Le classico CSS-ESS, rencontre au sommet, attendu par tous les puristes car censé redorer le blason du football tunisien et réconcilier les amateurs avec le ballon rond et le spectacle, a tourné à un match de la honte, a accentué le dégoût et la cassure et a confirmé le visage hideux de l'environnement sportif tunisien..Le sport national a touché le fond. Outre l'avant-match houleux et le match lui-même ponctué d'interruptions, de moments de tension et de gestes agressifs et obscènes, l'après-match n'est pas sorti de l'ornière de la violence verbale. Intervenant à la télé en direct, le président du CSS a montré tout l'étendue de son indécence, voire de sa duplicité et sa large palette d'invectives et d'offenses.Un président est avant tout un éducateur, un formateur, un guide. Quel exemple Moncef Khemakhem a donné ?! Et comment peut-il tenir encore ses troupes après une telle fâcheuse sortie de route médiatique ?! Quelle mouche l'a piqué ? De quelle crédibilité, ou ce qui en reste, peut-il désormais bénéficier ?! N'a-t-il pas tiré une balle dans le pied croyant trouer la peau de ses adversaires ? En sera-t-il grillé pour autant ?! Le classico nous a renvoyé, en pleine figure, la triste image de notre pays. C'est un instantané de notre contexte national actuel où la déchéance morale, le renversement de l'échelle de valeurs, la gestion à multiple et inégal vitesse, le piétinement de l'idée de citoyenneté, l'impunité, la corruption, la course au gain facile, la justice à géométrie variable, la violation de la loi, la propension à la fraude, l'effritement de la notion de travail, la violence dans toutes ses expressions, l'individualisme rampant, la cruauté mentale ambiante et le terrorisme intellectuel sont autant de tares pourrissant la société tunisienne, au mépris de l'intérêt national et de l'idéal de "vivre ensemble". Pourquoi se voiler la face et maquiller le face odieuse, le microcosme football n'est qu'un échantillon bien représentatif de la Tunisie actuelle. Depuis l'élection de Wadii Jari à la tête de la Fédération Tunisienne de Football (FTF), le sport roi, déjà en crise multiforme, a continué sa descente aux enfers. Tout le monde sait dans quelles suspectes sinon louches conditions le président en exercice de la FTF a été élu. Un scrutin où l'argent sale a coulé à flot. Les clubs en sont les premiers responsables. Le football tunisien, en perte de vitesse, n'est plus qu'un nid de bandits et de gredins, du moins dans une large proportion.Le comportement ordurier que le président du CSS a fait montre ne choque pas en interne le milieu du football, c'est le langage d'usage, il ne heurte que les puristes et les amateurs du beau jeu. La pègre sportive est bien là, le ver de la décadence a dévoré le fruit sportif. Pour gagner, il faut être un voyou. Tout le monde a compris de quel bois faut-il se chauffer pour marquer des points et … des buts ! Le désordre sévit à tous les étages et niveaux : Etat calamiteux des terrains et des infrastructures, professionnalisme boiteux et stérile, arbitrage défaillant et corrompu obéissant au doigt et à l'œil à un noyau de mentors, Wadii Jari en premier, gestion sportive opaque et imprévisible, clubs surendettés vivotant au-dessus de leurs moyens, décisions rendues à la tête du client, déchirements régionalistes, vandalisme tout terrain, hooliganisme devenu sport national, diktat de quelques grands clubs, logique de "deux poids, deux mesures", contrats peu ou prou honorés par rapports aux joueurs et aux fournisseurs, matchs sans jeu ni public, escroquerie à tout-va et au grand jour, manipulation des calendriers, le pilier de tout sport, la formation, en habit de parent pauvre, non-respect de la loi en matière sportive, matchs truqués dans l'impunité et le silence, football tunisien discrédité et décrié au niveau international. De quel football ose-t-on encore parler ?! La FTF et la Ligue, principales structures gérant le football tunisien, restent coincées dans leurs réduits régionalistes et leurs calculs à la petite semaine, multiplient les grands écarts, naviguent à vue, sans vision ni projet, incapables de faire front et face à l'effroyable situation. Le bilan de Wadii Jari à la tête de la FTF est d'un insolent déficit. Lui il s'en fiche, il ne se démène que pour allonger sa présidence, sinon c'est le règne de l'inertie et la gabegie. On ne gagne pas les batailles qu'on ne livre pas, on ne construit rien si on n'ouvre pas les chantiers. Wadii Jari a perdu tous les combats car, sur l'arène sportive, il a fui la confrontation, il n'a rien osé pour remonter la pente, sauf une seule guerre où il est passé maitre et gourou, à savoir les élections à la FTF, durant lesquelles il se permet tous les tacles par derrière. Pour tout le reste, que nenni, il ne cesse de botter en touche. Un spectacle de mauvaise facture sur le terrain et en dehors. Des mœurs et des pratiques, à contre-pied de la convenance et de l'esprit sportif, gangrènent le paysage et allument les mèches de la controverse et de l'hostilité. Sur les rectangles verts, dans les tribunes ou aux coulisses, le football n'est plus qu'une bataille rangée, à couteaux tirés, une guerre sans nom et sans précédent où les forts en bras et les grandes gueules, à travers le jeu d'influence, d'intimidation et d'instrumentalisation, rivalisent de coups tordus, de réactions de caniveau, ne lésinant sur aucune manœuvre pour servir leur club et s'en servir. Le championnat national se gagne beaucoup plus dans les couloirs obscurs que sur les aires de jeu. Toutes les lignes rouges ont été franchies aussi bien par les clubs que par les ténors de la FTF, par les spectateurs que par les organes de presse. Chaque partie apporte son grain de sel et souffle sur le feu. Cloué par les dispositions de la FIFA, dont le système de corruption n'a d'égale que l'opacité, la cupidité mercantile élevée au rang de stratégie, le ministère de tutelle a les mains liées, ne pouvant donner un coup de pied dans la fourmilière sans risquer le retour de manivelle de l'instance internationale. La FTF se gaufre de l'argent public et de la manne du ministère du sport sans lui en être comptable ou redevable. Les contribuables saignent à blanc pour une fédération de bras cassés, du moins en partie, et pour un spectacle affligeant sinon tragique. Les sinistres exemples sont légion. Le football tunisien est à l'article de la mort, dans un état de coma avancé, en agonie, et ce ne sont pas les dernières onctions du ministère de tutelle qui remédient à ses maux. A la FTF, Wadii Jari et sa bande, sans compter les grands clubs et leurs dirigeants, plantent les derniers clous dans son cercueil. Le viol sportif continue de plus belle, les stades ne sont plus que des scènes de crime où la violence, le régionalisme, la corruption, l'incitation à la haine et le vandalisme ont tué le sport et l'esprit sportif.