La situation qui prévaut actuellement ne laisse pas d'inquiéter le citoyen. La peur s'installe crescendo chez la majeure partie de la population qui commence à poser un regard nostalgique sur les premiers balbutiements de l'élan démocratique quand on se délectait du mot jasmin qui lui a été accolé dans une sorte d'intense et fiévreuse ivresse. U mois et demi plus tard les gens ont la douloureuse impression d'assister à l'agonie de ce rêve. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins. Quels sont ces chemins? Ils sont au nombre de quatre : -Il y a la tentation idéologique. Et celle-là mène, on le sait, à la dictature dans la mesure où celui qui détient le pouvoir (collectif ou individuel) croit détenir la Vérité (la sienne ou celle du groupe idéologique auquel il appartient). -Il y a la tentation religieuse qui mène à la dictature théocratique ne reconnaissant que la Constitution divine et les lois qui en découlent. On en a un exemple en Iran où les libertés sont brimées au nom là aussi d'une Vérité unique et absolue. -Il y a la tentation militaire, celle de voir l'armée prendre le pouvoir pour essayer d'assainir la situation mais qui, chemin faisant, peut céder aux sirènes d'un Etat d'arbitraire et impitoyable. -Il y a enfin la voie démocratique et des droits de l'Homme qui postule soit un régime présidentiel, soit un régime parlementaire soit une formule entre les deux. Et ici il faut relever une nuance capitale. Le régime présidentiel, dit-on, peut mener à la dictature. Et l'on cite l'exemple de Ben Ali qui, aurait forgé à partir d'un régime présidentiel, censé obéir à l'exigence démocratique telle qu'elle avait été énoncée dans le manifeste du 7 novembre, qui aurait donc forgé une dictature implacable. Or, on oublie un détail important: c'est que Ben Ali n'a pas été élu mais a pris le pouvoir par un coup d'Etat diaboliquement bien maquillé. Ce sont là donc les quatre chemins qui se dressent devant le citoyen. Le seul qui ne mène pas à la dictature c'est l'itinéraire et le combat démocratique. A condition d'être pénétré du fait que «la révolution n'est pas la pagaille et que c'est surtout une culture nouvelle qui donne la parole à tous et à chacun, qui encourage l'expression des avis et des opinions contraires». Certes le réflexe démocratique est dur à s'ancrer dans la personnalité du citoyen parce qu'il suppose la dialectique du don et du recevoir. Or donner est plus difficile que recevoir tant l'instinct de possession est consubstantiel à ce prédateur qu'est l'homme. L'apprentissage démocratique requiert donc l'éventualité de faire des concessions au terme d'un mécanisme écoute-dialogue qui demande du temps. Alors donnons au temps sa chance et à force de dialogue et de patience on peut conduire la nef Tunisie vers des rivages plus sereins. Du temps au temps mais pas le temps du lapin ou celui de l'escargot. Le temps de la vraie citoyenneté.