Otages d'un implacable bras de fer entre le syndicat et le ministère, les écoliers tunisiens et leurs parents sont réduits à un enjeu où l'éducation et l'avenir des enfants sont paradoxalement au dernier rang de l'ordre de priorités. La ligne rouge que constituent les examens de fin d'année scolaire a été franchi sans vergogne ni sens de responsabilité. La grève est certes un droit constitutionnel mais l'enseignement aux écoles publiques est autrement plus important à tous les niveaux. Boycotter les examens et brandir la menace d'une année blanche pour faire céder le ministère et obtenir gain de cause est une forme de chantage, une opération coup de poing, un racket moral et intellectuel, sans commune mesure avec l'esprit syndical et la responsabilité professionnelle. En réaction, le gouvernement a cru trouver la parade en décidant le passage automatique de classe pour tous les élèves de l'enseignement primaire. Alternative radicale, insolite et lourde de conséquences dans la mesure où elle attise le feu et s'attaque aux symptômes dans traiter le mal. La solution préconisée ne fait que reporter le problème sans le régler. La crise reste dans le foyer et risque d'hypothéquer la prochaine rentrée scolaire. L'escalade est à craindre, le syndicat affute ses armes de riposte. Et pour cause ! Le syndicat a déjà contre-attaqué en portant plainte contre le ministre de l'éducation, jugeant illégale sa décision de passage automatique de classe. Le Tribunal Administratif en est saisi. Une joute judiciaire en perspective, qui n'honore personne et qui pénalise tout le monde, en particulier les écoliers, devenus dindons de la farce et cartes majeures dans un jeu de bluff, dans un poker menteur. Et si le Tribunal Administratif donnait raison à l'une des deux parties en conflit quelle en serait la nouvelle donne ? Comment régirait le perdant ? L'école publique serait-elle contrainte de subir encore une fois le retour de manivelle ? Tout autant de questions, légitimes sur le fond, qui montre que d'une part, le syndicat a fait preuve d'irresponsabilité en mettant en otage l'école et l'année scolaire et en exerçant un tour d'extorsion sur le pouvoir public. Et d'autre part, le gouvernement qui a manqué de clairvoyance et d'audace en se rabattant sur la solution la plus inédite et la plus simple et en croyant mettre un point final à une crise largement ouverte et vouée à l'embrasement. Le syndicat et le ministère ont joué leurs atouts sur le dos des élèves et de leurs parents. Personne n'en sortira vainqueur car la balle est partie et le mal est déjà fait, bien fait.