Insecte cannibale, dont l'attitude hiératique et le réflexe prédateur ont été à l'origine de son sobriquet de « tigre de l'herbe », la mante religieuse est une femelle, plus grosse en taille et en force, qui dévore systématiquement le mâle après l'accouplement. La lune de miel n'est qu'éphémère, trop ponctuelle. Grâce à sa couleur, elle se fonde dans son milieu, sa tête pivotante lui permet de surveiller les mouvements de ses proies sans bouger le corps. « La bête qui prie Dieu", comme on l'appelle, est également reconnaissable à ses longues antennes. A un certain niveau d'abstraction, le parti Ennahdha s'apparente, sur nombre d'aspects, à cet insecte. Il contracte les alliances pour grossir ses propres rangs, pour en faire un cadavre comestible, une moisissure nourricière. Quiconque s'en approche est transformé en homme de paille, en porteur d'eau, en cireur de pompes. Le CPR et Ettakatol l'ont appris à leurs dépens. Un baiser de la mort dès la première étreinte. Sitôt ralliés à Ennahdha, ces deux formations politiques ont éclaté comme une baudruche, ont vendu leur âme, ont perdu toute crédibilité. Leur électorat est réduit à une peau de chagrin, leur audience n'est plus qu'un cache misère. Devenues la risée de la classe politique et de l'opinion publique. Deux véritables chats noirs du paysage politique tunisien. Et voilà comment deux tigres en puissance ont été transformés en chats de gouttières. Leur troupeau le troupeau était parti en vrille, dans tous les sens et dans tous les pâturages. En s'alliant à la proposition de Hamadi Jebali, Chef de Gouvernement et Secrétaire Général d'Ennahdha, de remplacer son Gouvernement par une équipe de technocrates, politiquement neutre, l'opposition a été menée en bateau et utilisée comme chair à canon et comme tremplin pour dépêtrer Ennahdha de sa crise et lui déplomber les ailes. Comme la mante religieuse, sans bouger de son camp et de son projet, cantonné dans sa position, droit dans ses bottes idéologiques et politiques, Ennahdha remue la tête juste pour exécuter un exercice de séduction, une offensive de charme, avec la visée ultime de mettre ses proies sous la dent. Même la mouvance salafiste, n'était pas à l'abri alliée objective d'Ennahdha et son armée de réserve, de par leurs affinités idéologiques, longtemps considérée comme sa progéniture naturelle et défendue pour son projet, a été lâchée et décimée au nom et au seuil de l'intérêt partisan et de la raison d'Etat. Comme la mante religieuse, Ennahdha dévore ses enfants. Celui qui ose afficher une quelconque velléité de critiquer sa démarche, de s'écarter de son périmètre, est broyé dans les engrenages rouillés de sa machine. Comme « La bête qui prie Dieu", Ennahdha fait de l'Islam son fonds de commerce et le clou de son marketing politique, nourrit le conflit identitaire pour en faire une stratégie de mobilisation et un thème de campagne.