Tel un serpent, Mohamed Moncef Marzouki (MMM) change de peau. Il quitte définitivement la tunique CPR pour se draper d'un nouvel habit plus taillé sur mesure. Un nouveau serpent de mer en perspective. Comme le caméléon, il veut afficher une autre couleur pour se fondre dans le paysage et faire oublier le fiasco de sa dernière pigmentation. Un attribut reptilien dont il maitrise la transmutation. Tout en enfonçant le dernier clou dans le cercueil CPR, un parti ayant prouvé qu'il n'a jamais été soluble dans la démocratie, l'ex résident de Carthage, après une période de remise en forme ou d'autocritique (oseraient ses partisans) revient sur le devant de la scène, avec certes un nouveau tour de chant mais sur la même musique, avec la même partition et la même troupe. Tels des larbins rampant à ses pieds, les survivants du CPR, un dernier carré de fidèles obséquieux, ont décidé de dissoudre leur parti, déjà en état comateux, pour rejoindre la nouvelle formation politique que MMM œuvre à mettre sur pied. Ont-ils, à cet effet, consulté leur base ou ce qu'il en reste ?! Déplorant le déséquilibre au sein de l'ARP et la dispersion de l'opposition, Imed Daimi, Secrétaire Général de feu CPR, fort de ce constat, s'empresse de s'inscrire dans le mouvement de son mentor dans un souci parait-il de fédérer les forces de l'opposition et d'installer l'équilibre politique qui, de son avis, fait défaut et défigure la scène politique. Coïncidence de démarche et d'argumentaire ou volonté de calquer un modèle qui a réussi, à savoir Nida Tounes et le mobile central invoqué à l'époque par son père fondateur Béji Caid Essebsi (BCE). Pourquoi faire la fine bouche devant une idée qui a fait ses preuves. De toute évidence, le discours sur l'équilibre politique est porteur, pourquoi ne pas en reprendre les termes. Manifestement, le MMM fait du BCE et s'inspire de son pire adversaire.Comme quoi, le BCE a du bon, il suffit de savoir de quel côté le prendre. A se demander pourquoi construire un parti sur les décombres d'un autre ? N'aurait-il pas été plus logique et moins ardu pour MMM d'aider son bébé le CPR à reprendre souffle, à mieux grandir et d'en redynamiser la structure ? En revanche, d'aucuns estiment que l'alternative sur laquelle MMM a misé est plus intelligente dans ce sens qu'avec une nouvelle formation politique, absorbant le CPR, il est possible de s'ouvrir sur d'autres forces politiques, d'intégrer d'autres petits partis et de brasser plus large. Conscient que le CPR est mort, MMM aurait eu raison de féconder un corps nouveau et frais au lieu de faire le bouche-à-bouche à un cadavre. Ranimer le CPR aurait été stratégiquement un raté. MMM ne pourrait se refaire une virginité, se tailler une autre image et profiter d'un nouvel élan, avec le CPR sur le dos et sur les bras. L'ex président se démène pour se présenter comme solution alors qu'il est peut-être lui-même le problème. Il est toujours dans la réaction, dans la précipitation. Pour lui, tout est course contre la montre. L'idée d'autocritique ou de bilan l'indispose. Il a squatté pendant trois ans les coulisses de Carthage sans marquer son passage de quelque ordre que ce soit. Une véritable traversée de désert. Il revient aujourd'hui avec un nouveau parti mais aucunement avec un nouveau projet. Un CPR Bis ?! MMM croit pouvoir surfer sur la vague de sympathie dont il a bénéficié au dernier scrutin présidentiel et mobiliser l'électorat. Il a déjà annoncé la couleur le soir même de sa défaite aux présidentielles, faisant part de son projet de fonder un autre parti pour fédérer ses partisans. C'est de bonne guerre, sauf qu'il se trompe de cible dans la mesure où la base électorale qui l'a bombardé au deuxième tour n'a pas d'abord voté pour lui en tant que tel mais contre BCE, ensuite se compose massivement de militants et sympathisants d'Ennahdha. La donne est complètement différente. A moins que son mauvais génie, à savoir Adnène Mansar, ne l'ait convaincu de l'inverse. En tout état de cause, dans la mosaïque politique tunisienne où les partis prolifèrent, où les vrais hommes politiques brillent par leur absence et où le débat est perverti, focalisant sur les effets d'annonce et non sur les programmes, une formation politique de plus ou de moins relève plutôt de l'anecdote. L'environnement politique national n'en sera guère bouleversé. L'inflation des partis prête à sourire. Le moment est à l'agglomération des partis pour mutualiser les efforts et les moyens et non à la logique de cavalier seul et de segmentation. Ce n'est point un indicateur de bonne santé, loin s'en faut, la fragmentation handicape le paysage politique et brouille le message, si message il y a. Le doute est largement permis.