La dernière des dernières nous vient, en ce weekend, du côté de Hammamet, où le ministère de la santé vient d'organiser un séminaire sur le phénomène du suicide en Tunisie. Séminaire organisé en collaboration avec l'OMS. La conclusion de ce séminaire a été, tout simplement... « à couper le souffle ». Le ministère de la santé, a choisi de traiter le phénomène du suicide qui ronge, comme tout le monde le sait, depuis voilà quatre ans, la société tunisienne, par le déni total. En effet, et depuis un certain 17 décembre 2010, tout le monde, et même le monde entier, sait que le phénomène du suicide, surtout en tant que forme de protestation sociale, ne cesse d'augmenter en volume et en fréquence en Tunisie. Comme tout le monde le sait ? Tout le monde, sauf, justement, le ministère qui s'est autoproclamé en charge du dossier, à savoir le ministère de la santé. C'est ainsi qu'une certaine pédopsychiatre qui s'est retrouvée propulsée à la tête de la commission technique de lutte contre le suicide, nous a gratifié des résultats des travaux de son illustrissime commission, en nous annonçant, tout simplement, que nous n'avons pas de phénomène de suicide en Tunisie, et que nous sommes très en deçà de la moyenne mondiale, et donc, qu'il n'y avait pas de quoi faire un drame, et que la faute ne peut incomber qu'à ces journalistes qui n'ont pas su traiter du sujet comme elle aurait souhaité, c'est-à-dire en philosophant sur le suicide et ses causes et aboutissements, sans se précipiter sur la reprise de l'information, à la recherche du « buz » a-t-elle déploré. Donc, en résumé, nous nous trompons en nous alarmant de l'élévation des cas de suicide, et nous devrions, à la limite, plutôt, nous inquiéter du fait qu'on soit trop en retard par rapport aux chiffres mondiaux, avec notre ridicule incidence de 3,4 cas pour 100 000 habitants par an, comparés aux 11 cas pour 100 000 habitant de moyenne mondiale. Et si problème il y a, c'est certainement la faute aux journalistes. Voilà, donc, le résumé des travaux de cette honorable commission qui a étudié de fond en comble le sujet, et l'a déchiffré sous toutes les coutures. Des conclusions qui cadrent, d'ailleurs avec la nouvelle politique en communication du ministère de Saïd Aïdi, à savoir, ignorer les problèmes au lieu de s'y attaquer, et ensuite, faire semblant de tomber des nues et publier un communiqué pour témoigner de son étonnement et sa surprise, comme pour les grèves qui ont paralysé le secteur de la santé des jours durant. Or, à notre connaissance, la commission de lutte contre le suicide est formée de scientifiques aguerris et rompus aux méthodes des études rigoureuses, ne pouvant, de ce fait, pas se permettre de répercuter, tel un écho sans âme, des réflexions à connotation politique, plus que toute autre chose. En effet, Mme Charfi, la présidente de la commission ne peut pas ignorer le phénomène du suicide en Tunisie et prétendre qu'il n'y en a pas, sinon, on serait dans l'obligation de lui rappeler ses déclarations d'il n'y a pas si longtemps, à des confrères de la place quand elle assurait que : « Le suicide est un comportement qui survient suite à l'accumulation de plusieurs facteurs. Une souffrance psychologique où une maladie mentale est très souvent en cause associée à des facteurs d'environnement : des évènements de vie négatifs, ou un contexte de vie difficile ». Comme elle ne devrait pas être satisfaite d'un taux de suicide de 3,4 pour 100 000 habitants, sans se soucier du fait que ce taux était de 2 ,4 pour 100 000 en 2012 (selon l'OMS). Donc elle ne peut pas ne pas s'alarmer d'une augmentation de 41,66% en deux ans à peine. Comme elle aurait du prendre en compte que la Tunisie, en tant que pays musulman, où la religion interdit le suicide, n'est pas à comparer avec d'autres pays où le suicide représente quasiment une tradition, voire même, par endroits, un geste d'honneur. Par ailleurs, Mme Charfi, de même que ses illustres confrères et consœurs de la commission auraient pu pousser leurs investigations scientifiques, un tant soit peu, juste pour voir, ce qu'elle ne doit certainement pas ignorer, que le suicide est étroitement relié à l'état de dépression, et que la dépression est due à la situation que vit le tunisien du fait des « performances » de ses donneurs d'ordres, soit les différents gouvernements qui se sont succédés sans succès au chevet de ce pays à l'agonie. Et si elle ne sait pas, vraiment, par quel bout attaquer le problème, nous pourrions, tout ignorant de la chose scientifique que nous sommes, lui présenter un bout de ficelle, à savoir qu'elle aurait intérêt à lire les résultats d'une étude scientifique faite en Europe, qui démontre que la banalisation du recours aux antidépresseurs, et de la consultation chez les psychologues et psychiatres est, à elle seule, à même de venir, en partie, à bout de cette flambée. Donc, en d'autres termes, au lieu de dénier le problème, elle ferait mieux de faire son autocritique et celle de ses confrères les psychiatres pour voir comment ils peuvent faire, pour mieux venir en aide à une population dans le désarroi, et travailler à chercher l'origine de ce désarroi, quitte à dire à ces politiciens en herbe, que leurs promesses non tenues, et leurs sempiternelles querelles sont certainement, quelque part, à l'origine de la dépression et du désespoir des tunisiens.