TUNIS (TAP) - Condamnée à deux ans de prison sous l'ancien régime pour ses engagements politiques, Sihem Badi, actuelle ministre des Affaires de la femme et de la famille, fut obligée de quitter le pays, dans les années 90, pour se réfugier en France où elle avait milité au sein du parti du Congrès pour la République (CPR). Cette originaire de la ville de Tozeur, a regagné la Tunisie pendant la Révolution après avoir passé 18 ans en exil. Dans une interview accordée à l'agence TAP, elle a évoqué les programmes du ministère pour la promotion de la femme tunisienne et la consolidation de sa place dans la société, place encore marginale contrairement à l'image erronée présentée par l'ancien régime, a-t-elle fait remarquer. Elle a, également, abordé les réformes nécessaires pour renforcer le rendement des institutions et structures chargées de la protection de la famille. "La société tunisienne est plutôt une société masculine et la présence de la femme dans les postes de décision demeure insuffisante" a t-elle indiqué, exprimant son étonnement du fait que seules deux ministres femmes et une secrétaire d'Etat sont membres à l'actuel gouvernement, outre de l'absence du genre féminin au sein du bureau exécutif de l'Union générale tunisienne du travail. Pour remédier à ces insuffisances, la ministre de la femme recommande d'instaurer des législations qui assurent le principe de parité dans les postes de décision, affirmant que durant son mandat à la tête de ce département, elle œuvrera à renforcer les programmes de sensibilisation au principe de l'égalité genre, ciblant notamment les jeunes. Par ailleurs, la ministre a souligné que le Code du statut personnel a besoin d'être développé et adapté aux préoccupations actuelles signalant que "le code promulgué depuis 55 ans a préservé les droits de la femme durant une période donnée. Aujourd'hui, il doit être amélioré afin d'accorder à la femme davantage de droits". Elle a, également, insisté sur la nécessité de préserver la dignité de la femme dans tous les cas et de ne pas soumettre l'analyse des phénomènes sociaux aux jugements moraux. Et d'ajouter, "nous ne sommes pas là pour juger la morale ni les choix des gens, personne ne peut priver les mères célibataires de leur droit de vivre, en tant que citoyenne, dans la liberté et la dignité, et de bénéficier de la protection de leurs enfants". Mme Badi a signalé que le dossier de la violence à l'égard de la femme figure parmi les priorités du ministère mettant en relief la nécessité de prendre en charge la femme victime de violence au plan médical et psychologique. Elle a, également, insisté sur l'importance de réfléchir à la création d'un centre d'accueil des femmes victimes de violence. La protection de la femme contre la violence en milieu familial ou social nécessite la conjugaison de tous les efforts, a indiqué la ministre. Elle a mis en exergue l'impératif d'instaurer une politique de sensibilisation au respect de la femme et à la sauvegarde de sa dignité tout en oeuvrant pour la mise en place d'une législation qui protège la femme victime de violence. Mme Badi a appelé les étudiantes, portant le niqab, dans la faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba, à se conformer à la décision du conseil scientifique et à découvrir leur visage afin de permettre leur identification. Elles doivent respecter le droit des étudiants à suivre les cours et à passer les examens. "Il est insensé que les femmes portant le niqab imposent aux autres de respecter leur liberté alors qu'elles mêmes ne respectent pas la liberté d'autrui", a-t-elle expliqué. Mme Badi a indiqué qu'elle respecte la femme portant le niqab et son choix d'appliquer sa conception de la chariaa islamique et refuse toute atteinte à sa dignité ou à ses choix. Le ministère, a-t-elle affirmé, veillera à préserver les droits de la femme portant le niqab et protègera la liberté et la dignité de chaque femme, quel que soit son choix. D'autre part, il est nécessaire de réhabiliter la femme rurale qui se bat pour assurer à sa famille les moyens de subsistance, a estimé Mme Badi. D'énormes efforts sont à déployer au profit de la femme rurale, afin de généraliser les prestations sanitaires et de l'aider à améliorer sa situation économique, en relançant les mécanismes d'octroi des petits crédits, et en défendant son droit à l'instruction et à l'emploi, a expliqué la ministre. Il est important de mener des études de terrain pour identifier les besoins réels des familles nécessiteuses dans les zones rurales et trouver des solutions au problème de l'abandon scolaires précoce, a-t-elle fait remarquer estimant "nécessaire d'aller vers les régions de l'intérieur et de prendre en charge la femme dans ces milieux de manière effective et de ne plus se contenter des discours et de l'élaboration de programmes". Malgré son optimisme, la ministre ne cache pas sa déception devant le manque de budget alloué au ministère des Affaires de la femme et de la famille qui ne représente que 0,5 pc du budget général de l'Etat et se place à l'avant dernière place de ceux accordés aux différents ministères. Vu le rôle important du département dans la promotion de la femme et de la famille, les fonds qui lui sont dédiés demeurent insuffisants, a noté Mme Badi ajoutant qu'elle oeuvrera avec les moyens disponibles et en collaboration avec les autres ministères et les associations sérieuses pour l'encadrement et la promotion des familles démunies et la protection de l'enfance. S'agissant du domaine de l'enfance, Sihem Badi a souligné son souci de réformer le secteur, notamment, au niveau des jardins d'enfants et des centres de protection de l'enfance, indiquant que ces institutions accusent un manque en ressources humaines qualifiées. Mme Badi a fait savoir que le ministère ne contrôle pas suffisamment les établissements chargés de l'enfance et, notamment, les jardins d'enfants dont les services sont trop onéreux pour les parents. La ministre a, également, annoncé une prochaine révision du cahier des charges relatif aux jardins d'enfants. En outre, une attention particulière sera accordée aux enfants dans les régions de l'intérieur en soutenant leurs familles et en créant de nouveaux centres d'accueil au profit des enfants vulnérables, a signalé Mme Badi.