Victimes ou coupables? Les guerrières sexuelles ne cessent de défrayer la chronique et la réflexion, notamment en Tunisie où le Ministre de l'Intérieur en personne a récemment confirmé le phénomène mais sans en préciser l'ampleur, le mode opératoire et le nombre de jeunes femmes tunisiennes passées à la trappe de la guerre sainte sexuelle. Le Jihad Nikah autorise des rapports sexuels hors mariage avec des partenaires multiples et dans toutes les occasions. D'ailleurs, il y a lieu de reconnaitre que la terminologie employée et consacrée est savamment conçue. La dimension Jihad (guerre sainte) est mise en évidence pour conférer une densité de sacralité à la définition, avec tout ce que cela suppose en termes de bénédiction divine, de paradis céleste, de don de soi pour élever haut l'étendard de l'Islam. De toute évidence, cette forme de traite humaine sous couvert de l'Islam est le fruit d'une fatwa, édictée par quelque esprit illuminé. Qui en a été l'auteur ? Le principal accusé, à savoir, le très médiatique prédicateur salafiste saoudien, Cheikh Mohamed El-Arifi, a nié tout en bloc, jugeant cette fatwa impie et ténébreuse. D'autres en attribuent l'origine à Jabhat Ennosra (milice armée terroriste sévissant en Syrie) dont les dignitaires, mus par leur souci de confort avant tout, l'ont inventé de toutes pièces pour mieux mobiliser les jeunes femmes et les soumettre à leurs lubies charnelles. En tout état de cause, pour avoir été suivie aussi massivement, cette fatwa ne pouvait émaner qu'une autorité religieuse, physique ou morale. Le Jihad Nikah concerne-t-il uniquement les jeunes femmes tunisiennes ?! Logiquement non. Peut-être parce que ce sont les tunisiens qui en parlent le plus qui en a donné l'impression. L'opinion publique en a été choquée au plus haut point. La société civile nationale se démène pour prendre en charge les victimes et enrayer le phénomène. Même à l'ANC, la question a été traitée lors de l'audition du Ministre de l'Intérieur. Sur le plan médiatique, national ou régional ou international, l'accent est mis sur les tunisiennes. Les autres nationalités ont été occultées d'une manière consciente ou inconsciente. A se demander pourquoi tant d'insistance ? Tout simplement parce que la femme tunisienne est pionnière et bénéficie d'un cadre législatif sans commune mesure avec les autres pays arabes. Dénigrer et avilir l'exemple s'inscrit dans le projet de société wahhabite où la femme n'est pas une citoyenne mais un sujet relégué au second plan. Il sied de souligner qu'aucun exégète de l'Islam, tunisien ou autre, n'a donné ouvertement crédit à ce type de Fornication « Hlal », bien au contraire. En effet, plein de références, puisées au Coran ou Sunna, interdisent, sans équivoque, toute forme de sexualité hors mariage. Donc, dans sa lettre comme dans son esprit, l'Islam n'a rien à voir avec Jihad Nikah. Celui-ci ne pourrait-être assimilé à la prostitution dans la mesure où il n'y a pas de fornication tarifiée, en contre partie d'une somme d'argent. Dans le Jihad Nikah, la femme est un butin de guerre, une esclave, propriété de son maitre, sur laquelle il a droit de vie ou de mort. Les jeunes femmes et filles visées par ce commerce sexuel, car il s'agit bien de cela en dernière analyse, sont généralement issues de familles pauvres, de bas niveau scolaire et intellectuel, donc vulnérables sur le plan social et culturel, par conséquent, moins difficilement mobilisables. Elles sont manipulées, embrigadées et instrumentalisées par des réseaux mafieux qui, pour des raisons strictement mercantiles, en font le commerce, au nom d'un Jihad que ni l'Islam ni l'ordre moral ni le droit positif ni le sentiment humain ne cautionnent. Elles ont été certes exploitées, souillées et instrumentalisées, mais toujours est-il qu'elles ont rejoint le front et le champ de la bataille en toute connaissance de cause. Elles ont conscience qu'elles ont été recrutées non pour prendre les armes mais uniquement pour jouer les bombes sexuelles et de soulager la tension libidinale des rebelles. Alors victimes ou coupables? Elles sont les deux à la fois. Et ceci n'enlève rien à leur droit d'être secourues, soutenues et encadrées sur tous les plans, juridique, social et psychologique. Les fruits de telles pratiques sexuelles, à savoir les enfants, sont au premier rang des victimes. Quels en sont les pères ? Seront-ils considérés comme orphelins ou enfants de mères célibataires ? Quel sera leur sort ? Nul doute que le droit tunisien leur permet de prendre le nom de leur mère, mais est-ce suffisant pour leur équilibre et leur intégration sociale ?! La responsabilité de l'Etat est largement engagée en réponse à ce fouillis de questions. Le gouvernement tunisien en parle certes mais jusqu'ici, à part la société civile, rien de concret n'est fait sur le terrain. Il y a même des velléités d'étouffer le dossier, tout au moins de réduire le phénomène, il en est un, à la portion congrue.