Le politologue Tariq Ramadan a affirmé que le vocable qui sied le plus aux événements en Tunisie, en Egypte et en Libye n'est, après l'analyse des faits, ni une révolution ni un printemps arabe, mais juste des soulèvements. Cet universitaire suisse d'origine égyptienne qui officie à Oxford a affirmé qu'il ne s'agit pas encore de révolutions achevées, assurant qu'on peut y percevoir une certaine récupération et de ce fait, il ne s'agit plus de révolutions. Il a fait part de son optimisme prudent concernant la notion de ” printemps arabe” étant donné que les révoltes qui ont secoué les pays arabes ont été planifiées par les Etats-Unis à l'exception de celle de la Syrie qui fut une surprise pour l'Oncle Sam. En effet, les Etats-Unis doutaient des capacités du peuple syrien à se mobiliser sans armes. Des raisons économiques Pour Tariq Ramadan, il ne faut pas être naïf et ne s'en tenir, en ce qui concerne ces événements, qu'à l'explication politique qui veut mettre en avant la démocratisation. Il a plaidé pour lier les intérêts économiques et géostratégiques, car pour lui tout va de pair. Il s'est demandé : comment se fait-t-il que les Etats-Unis aient soutenu pendant plus de trente ans des dictateurs et les aient abandonnés de cette façon, affirmant qu'il mettent en avant la démocratisation pour préserver leurs intérêts économiques. Une stratégie pour maintenir une domination coloniale Cet islamologue a indiqué que les Etats-Unis ont été obligés de changer de stratégie avec les pays du Moyen-Orient qui représentent un intérêt vital pour leur économie eu égard aux énormes ressources d'hydrocarbures dont ils regorgent. Il a souligné que ces pays représentent la principale source d'approvisionnement de l'Amérique et des pays occidentaux en pétrole. En effet, pour M. Ramadan, l'entrée en scène de la Chine et de l'Inde, deux pays émergents, constitue une sérieuse concurrence pour les Etats-Unis notamment en matière d'investissements et de consommation de pétrole pour leurs industries. Ainsi, il affirme: ” pour arriver à maintenir leur domination colonialiste sur les pays du Moyen-Orient, les Etats-Unis ont depuis 2003 avec l'invasion de l'Irak, enclenché tout un processus visant à mettre en avant la démocratisation des pays mais en réalité , il s'agit de sauvegarder et de préserver la suprématie de leurs intérêts économiques”. Dans ce cadre , le penseur Tariq Ramadan a indiqué que les Etats-Unis ont, en 2004, 2007 et 2008, mené des actions et financé des institutions pour former des jeunes activistes et cyberdissidents d'Egypte, de Tunisie et des pays de l'Afrique du Nord sur les manifestations pacifiques en utilisant les réseaux sociaux et l'Internet. Des gestes comme celui du poing fermé et de l'utilisation de slogans qui n'attaquent pas l'Occident mais accablent les régimes en place sont utilisés par ces manifestants. La fuite de Ben Ali a été organisée par les Etats-Unis Tariq Ramadan a indiqué que Ben Ali n'avait pas fui mais qu'il a dû quitter précipitamment le pays avec l'intention d'y revenir après avoir sécurisé sa famille. Le départ de Ben Ali, a-t-il ajouté, s'est effectué avec l'accord des Etats-Unis qui ont demandé à la France de ne pas l'accueillir. Il a ajouté aussi que les Etats-Unis ont demandé à l'armée tunisienne de pas intervenir afin d'être gagnante dans tous les cas de figure. Il a précisé qu'au niveau de l'Egypte, les américains se sont appuyés sur l'armée qui était partagée entre partisans du président Moubarak et ceux des Etats-Unis et que la balance a penché finalement pour le camp américain car l'expression utilisée pour nommer le coup d'Etat c'est “pressions militaires”. Tariq Ramadan a indiqué que les Etats-Unis ont utilisé Google dans la révolution en Egypte étant donné qu'après la décision du Gouvernement égyptien de couper l'Internet, Google a donné les mots de passe aux manifestants pour entrer sur la toile par satellite. En ce qui concerne la Libye, le penseur a souligné que le colonel Kadhafi malgré sa folie avait une vision stratégique en Afrique qui gênait énormément les pays européens notamment la France et que les énormes richesses pétrolières de son pays représentaient un grand enjeu pour les pays européens. La Syrie, une exception Il a souligné, d'un autre côté, que la Syrie n'était pas ciblée par cette vague de contestation étant donné que “l'attitude d'ennemi positif” qu'elle représentait pour Israël, l'excluait de ces bouleversements. Il a, à cet égard, souligné la différence entre la position adoptée par les Etats-Unis en Egypte où ils ont demandé le changement de régime et la Syrie à l'égard de laquelle ils ont exigé de simples réformes au niveau du pouvoir. Le penseur Tariq Ramadan s'est aussi insurgé contre la bipolarisation et le faux débat imposé par les pays occidentaux qui veulent un camp qui se range de leur côté, incarné par les partisans de la démocratie et un camp des islamistes qu'on diabolise.