M. Ali Aloui Dans votre étude vous avez parlé de classement de la subéraie. Quels en sont les critères ?
Cette classification exprime en premier lieu la fraicheur de la station. En second lieu, cette classification tient compte de la dynamique de la végétation ou les substitutions naturelles possibles entre les espèces. Ainsi dans cette classification qui comprend dix classes, on tient compte des subéraies où les zeenais pures occupent plus de 50% de l'espace forestier, ou moins de ce taux. La classe 1 concerne les subéraies où les zeenaies pures occupent plus de 50% de l'espace forestier. La classe (10) concerne la subéraie en mélange avec du pin maritime naturel. C'est l'ambiance de pinède. Il y a les classes (6, 7, 8 et 9) qui concernent les peuplements mélangés de chêne liège et où le chêne zeen occupe moins de 10% de l'espace (6), ou bien il est à l'état de traces (7, 8 et 9). Dans la classe (10), la subéraie est en mélange avec du pin maritime. A ce premier classement, s'ajoute un second d'ordre biophysique et exprime les facteurs physiques qui sont fixes dans le temps et auxquels on a intégré d'autres facteurs qui sont les pentes qui facilitent l'écoulement des eaux, la profondeur du sol et son type génétique, ainsi que l'exploitation du peuplement. Grâce à ces paramètres on classe la subéraie en quatre catégories : 1- Subéraies en milieux physiques favorables 2- Moyennement favorables 3- Peu favorables 4- Défavorables Mais il y a d'autres paramètres qui conditionnent ce classement à savoir les facteurs anthropozoogènes dus aux feux des forêts, le vieillissement et le bilan annuel de l'eau dans le sol exprimant le climat annuel, c'est-à-dire le niveau des précipitions mensuelles, la température mensuelle et le pouvoir évaporant mensuel de l'air et en fonction des sols et leurs capacités à emmagasiner l'eau.
Comment évaluez-vous ces facteurs, leurs effets sur les subéraies et le classement de ces dernières ?
Concernant l'effet de la pression humaine sur la forêt à travers la pression animale sur la végétation et les dégradations dues aux feux de forêts, il s'exprime ainsi : 1 : Subéraies à charge postorale équilibrée : le rapport entre les besoins des animaux et la production pastorale est égal ou inférieur à 1(subéraie non vulnérable au parcours sous forêt) 2 : peu vulnérable où le rapport entre besoins des animaux et production pastorale est compris entre 1 et 1.5 fois.(les besoin dépassent 0.5 fois la production fourragère de la subéraie) 3 : moyennement vulnérable où le rapport entre besoins des animaux et production pastorale est compris entre 1.5 et 2 fois. (les besoins dépassent 1.5 à 2 fois la production fourragère de la subéraie) 4 : très vulnérables où le rapport entre besoins des animaux et production pastorale est supérieur à 2 fois la production pastorale. (les besoins des animaux dépassent 2 fois la production fourragère de la subéraie) Pour les feux de forêts la subéraie est classée selon l'histoire des incendies en fonction de leurs fréquences annuelles et de leurs étendues. 4 classes de vulnérabilité aux feux ont été distinguées : Classe 1 : non vulnérable aux feux: superficie annuelle incendiée inférieure à 1 ha. Classe 2 : moyennement vulnérable aux feux : superficie annuelle incendiée comprise entre à 10 ha. Classe 3 : très vulnérable aux feux : superficie annuelle incendiée comprise entre à 10 à 100 ha. Classe 4 : extrêmement vulnérable aux feux : superficie annuelle incendiée supérieure à 100 ha. Un autre classement est fait selon le facteur de vieillissement des peuplements forestiers de la subéraie exprimant la vulnérabilité comme une fonction linéaire de l'âge des peuplements (plus l'étendue des peuplements vieux est importante plus la forêt est vulnérable en considérant qu'une subéraie équilibrée est constituée de 5 classes d'âges et chaque classe d'âge occupe 1/5 de l'espace forestier). Classe 1 : Légèrement vieillies (20-40% des classes d'âge sont vieilles (80-100 ans et +) Classe 2 : Moyennement vieillies (40-60% des classes d'âge sont vieilles) Classe 3 : Vieillies (60-80% des classes d'âge sont vieilles) Classe 4 : Très vieillies (80-100% des classes d'âge sont vieilles)
Quelles sont les zones qui perdront le maximum de leur couverture en 2020 et 2050 ?
Nous avons pris comme date de référence celle de l'année 2000. Seulement 10% des subéraies soit 9000 ha peuvent subir des dépérissements localisés suite à des années sèches successives (3 à 4 années de suite) ce qui peut correspondre probablement à une perte de 20% de leurs arbres ce qui équivaut environ à une perte de l'équivalent 1800 ha de subéraie. Partant des données ainsi enregistrées, nous pouvons prévoir l'état de ces subéraies en 2020. Le scénario le plus pessimiste nous permet de croire que 35% des subéraies soit 31500 ha pourraient potentiellement subir des dépérissements localisés suite à des années sèches successives (3 à 4 années de suite). La lecture des résultats des projections du centre HadCM3 vers cette période prévoit en Khroumirie autour des années 20 un cycle de ce genre et donc la possibilité d'avoir des pertes estimées à l'équivalent de 6300 ha au maximum. Ils peuvent être seulement localisés sur les subéraies à conditions biophysiques défavorables soit seulement sur 1000 ha. Ces pertes seraient localisées sur certaines forêts d'El Feija, de Tegma (rouii), les forêts mélangées de pin maritime et de chêne liège de Tabarka, les subéraies des Mekna et Hamdia de Tabarka, les Amdouns de Béja, les forêts de Bellif, korgalia et du Msid de Béja. Pour ce qui est de l'état de la subéraie en 2050. Les études donnent dans le cas du scénario le plus pessimiste, les résultats suivants : Des dépérissements localisés comme dans le scénario A2 de 2020 et environ sur les mêmes forêts et les mêmes surfaces (1000 ha). Des dépérissements graves pouvant faire disparaitre l'équivalent de 18000 ha de subéraie. Ces subéraies sont localisées sur les 2/3 des forêts d'El Feija, de Tegma (rouii), des Mekna et Hamdia de Tabarka et des subéraies à pin maritime de Tabarka, des subéraies des Amdouns de Béja, toutes les subéraies de Nefza (Béja), toutes les subéraies de Sejenane (Bizerte).
Comment agir pour minimiser les impacts négatifs sur la subéraie ?
Pendant cette phase de l'étude on n'a pas encore traité cette question mais on peut dire que là où il y'a du chêne zeen on peut s'orienter vers une substitution naturelle de la zeenaie à chêne liège en subéraie presque pure qu'il faudrait aider par une sylviculture adaptée. Dans les forêts à pin maritime et chêne liège la substitution naturelle orientée principalement par la dynamique associée aux incendies de ces forêts permettrait probablement une évolution naturelle vers une pinède dominante à base de pin maritime. Dans les subéraies pures on s'orienterait au maintien ou la création d'un système forestier ouvert proche du système « Déhésa Espagnole » ou « Montado Portugais » associé à une agroforesterie se basant surtout sur des activités pastorales et cynégétiques avec le développement de l'écotourisme de montagne. Le chêne vert introduit artificiellement pourrait progressivement remplacer le chêne liège perdu s'il serait impossible de le remettre dans son milieu.
Comment évaluer les risques de perte de subéraie ?
Selon les modèles actuels, les risques sont probablement élevés puisqu'on avait vu déjà des phénomènes similaires dans des conditions climatiques moins catastrophiques entre les années 1987 et 1991. Selon Hamed Daly l'économiste de l'équipe de consultants dans cette étude, la valeur actualisée au taux de 2% des pertes serait de 3 millions DT selon le scénario BI, alors qu'elle serait de 34,167 millions DT selon le scénario A2 sur la période 2010-2050. Elle correspond à une réduction de la valeur de la production cumulée de 0,5% selon le scénario B2 et de 6,2% selon le scénario Al. Les coûts de remplacement, estimés aussi sur la base d'un taux d'actualisation de 2%, sont dans le même ordre de grandeur: soit 2,726 millions DT pour le scénario B2 et 31,090 millions DT pour le scénario AI .Environ un tiers de la valeur de ces pertes est attribuée au coût des services environnementaux. Par ailleurs, les pertes sont subies en premier lieu par l'Etat, propriétaire des forêts, à hauteur de 54%. La population locale avec une proportion de 15%, la société tunisienne en général (11%) et la communauté internationale (20%).