien régime, leurs vols, la corruption et les passe-droits. Ils sont aussi devenus des tribunes libres pour les citoyens, et les partis politiques. Les médias tunisiens couvrent parfaitement les manifestations, les sit-in et les revendications syndicales. Un nouveau vent de liberté souffle déjà sur le travail des journalistes tunisiens, qui ont largement souffert de la censure. Or, après plus d'un mois de la révolution, on n'est pas encore sorti de ce paysage, dans lequel on assiste parfois à plusieurs dérapages. Les médias ont aussi un rôle important dans l'explication des enjeux de cette révolution, et les perspectives pour le pays. Ils sont tenus de guider les choix économiques et politiques de leurs lecteurs ou auditeurs. Ils doivent aussi traduire les craintes et les contraintes des hommes d'affaires et investisseurs, et rapporter leurs attentes. Ce rôle n'est pas encore visible dans le paysage médiatique tunisien, or il s'impose vu la situation critique par laquelle passe l'économie tunisienne.
L'économie a besoin de visibilité Malgré l'importance qu'on doit accorder aux questions sociales et politiques, et sécuritaires, celles d'ordre économique doivent occuper une place centrale, car l'économie a besoin de visibilité. Or aujourd'hui c'est le flou qui persiste. Une situation qui peut nuire au processus de développement social, en l'occurrence l'emploi, la stabilité du travail, et les augmentations salariales. Ce qui aurait aussi un impact négatif sur le processus politique. Il est temps de parler économie vu la fragilité dans laquelle se trouve la Tunisie actuellement, contrairement à ce qu'on a pu croire durant 23 ans.