L'annonce mercredi soir de la prise totale de Benghazi, deuxième grande ville de Libye, par le maréchal Khalifa Haftar, chef des forces armées libyennes basées dans l'est du pays, constitue un tournant décisif du conflit dans ce pays en proie au chaos depuis 2011. Incontestablement, il s'agit d'une victoire du camp de Khalifa Haftar qui renforce son influence et acquiert de nouvelles cartes à faire valoir face aux autres protagonistes lors d'éventuels négociations. Mais il s'agit aussi de la réalisation d'un nouveau jalon sur la voie de la concrétisation des ambitions personnelles de Khalifa haftar a qui on prête la volonté d'accéder au pouvoir. Nombreux observateurs estiment que le prochain cap sera mis sur Tripoli capitale politique de la Libye et centre du pouvoir. La mise en scène dans la vidéo d'annonce de la libération de Benghazi publiée sur Youtube, démontre assez clairement ces ambitions et notamment un imitation à la performances des gestes et manies du défunt colonel Mouammar Kadhafi. Engoncé dans une tenue d'apparat militaire blanche cernée de décorations dorées et de médailles, Khalifa Haftar cache mal sa soif du pouvoir. Itinéraire de Khalifa Haftar C'est à Benghazi, qui était dominé militairement par les extrémistes islamistes Ansar Acharia, al-Qaïda puis Daech, et où l'insécurité était à son comble notamment les assassinats quasi quotidiens de journalistes, de militaires, policiers et militants des droits de l'homme et de la société civile, que le destin de Haftar va être scellé. Général en retraite, Khalifa Haftar qui avait participé aux côtés de Kadhafi au coup d'Etat de 1969 et qui avait fait défection lors de la guerre entre le Tchad et la Libye dans les années 80, a profité de la vague de violence à Benghazi. Bien qu'il avait participé aux côtés des rebelles libyens en 2011 à la la révolution contre Kadhafi, il a été refusé au poste de chefs d'état-major de l'armée qu'il convoite auprès des différents gouvernements qui se succèdés à Tripoli. On rappelle qu'en février 2014, le général Khalifa Haftar, était apparu dans une vidéo de 10 minutes postée sur YouTube pour annoncer le gel des activités du Congrès national général (CNG-Parlement à l'époque) et du gouvernement et la suspension de la Déclaration constitutionnelle, dans un geste présenté comme une tentative de coup d'Etat militaire. Mais cette tentative est demeurée à l'état d'embryon et n'a jamais été suivie d'effet en l'absence de forces sur le terrain. Le général à la retraite, Khalifa Haftar, prendra sa revanche en lancant, en mai 2014, une opération baptisée "Karama" (Dignité) destinée à évacuer les milices islamistes de la ville de Benghazi où elles sont accusées de violences, notamment des assassinats et attaques contre les militaires, policiers, activistes de la Société civile, politiciens, journalistes, simples citoyens ou ressortissants de pays étrangers.
Cette opération lui permettra de redorer son blason auprès des Libyens qui avaient été désarçonnés par sa tentative de coup d'Etat de février. La prise des ports pétroliers dans le Croissant pétrolier en Libye dans l'Est du pays a marqué une grande victoire pour Haftar qui a vu son influence grandir . C'est dans cette optique que le président du Parlement lui a accordé une promotion et l'a élevé au grade de maréchal. Désormais , Khalifa Haftar a parachevé de consolider son emprise sur l'Est du pays qui lui est tout à fait acquis et dont il est devenu le seul maître à bord. Avec la prise de contrôle totale de Benghazi, l'influence de Haftar grandit considérablement. Cap sur Tripoli Récemment le maréchal Haftar l'homme fort de l'est de la Libye a donné un délai de six mois au Conseil présidentiel du gouvernement d'Entente nommé par les Nations unies, pour régler les problèmes des Libyens , à défaut , il allait "siffler la fin de la récréation". Une mise en garde qui a été expliquée comme un signe de la proche guerre contre Tripoli, une menace qui a été agitée à maintes reprises par Khalifa Haftar. Ses partisans lui prêtent l'ambition de mettre le cap sur Tripoli après avoir proclamé la libération de la ville de Benghazi. Fort de ses soutiens à Zenten dans l'Ouest du pays chassés en juin 2015 par les groupes et milices armées de Misrata, Khalifa Haftar pourrait prendre la capitale et asseoir sa domination sur l'ensemble du pays. En outre, plus personne en Libye ne croit à un solution politique tellement l'impasse est en vigueur et les positions se sont radicalisées. Chaque camp veut gouverner seul privilégiant le langage des armes. Ni les réunions marathoniennes ni les médiations des pays voisins, de la communauté internationale et des Nations unies ne sont parvenues à bout de l'entêtement des Libyens qui veulent en découdre par les armes. Une perspective qui risque de prolonger les souffrances des Libyens et embrasser la région dont les pays subissent les impacts de l'insécurité en Libye.