Fait remarquable ces dernières semaines, le regain d'intérêt dont jouissent dorénavant les mal-aimés « destouriens ». Un regain d'intérêt d'autant plus remarquable qu'il affecte une large frange des parties de la scène politique du pays, et pas n'importe quelles parties. En effet, pas plus tard qu'il y a quelques jours, un éminent dirigeant d'Ennahdha, pourtant ennemi viscéral des destouriens, n'a pas hésité à déclarer sur les ondes des radios qu'il était désormais temps de « déclarer qu'Ennahdha n'avait pas de problèmes avec les destouriens ». Ensuite, le week-end dernier ce fut autour du secrétaire général de Nidaa tounes, Taïeb Baccouche, de revendiquer que son parti représentait la continuité et le courant réformateur des partis destouriens. Pourquoi, donc, tout cet intérêt, et pourquoi maintenant ? Serait-ce parce que les dirigeants des deux principaux pôles politiques du pays ont fini par concéder qu'une sortie de crise ne saurait s'opérer sans impliquer les destouriens, ou au moins une frange de ceux-ci ? Auraient-ils saisi que la situation de crise actuelle surtout sur le plan financier et économique requiert l'implication de certains cadres de « l'ancien système » qui ont brillé auparavant par leurs compétences en ces domaines ? Une chose est, du moins, sure. Les destouriens semblent avoir migré du statut de mal-aimé, voire carrément de pestiféré, vers celui d'allié incontournable, et qu'il ferait, à la limite, bon d'avoir à ses côtés et dans ses rangs. Quand à la question du timing de ce regain d'intérêt, surtout en ce qui concerne l'annonce de Taïeb Baccouche, qui s'est littéralement jeté sur le filon, que constituent apparemment, désormais les destouriens, il semble bien que ce soit l'obtention du visa du parti de Hamed Karoui qui l'ait motivé à faire de telles déclarations, aussi prestement, espérant ainsi avoir le privilège d'avoir « été là avant l'autre ». On ne pourra peut-être pas, juger du degré de conviction avec la quelle Si Taïeb à fait sa « déclaration d'amour » aux destouriens, mais ce sentiment ne peut que contraster avec ses sentiments d'avant, ou du moins, ses agissements d'avant, vis-à-vis de ces mêmes destouriens. N'était-ce pas lui, du temps qu'il était ministre de l'éducation, qui avait sacrifié des centaines de directeurs d'établissements scolaires sur l'autel de la soit disant révolution, uniquement parce que ces derniers s'étaient rendus coupables d'avoir adhéré un moment aux partis destouriens ? Le tableau se présenterait donc, dorénavant, comme suit : Les destouriens sont très probablement en train de regagner leur droit au retour sur la scène sinon politique, du moins sociale et administrative du pays. Ils sont courtisés par les barons d'Ennahdha qui se disent prêts à laisser de côté les différends d'antan pour s'accaparer les services d'alliés qui se seront rendus indispensables. Ils sont, en même temps courtisés par Nidaa tounes, dont les dirigeants s'étaient pourtant, pendant si longtemps, dits offusqués des accusations qui leurs étaient lancés d'héberger les caciques de l'ancien régime. Mais ils sont aussi courtisés par la nouvelle formation de Hamed Karoui, qui a tenu à faire prévaloir son droit d'ainesse, ou carrément sa paternité de par l'âge et le passé de dirigeant du mouvement destourien. Pour qui penchera en définitive, le cœur de ses destouriens, qui, faut-il le préciser représentent la nouvelle génération du mouvement, faite des jeunes compétences, et qui aspirent de ce fait à occuper leur place dans la hiérarchie qui va s'établir ? Seront-ils tentés de se mettre sous l'aile du patriarche Caïed Essebsi, sachant que ces derniers jours, celui-ci ne perd pas une occasion pour faire comprendre à son entourage qu'il sera vraiment difficile de percer au sein de sa formation qui semble de plus en plus battre de l'aile sur le plan de la démocratie et de l'égalité des chances ? Ou alors seront-ils tentés de revenir au giron des compagnons de Hamed Karoui, qui semble avoir eu l'extrême intelligence de se positionner, lui et ses « vieux » amis en tant que consultants dans une sorte de conseils de sages, pour laisser la chance au jeunes de percer et de revendiquer leur place au soleil ? La réponse à ces questionnement ne saura plus tarder si on en juge de l'intensité des mouvements et des réunions qui se tiennent ici et là autour de ce sujet.