La mort de Oussama Ben Laden est venue confirmer un constat qui était perceptible depuis les premiers moments de la Révolution du Jasmin: les tendances extrémistes, qu'elles soient de l'extrême gauche ou portant l'empreinte du fanatisme religieux, ont vu leur étoile pâlir depuis que la colère des jeunes s'est exprimée, faisant de la rue une force responsable et irrésistible. Au point que certain commentateurs ont lié directement la mort du chef d'Al-Qaïda avec le commencement de la chute des tyrans. Ces derniers avaient en effet rejeté toute réforme démocratique. Ils avaient justifié la mise sous le boisseau de toute initiative de liberté et de dignité par l'impératif de lutte contre les mouvements de violences idéologiques. Mais les jeunes de la rue ont déjoué cet attrape-nigaud, ôtant du même coup la «légitimité» dont se prévalaient les illuminés sous prétexte qu'ils ont enduré de terribles souffrances dans les geôles de Ben Ali. Les porte-flambeaux des véritables valeurs de la citoyenneté, de la justice, de la dignité ne sont plus ces barbus qui prônent un islam qui n'a aucun rapport avec celui de la tolérance, de l'ouverture, du respect de l'Autre, de la liberté de la femme. Un islam qui avait permis l'éclosion d'une des civilisations les plus brillantes de l'Histoire de l'humanité. Peut-être même la CIVILISATION par excellence, comme l'avait reconnu le regretté Philippe Seguin. Cette jeunesse a réussi une performance qui tient quasiment du miracle, celle d'avoir chassé un despote qui semblait indéboulonnable, cette jeunesse qui a pris un rendez-vous crucial avec l'Histoire en propageant les valeurs de la démocratie et des droits de l'Homme dans toute l'aire arabe et en impulsant un grand élan libérateur, cette jeunesse qui fertilise un grand espace humain desséché par une féroce dictature, cette jeunesse a réussi parce qu'elle a investi toute son intelligence et toute son énergie créatrice dans une conscience aiguë de la vraie voie de salut que notre pays est appelé à emprunter. Les slogans creux et pleins de promesses mirobolantes, alimentés par un fonds de commerce où l'irrationnel le dispute à l'obscurantisme, ne trouvent plus grâce auprès des jeunes, convaincus du rôle capital qui leur est maintenant dévolu dans la marche de l'Histoire. Il n'est pas jusqu'à la Palestine, déchirée jusqu'ici par les germes de la division, qui n'ait cherché à panser ses blessures sous la poussée salutaire des jeunes, descendus simultanément dans les rues de Ramallah et de Gaza dans une royale convergence des esprits et dans une émouvante communion des cœurs.