Le tourbillon du Proche-Orient, le chaudron de la guerre entre Israël et le Hamas, et maintenant ce dernier contre le Hezbollah libanais… La France est prise dans ce magma, engluée jusqu'au cou en raison de ses liens historiques avec l'Etat hébreu et de ses relations privilégiées avec le monde arabe. Quand feu le président Jacques Chirac avait piqué une colère noire à Jérusalem en 1996, face aux agents israéliens, c'était aussi pour crier haut et fort la place de la France dans cette partie du monde. Le profond malaise de la France ce sont les contorsions, reniements et revirements du président Emmanuel Macron qui le disent le mieux. Les médias, fidèles reflets des tensions qui travaillent la société française, sont aussi forcément impactés. Le premier de la classe, BFMTV, est en prise avec cette réalité là et se dépatouille comme il peut. L'affaire n'est pas simple, la preuve le clash entre le leader des chaines d'information continue et l'eurodéputée de la France insoumise (LFI) Rima Hassan, l'un des lieutenants de l'inflexible Jean-Luc Mélenchon. S'il y a une formation politique qui est constante dans son soutien au peuple palestinien c'est bien LFI. Et d'ailleurs avec le nombre de civils tués depuis qu'Israël prétend combattre le Hamas de plus en plus de gens – même Macron – commencent à comprendre pourquoi Mélenchon leur demandait de regarder de l'autre côté de la barrière – la Palestine. Alors oui, commenter les sifflets qui ont accueilli l'évocation du président de la République lors d'un dîner organisé la veille à Paris par le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) c'est important, mais pour Rima Hassan il y a encore plus important : les angles choisis par la chaîne pour couvrir le conflit au Moyen-Orient. La députée européenne a sévèrement critiqué les choix éditoriaux du média, son coup de sang a tourné court, l'entretien a été stoppé net, l'élue LFI crie à la «censure». «Je me permets juste une petite parenthèse», a dit Rima Hassan pour poser les bases de son interview de mercredi 9 octobre. «Je veux simplement dénoncer le fait que vous avez été félicités par Olivier Rafowicz, qui est un porte-parole de l'armée israélienne, une armée génocidaire, de votre ligne éditoriale», souligne l'eurodéputée… «Et c'est très très important pour moi de dénoncer ça à l'occasion de cette interview, parce que ça dit beaucoup de la ligne éditoriale qu'est la vôtre sur le sujet, et j'espère que vous vous rendez compte quand même que vous aurez tôt ou tard des comptes à rendre en tant que média», a-t-elle asséné. Quelques jours avant le haut gradé de Tsahal avait déclaré à l'antenne que BFMTV faisait «du travail excellent par rapport à la présentation du conflit» entre Israël et le Hamas (le colonel ne dira jamais la même chose de TV5 Monde, Mohamed Kaci l'avait bousculé). Ce qui n'a pas empêché le militaire israélien de critiquer une enquête menée conjointement par la chaîne française et des journalistes palestiniens opérant à Gaza… Les journalistes de BFMTV ont ardemment défendu la couverture du conflit par la chaîne et se sont insurgés contre les tirs de Rima Hassan. «Je suis libre de mes propos», a alors rétorqué l'eurodéputée, avant d'en remettre une bonne louche : «C'est inédit, il n'y a pas de média qui est félicité par un porte-parole d'une armée qui par ailleurs est pointée du doigt par toute la communauté internationale (…). Admettez que c'est inédit», martèle-t-elle. «C'est-à-dire que les médias sont censés informer de façon neutre (…). Quand vous avez une partie au conflit qui vous félicite (…). C'est comme si vous aviez le Hamas demain qui vous félicitait. C'est très problématique, admettez-le», glisse la camarade de Mélenchon. Et là les journalistes sur le plateau ont copieusement protesté, ce qui a provoqué l'indignation de l'eurodéputée. Bref, un boucan d'enfer qui a eu raison de l'interview. «La censure des voix critiques d'Israël, BFMTV excelle dans ce domaine», a taclé dans la foulée Rima Hassan sur X. La Société des journalistes (SDJ) de BFMTV a répliqué quelques heures après à travers un communiqué, elle y «déplore la mise en cause du travail de la rédaction par la députée européenne Rima Hassan sur sa couverture du conflit au Proche-Orient (…). La SDJ rappelle que la chaîne a de nombreux envoyés spéciaux ou correspondants dans la région, au Liban, en Cisjordanie, en Israël ou en Iran, qui font entendre la voix de toutes les parties, civiles ou militaires». Le texte évoque par ailleurs la diffusion d'une «enquête long format» sur les bombardements israéliens à Gaza, un traitement de l'actualité qui a provoqué l'ire du porte-parole de Tsahal sur le plateau. La ligne de défense de la chaîne évidemment ne convaincra pas dans les rangs de LFI, la passion l'emportera tant que la furie meurtrière de Benjamin Netanyahu l'emportera au Proche-Orient…
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