L'assassinat monstrueux de ChokriBelaïd, peut-être le premier vrai assassinat politique en Tunisie depuis son indépendance, a littéralement électrocuté les Tunisiens de quelque bord politique qu'ils se reconnaissent et même ceux en dehors du champ de l'action politique directe. Evidemment, les avocats et les militants du Front populaire sont les plus impliqués parce que se jugeant les plus concernés, ce qui est aussi leur droit. Mais c'est aussi les universitaires qui sont souvent les plus alertes à tous les risques qui menacent les libertés publiques. Aujourd'hui, immédiatement après la confirmation du décès, étudiants et enseignants se sont ligués pour condamner le crime et pour arrêter toute activité, en coordination avec leurs syndicats. Ils ont apprécié à leur juste valeur la gravité de la situation et à la nécessité pour les élites intellectuelles, culturelles, civiles et syndicales d'assumer leur responsabilité. Un message est jugé nécessaire à l'intention des médias, notamment à ceux-là qui, sans considération pour l'intérêt national, sont à la chasse des scoops avec un enthousiasme complaisant, presque complice, pour les chantres de la violence et de l'exclusion. La liberté d'expression est certes un acquis précieux offert au secteur par la « révolution tunisienne » ; mais faut-il qu'elle soit insensible à ce qui menace la société tunisienne dans son être et dans son identité ? A l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, même des examens oraux en cours ont été interrompus et repoussés pour plus tard, tellement personne n'avait le cœur à la tâche : ni les examinateurs ni les candidats. Tous ont tenu un meeting à la suite duquel ils se sont joints aux foules en colère, une foule venant de partout, se mobilisant à la Kasbah, devant le ministère de l'Intérieur, devant le siège de l'ANC, devant les urgences de l'hôpital Charles Nicolle. Une seule phrase en tout cas revient régulièrement dans toutes les bouches, les partisans de ChokriBelaïd et ceux qui ne partagent pas ses idées : Ce n'est pas ChokriBelaïd qu'on a tué, c'est la Tunisie qu'on tue.