Les prochaines élections législatives étaient mal parties. La campagne électorale a, depuis le début, été trop timide, et d'un niveau trop bas, pour intéresser un tant soit peu les électeurs. On a, même, commencé depuis deux ou trois jours à parler de la « grande » caractéristique de ces élections, qui allait être l'abstentionnisme. On commençait, en effet, à appréhender que le taux de ceux qui n'allaient pas voter allait biaiser les résultats de cette échéance, pourtant Ô combien importante. Il faut dire, aussi, que les différents candidats, de même que les partis engagés dans ces élections n'avaient rien à proposer aux électeurs. Rien qui puisse attiser leur curiosité ou susciter leur intérêt. Il n'y avait pas un seul programme qui mérite ce nom. Ceux parmi les milliers de candidats qui apparaissaient à la petite lucarne ou qui passaient au micro d'une des radios, n'avaient pas grand-chose à dire aux citoyens, si ce n'est que de proférer des injures et des attaques à l'intention de leurs concurrents, ou, à la limite, se contentaient-ils de lancer quelques promesses forcément mensongères car irréalisables. Donc, point de programmes et point de décision d'aller au vote, de la part d'une majorité d'électeurs potentiels. Mais çà, c'était jusqu'à ce jeudi matin. Car, depuis, les choses ont changé, et les tunisiens sont, désormais, décidés. Ils vont aller, ce dimanche, voter, et ils savent pour qui ils vont voter. Car de programmes il y en a un qui est apparu au grand jour et qui a décidé les tunisiens à aller voter. Et ce programme c'est le projet que préparent certaines parties pour la société tunisienne. Un projet qui colle à leur vision des choses et à leurs façons de gérer les peuples. Ce projet, les tunisiens qui avaient été endormis, et quelque part, hypnotisés par le rythme de berceuse adopté par la campagne électorale, et qui avaient commencé à oublier ce qu'il est advenu de leur cher pays par la faute de ces mêmes parties, l'ont reçu en pleine gueule, en cette matinée de jeudi, avec l'annonce du meurtre d'un civil, pauvre gardien de nuit de son état à Kebili, par des terroristes qui s'apprêtaient, apparemment, à s'attaquer à une caravane de bus de touristes. Cet attentat déjoué in extrémis, a été suivi, dans la foulée, par l'annonce d'une descente de police sur une maison, dans la banlieue de Tunis, où s'abritaient des terroristes, descente qui tourna au drame, avec le décès d'un jeune agent de la garde nationale et du retranchement des terroristes dans leur maison en utilisant comme boucliers humains femmes et enfants. D'ailleurs, au moment de l'écriture de ces lignes, les forces de l'ordre continuent d'assurer le blocus de la région et de négocier la libération des femmes et des enfants, incapables de décider l'assaut qui risquerait de mettre leurs vies en péril. Et cela semble avoir été suffisant pour faire sursauter le tunisien qui somnolait, et pour le pousser à aller voter, ce dimanche, en bravant les terroristes et en opposant son véto à leurs projets. Mais surtout, ces faits ont occasionné chez le tunisien un sursaut pour qu'il aille voter contre le projet porté par ces certaines parties politiques qui ont ouvert le pays à ces barbares et qui en ont même pris la défense en prétendant qu'ils ne venaient pas de la planète Mars, mais qu'au contraire, ils rappelaient à certains d'entre eux la fougue de leur jeunesse. Oui ! Désormais, le tunisien va aller voter. Et, mieux encore, il sait, désormais pour qui, ou plutôt contre qui, il va voter !