La cabale menée, sur divers fronts, politique, juridique et médiatique, contre Kamel Jendoubi, président de l'Instance supérieur indépendante des élections (ISIE) et candidat à sa propre succession, non seulement défraie la chronique mais notamment brouille la vision et invite à l'interrogation. Le sujet partage les observateurs et déstabilise l'opinion publique tunisienne, cultivant le doute sur la personne, son instance et sa gestion. Pressenti pour reconduire l'ISIE suite au consensus dégagé au sein de la Troïka et annoncé le 13 Octobre 2012, outre le fort mouvement de sympathie dont l'opposition a fait preuve autour de son nom, Kamel Jendoubi est, à peine un mois après, voué à la vindicte médiatique et vraisemblablement lâché par ceux-là même qui ont parrainé et propulsé sa candidature. Qu'est ce qui s'est passé entretemps motivant un tel retournement de situation ? Situation truffée d'interrogations ! D'abord, et il s'agit là d'un constat imparable suggérant la maladresse tactique de Kamel Jendoubi au moins sur deux plans : 1- En effet, celui-ci est tombé dans son propre piège. Il s'est répandu sur les plateaux médiatiques, le ton virulent parfois, avant même qu'il ne soit reconduit officiellement à son poste. Aurait-il cherché à forcer la main de la Troïka pour précipiter sa confirmation à la tête de l'ISIE ? Aurait-il voulu prendre à témoin l'opinion publique juste pour accroitre la pression sur la Troïka ? La question mérite d'être posée d'autant plus qu'il semble que Kamel Jendoubi se soit desservie là où il croyait se servir. 2- Au sujet du rapport préliminaire de la Cour des Comptes, Kamel Jendoubi aurait du temporiser et attendre le rapport final et les doléances ou requêtes de la cour avant de se prononcer. Après tout, il ne s'agit que d'un document tronqué et fuité, donc dépourvue de toute force légale. En faire un tel foin sur un rapport sorti de nulle part, qui n'est ni crédible ni opposable (du moins d'un point de vue juridique), n'est pas incontestablement l'approche idoine. D'autant plus que le rapporteur général de la Cour des Comptes n'a pas hésité à traiter l'auteur de la fuite de personne de bas étage. D'autres questions interpellent : Pourquoi il a fallu attendre une année pour attaquer Kamel Jendoubi sur sa gestion financière de l'ISIE ? Est-ce fortuit que le rapport préliminaire de la Cour des Comptes soit fuité au moment même où une action en justice est intentée contre l'ISIE, accusée, sous sa présidence, de détournement de fonds publics ? N'est-il pas louche, voire franchement suspect que le revirement de la Troïka, en particulier son chef de file Ennahdha, intervienne également au même moment ? Les coïncidences prolifèrent et rivalisent de saisissement quand on sait qu'au même moment l'Assemblée Nationale Constituante(ANC) planche sur le projet de loi portant création de la nouvelle ISIE. Pour le commun des observateurs, derrière la multiplication et la simultanéité des offensives à l'encontre de Kamel Jendoubi, dans un timing bien défini (imminence de sa désignation), se faufileraient bien des intentions de cabale sinon de complot. Florilège des reproches à l'encontre de Kamel Jendoubi Les griefs lancés contre Kamel Jendoubi seraient de deux sortes : La double visée de la cabale En tout état de cause, la cabale contre Kamel Jendoubi (il en s'agit bien d'une), laisse penser, pour le moins, que le bonhomme est dans la mire de nombreux acteurs politiques. L'objectif pourrait être double : Soit l'évincer une fois pour toute pour le remplacer par un homme moins rigide et plus instrumentable, prochaines échéances électorales obligent. Soit, consentir à reconduire Kamel Jendoubi à l'ISIE mais dans une position fragilisée, truffé de boulets, étant entendu qu'un homme vulnérabilisé est plus facile à maitriser et à presser. Les visées coulent de la même source, à savoir, la main mise sur le prochain scrutin. Au-delà de son timing et de sa justesse ou non, cette campagne montre que nous autres tunisiens nous n'avons pas encore acquis la culture des institutions, nous continuons à personnifier les choses. Dans le cas de figure, nous focalisons trop sur Kamel Jendoubi, reléguant au second plan l'ISIE et sa commission centrale et réduisant celle-ci à son président. Juste un dernier mot : Il semble que ni l'expérience acquise lors du précédent scrutin ni le don d'une partie des ses émoluments à la société civile n'aient pesé lourd dans la balance de la Troïka ou été tenus en ligne de compte pour juger l'homme et son capital électoral.