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Les pièges du second tour de la présidentielle
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 12 - 2014


Par Mouldi FEHRI
Dans le domaine des compétitions sportives et notamment en football, on dit qu'«un match n'est jamais gagné tant que la partie n'est pas terminée». En politique aussi et sans confusion de genres, on pourrait dire qu'une telle règle est tout à fait applicable. Les résultats de la dernière élection présidentielle en Tunisie en sont une parfaite illustration.
Dans un premier temps, beaucoup de Ttunisiens ont cru, à tort, qu'il était presque évident que l'affaire allait être réglée dès le premier tour et qu'on n'aurait pas besoin d'un second. Ensuite, les premières estimations des instituts de sondage sont venues tempérer quelque peu cette attitude euphorique, mais tout en allant à peu près dans le même sens, en affirmant que l'écart entre les deux premiers antagonistes serait de 20 points ; ce qui laisse entendre que le second tour ne serait plus qu'une simple formalité pour le premier d'entre eux.
Or, les résultats officiels publiés par l'Isie (et c'était la surprise annoncée, n'est-ce pas ?) ont refroidi tout le monde, en précisant que l'écart, entre l'un et l'autre des deux finalistes, n'est en réalité que de 6 points: Béji Caïd Essebsi (39.46 %) et Mohamed Moncef Marzouki (33.43 %). Comme quoi, il fallait garder les pieds sur terre et ne pas s'emballer, puisque les jeux sont loin d'être faits et qu'un second tour est non seulement inévitable mais s'annonce des plus serrés.
Cela dit, la première constatation à faire suite à ces résultats, c'est que le premier tour du scrutin présidentiel est venu confirmer la bipolarisation sortie des dernières élections législatives. Quant à la recomposition de la carte politique tunisienne qui en ressort, on pourrait dire qu'elle ressemble à une équation à plusieurs inconnues.
Ce qui laisse la porte ouverte à toutes sortes d'hypothèses : comment lire et comprendre, par exemple, l'attitude flottante du mouvement Ennahdha face à l'élection présidentielle ? Quelles consignes de vote donneraient, pour leur part, tous ceux qui n'ont pu accéder au second tour et notamment le Front populaire et l'Union patriotique libre ? Quelles seront les conséquences des premières tractations ou ententes entre les différents protagonistes sur le choix des électeurs au second tour ? Voilà des questions, parmi d'autres, qu'on ne peut éviter de se poser.
En tous les cas, ce qui est sûr c'est que le second tour se présente comme un nouveau test pour l'ensemble des Tunisiens et peut-être le dernier obstacle qu'il va falloir sauter avec le maximum de précaution et de sagesse, car il y va de la stabilité et de l'avenir du pays, mais aussi de la crédibilité de son processus démocratique.
I- Un premier tour qui confirme la bipolarisation
A la lecture donc des résultats du premier tour de l'élection présidentielle, force est de constater que les Tunisiens ont souhaité reproduire leurs choix exprimés aux législatives du 26 octobre 2014. Car au-delà des personnes des deux finalistes, les vainqueurs ne sont autres que Nida Tounès et Ennahdha.
Ceci est clair et net pour Nida Tounès, dont le candidat à la présidentielle, Béji Caïd Essebsi, arrive en tête, avec un score de 1.289.384 voix, pratiquement identique à celui de ce parti aux législatives.
Par contre, pour le deuxième finaliste, Mohamed Moncef Marzouki, il va de soi qu'il n'a pu atteindre le score de 1.092.418 voix [qui dépasse de loin le résultat médiocre de 68.000 voix réalisé par son parti, le CPR, aux législatives] qu'en bénéficiant dès le premier tour d'un report d'une grande partie des voix des Nahdhaouis.
Sans ce report de voix massif, Moncef Marzouki aurait connu le même sort que son propre parti aux législatives. Il est donc évident qu'il n'est là que par procuration et pour le compte de ceux qui l'ont soutenu, c'est-à-dire les militants et partisans d'Ennahdha.
Ce qui est clair en tout cas et quel que soit le résultat du second tour de la présidentielle, c'est que les deux formations qui domineront la scène politique tunisienne, pour les cinq prochaines années, seront inévitablement Nida Tounès et Ennahdha. Mais leurs actions respectives seront toujours conditionnées par les alliances qu'elles réussiront ou non à sceller avec le reste des partis présents à l'Assemblée des représentants du peuple et surtout Afek Tounès, le Front populaire et l'Union patriotique libre. Ce qui est sûr, aussi, c'est que le parti islamiste essayera par tous les moyens de rester une force influente, soit en s'associant à Nida Tounès, soit en utilisant l'obstruction au cas où il serait acculé à jouer le rôle de l'opposition qui lui incombe dorénavant.
II- Comment lire et comprendre l'attitude d'Ennahdha face à la présidentielle ?
A première vue et pour toute personne non informée, l'attitude de ce parti face à l'élection présidentielle peut paraître assez déroutante.
Deuxième force politique à la nouvelle Assemblée des représentants du peuple, Ennahdha n'avait pas présenté de candidat à la présidentielle et lors du premier tour, sa direction avait officiellement indiqué qu'elle laissait «la liberté à ses militants et sympathisants de choisir le candidat qui correspond le mieux à leurs propres idées». Attitude en apparence raisonnable, neutre et honnête, mais en apparence seulement. Car, de deux choses l'une :
- Ou bien, il s'agit d'un calcul machiavélique où rien n'est laissé au hasard et cette position officielle (et de façade) ne serait alors qu'une manœuvre destinée à induire en erreur les opinions publiques nationale et internationale sur les intentions réelles du mouvement, en leur transmettant une image plutôt positive et rassurante. Tandis qu'en interne, la consigne claire et nette (mais inavouée) aux militants serait de voter (et de faire voter) pour MMM.
- Ou bien il traduit une division interne au sein du parti islamiste, entre une aile (dite) modérée qui chercherait à négocier un partage du pouvoir avec Nida et une aile dure qui rejette un tel rapprochement et appellerait la base à soutenir la candidature de MMM.
Dans un cas comme dans l'autre et pour comprendre ce double langage (devenu habituel), ou ce double positionnement du reste tout à fait possible, il faut savoir que le mouvement islamiste (toutes tendances confondues) qui a dominé le pays sans partage au court des trois dernières années, ne supporte pas la défaite qu'il vient de subir. Il essaye, donc, par tous les moyens de se refaire une santé et de reprendre la main. Après avoir perdu successivement le gouvernement sous la pression du sit-in Errahil du Bardo et le premier rôle à l'Assemblée aux dernières élections législatives, il a tenté de limiter les dégâts à travers sa proposition d'un «président consensuel». Mais, là encore, il a essuyé un échec et une fin de non-recevoir. Sa position est devenue de ce fait très délicate, y compris sur le plan interne où sa cohésion et son unité seraient en train de connaître des moments difficiles.
Face à cela, sa nouvelle tactique consisterait, vraisemblablement, à essayer de transformer une position de faiblesse en une position de force, en se disant prêt à toutes sortes de transactions, pouvant favoriser la politique du consensus et de la sauvegarde de l'unité nationale. C'est ainsi qu'avec ses 69 sièges obtenus à la nouvelle Assemblée des représentants du peuple, la direction d'Ennahdha tente de faire les yeux doux aux nidaistes pour arriver à constituer avec eux «une majorité parlementaire solide» et un «gouvernement d'union nationale».
Seulement, la logique voudrait que la prétendue solidité d'une telle majorité ne serait qu'apparente et aléatoire, puisqu'elle se baserait sur deux projets de société totalement opposés et des intérêts partisans très difficilement conciliables. De plus, les bases de l'une comme de l'autre de ces deux formations politiques ne comprendraient pas et ne toléreraient jamais une telle alliance contre nature. Les «faucons» d'Ennahdha feraient tout pour s'y opposer et l'aile gauche de Nida y verrait une trahison de la part de BCE.
Consciente de la complexité d'une telle hypothèse et de ses chances minimes de réussite, la direction nahdhaouie n'y renonce pas pour autant et choisit de l'utiliser à fond, au moins, pour brouiller les cartes. Mais, sa position réelle (et toujours inavouée) consiste, sans aucun doute, à soutenir la candidature de MMM au second tour de la présidentielle, pour créer les conditions d'une division au sein du pouvoir exécutif à venir et ainsi contribuer, sans se mouiller directement, à contrecarrer et fragiliser Nida Tounès à court ou moyen terme.
Le dernier communiqué du Conseil de la Choura d'Ennahdha du 07/12/2014 n'est qu'une confirmation de cette tendance, puisqu'il annonce d'un côté «qu'il ne donne aucune consigne de vote à ses militants, les laissant libres de choisir le candidat qu'ils veulent au second tour de la présidentielle» et de l'autre «que les structures du parti continuent d'étudier la question afin que le mouvement puisse annoncer sa position définitive dans les jours qui viennent». Autant dire qu'ils continuent à manier le double langage ambigu et habituel.
III- Les engagements de Nida Tounès à l'épreuve du jeu des alliances :
En face et comme tout le monde le sait, la position de Nida Tounès est loin d'être simple. Car s'il arrive à éviter le piège de toute alliance directe et réelle avec Ennahdha, comme le laissent entendre certaines déclarations de ses dirigeants, il sera tout de même tributaire du bon vouloir du reste des partis et à leur tête le F.P, l'UPL et Afek Tounès. Et cela va se manifester de façon claire et nette dès le second tour de la présidentielle, par le choix que ces formations politiques seront amenées à faire entre BCE et MMM.
Les dernières informations à ce sujet indiquent, toutefois, que l'UPL et Afek Tounès ont d'ores et déjà annoncé officiellement leur soutien à la candidature de BCE. Ce qui constitue, certainement, une bonne nouvelle pour Nida Tounès, mais laisse supposer en même temps que ces deux ralliements n'ont été obtenus que contre des garanties accordées à ces deux partis sur la place qui leur sera réservée au Parlement et au prochain gouvernement. Or, ceci peut aussi s'avérer dangereux et contre-productif, voire se retourner contre BCE au second tour, si le F.P y voit une trahison et une orientation libérale et antisociale.
Voilà pourquoi le choix qui sera fait par le F.P. concernant le second tour risque d'être réellement déterminant et à ce stade il est encore totalement inconnu et toutes les hypothèses sont envisageables.
On peut, certes, considérer qu'a priori le F.P dans sa majorité apportera son soutien à BCE, étant donné qu'ils étaient ensemble au sein du «Front du salut» et que les relations avec MMM et son parti n'ont jamais été cordiales au cours des trois dernières années. Mais les militants du F.P, qui appartiennent à une bonne dizaine de partis et d'associations allant de l'extrême gauche jusqu'à des «formations nationalistes arabes», peuvent ne pas voter dans le même sens. Du moins, quelques réfractaires et puristes parmi eux pourraient décider de s'abstenir, juste pour marquer leur rejet des deux candidats.
Les frontistes, dont tout le monde a salué la réussite aux législatives et au premier tour de la présidentielle, assument aujourd'hui une responsabilité historique. Ils représentent de fait l'espoir de tous les démocrates et progressistes tunisiens qui souhaitent les voir occuper la place qui leur revient de droit, aussi bien au Parlement qu'au gouvernement, au moins pour obliger Nida Tounès à respecter ses engagements. Toute autre attitude de leur part serait contre-productive pour le F.P lui-même et certainement catastrophique pour l'ensemble de la Tunisie. Elle le serait d'autant plus que les risques de voir MMM se maintenir à Carthage semblent, aujourd'hui, de plus en plus réels et possibles. Ce qui plongerait le pays, si c'était le cas, dans une phase d'instabilité gouvernementale et parlementaire sans précédent, avec un retour progressif des islamistes aux affaires, mais cette fois-ci plus que jamais déterminés à faire aboutir leurs projets et leur modèle sociétal et culturel.
Nida Tounès doit faire preuve de beaucoup de lucidité et éviter de céder aux manœuvres des nahdhaouis, s'il veut garder, voire élargir la base de ses électeurs et sympathisants. Le fait, par exemple, que Abdelfattah Mourou obtienne le poste de premier vice-président de l'ARP avec 157 voix est un événement qui ne peut passer inaperçu. Faut-il y voir une tactique de Nida pour calmer l'appétit des nahdhaouis et les inviter à ne pas voter MMM, ou plutôt le signe d'une entente beaucoup plus profonde entre Ghannouchi et BCE ? Les jours qui viennent apporteront certainement plus de précisions à ce sujet. Car, pour le moment, ce premier partage des rôles et des responsabilités au sein de l'ARP suscite quelques inquiétudes et pourrait même créer des surprises au niveau de l'élection présidentielle.
Les nahdhaouis ont parfaitement le droit d'avoir une place sur la scène politique tunisienne et il est hors de question de les exclure. Mais leur place est désormais au sein de l'opposition et leur discours comme leur action doivent tenir compte de la volonté des Tunisiens, librement et démocratiquement exprimée aux dernières élections.


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