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Chronique, Le mot pour le dire : Ni père, ni prédicateur, ni messie !
Publié dans Tunivisions le 28 - 05 - 2013

« Par toute son éducation, par tout ce qu'il voit et entend autour de lui, l'enfant absorbe une telle somme de sottises, mélangées à des vérités essentielles, que le premier devoir de l'adolescent, qui veut être un homme sain, est de tout dégorger ».
Romain Rolland
C'est à ce propos du grand écrivain français (1866-1944), auteur du célèbre roman fleuve Jean Christophe, que j'ai pensé en lisant, sur Kapitalis, les dernières déclarations de l'incorrigible Rached Gannouchi, commentant les deniers exploits de ses enfants ou, plus précisément, d'un certain nombre de ses enfants, les plus terribles en somme. « Oui, soutient sa sainteté, je considère tous les Tunisiens comme mes enfants, les salafistes et les non-salafistes, mais nous rejetons la violence. Tout ceux qui n'en font qu'à leur tête assumeront leur responsabilité ».
En lisant cette perle (et en particulier le passage, brusque et injustifié, du je au nous de majesté), j'ai eu la preuve irréfutable que le président d'Ennahdha n'a rien compris à la révolution tunisienne qui l'a propulsé au rang de l'un des plus grands hommes publics du pays. Monsieur R. Gannouchi n'aurait pas compris – et ne l'aurait pas pu s'il l'avait voulu – que le peuple Tunisien a tué, le 14 janvier 2011, le Père – symbolique et non biologique – qui l'a étouffé, brimé, écrasé et frustré pour pouvoir mieux l'instrumentaliser et l'asservir. Si les Tunisiens se sont débarrassés enfin de Habib Bourguiba (et du pantin Zine El-Abidine Ben Ali qui lui a succédé), ce n'est pas pour leur substituer – quelle horreur ! – un R. Gannouchi, un Habib Ellouze, un Sadok Chourou !
Or, cette déclaration, comme toutes celles qui l'ont précédées, n'a qu'un objectif et un seul : réussir cette substitution et la faire admettre par un peuple qui s'obstine à voir, dans R. Gannouchi, un faux père doublé d'un usurpateur. En voilà la preuve : « C'est l'ex-président et le système de Bourguiba qui sont derrière le désert religieux qui a donné naissance à des groupes extrémistes religieux après la révolution ». La hargne de R. Gannouchi reste intacte après plus d'une décennie de la mort de celui que des observateurs et des historiens, nationaux et étrangers, considèrent comme étant le Père fondateur de la Tunisie moderne. La haine que l'islamiste R. Gannouchi voue au moderniste H. Bourguiba est telle qu'elle a survécu à la mort elle-même et qu'elle continue aujourd'hui de tourmenter celui qui n'aurait jamais pu devenir le leader qu'il se croit être aujourd'hui sans le concours de ce père qu'il exècre et qu'il se plaît de cribler de toutes les ignominies à chacune de ses apparitions publiques.
R. Gannouchi se rend-il seulement compte que, contrairement à tous ces concitoyens, il aurait échoué, lui personnellement, à tuer son propre père et que cet échec, dont il est l'unique responsable, coûte cher à la Tunisie et à son peuple ? Mais Gannouchi se serait rendu compte enfin qu'il ne suffit pas de renier un père ou de s'offrir un père d'adoption (et le président d'Ennahdha s'est offert toute une panoplie de papas, aussi rébarbatifs les uns que les autres, dont l'austère Hassan El-banna, l'intransigeant Saïd Kotb, l'inflexible Abdelaziz Ben Bèz et la star Youssef Qaradhaoui qu'un grand nombre tunisiens ont été choqués de le voir lui baiser le front avec un recueillement que les hommes pieux réservent à Dieu, et à lui seul !) pour se débarrasser de son vrai père. Sa raison d'être, aujourd'hui comme hier, c'est de réussir enfin le parricide qui le hisserait sur le trône de l'encombrant et l'inégalable Habib Bourguiba. C'est pourquoi, il se conforme à l'image de ce père abhorré au point d'adopter et son langage et sa démarche : l'islamiste wahhabite qu'est R. Gannouchi n'arrête pas de parler, à tort et à travers, de modernité et d'adopter la stratégie des étapes, chère au fils de Tunisie, originaire de Monastir, non pour édifier une nouvelle Tunisie, mais pour démanteler celle bâtie par celui qu'il hait férocement, comme le font les islamistes de son acabit !
Il s'avère ainsi que c'est R. Gannouchi, et non pas le peuple tunisien, qui souffre d'un persistant complexe d'Œdipe, ce qui explique ses tentatives effrénées, pour se mettre au diapason d'un père qu'il est incapable d'égaler, de s'approprier symboliquement la progéniture de ce père coriace et indélogeable. Notons que c'est pour la première fois – et espérons qu'elle sera la dernière – que R. Gannouchi étend son affection paternelle à l'ensemble du peuple tunisien après l'avoir réservée pour une infime partie de ce peuple, avec laquelle il semble avoir des attaches psychologiques (elle lui rappelle sa jeunesse de salafiste activiste), idéologiques (adepte, comme lui, d'un islamisme rigoureux, déterminé à restaurer le califat) et politiques (porteuse, comme lui, d'une nouvelle culture qui ruinera la Tunisie) dont l'objectif immédiat est d'ensemencer le prétendu désert religieux, promu et entretenu par le régime déchu.
En dehors de ces considérations psychanalytiques, je tiens à rappeler à M. (et non au sheikh, car n'est pas sheikh qui veut) les raisons pour lesquelles il ne pourra jamais être le père des Tunisiens qu'il n'a pas arrêté de terroriser, avec sa théorie désastreuse du tadafo', depuis son retour de Londres. Je commence par les plus évidentes :
* Les Tunisiens n'ont plus besoin de père, car la révolution a mis fin au mythe et au règne du père protecteur et sauveur.
* Le père partial, qu'a été toujours R. Gannouchi, ne peut pas aimer tout le monde, et il l'a prouvé à maintes reprises, surtout qu'il n'a pas du tout le sens de la famille. Et notre famille à tous, c'est la Tunisie et non le Qatar ou l'Arabie Saoudite. A cela s'ajoute le fait qu'un homme qui s'emploie, par tous les moyens, à asservir ses enfants (les Tunisiens) et à les diminuer (les femmes) n'est pas un bon père de famille.
* S'il était le père qu'il prétendait être, R. Gannouchi l'aurait certifié le jour de son retour triomphal de son exil douillet. Il aurait dû le faire également pour défendre ses enfants les artistes d'El-ebdilliya qu'il a accusés, à tort, d'atteinte au sacré et qu'il a livrés, pour cela, à la vindicte de la racaille, composée essentiellement par ses chouchous les salafistes et leurs satellites.
* S'il était le père qu'il prétendait être, pourquoi se serait-il concerté seulement, et sur le mode éprouvé des conspirateurs, avec ses enfants les salafistes, leur promettant monts et merveilles aux dépens des dindons de la farce que sont ses autres enfants, les non salafistes qui constituent, on n'insistera jamais assez là-dessus, la majorité écrasante du peuple tunisien.
* S'il était le père qu'il prétendait être, il aurait cherché des excuses aux dérapages de tous ses enfants, sans exception, car ils sont tous victimes du prétendu désert religieux. Or, R. Gannouchi ne se soucie que de sa turbulente progéniture salafiste, aujourd'hui complètement incontrôlable.
* Un père, qui se dit et se veut musulman, et rien que cela, ne peut pas être le père des juifs, des chrétiens et, encore moins, des athées (oui, j'ai bien dit les athées !), tous tunisiens, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas venus d'une autre galaxie pour semer la zizanie au sein de la sainte famille ganouchienne !
* Enfin, n'est pas un bon père de famille celui qui sacrifie ses enfants – que sont les militaires et les agents de l'ordre – pour plaire à ses enfants gâtés que sont les salafistes, ces champions de la Shari'a dont il raffole et pour l'imposition et l'application de laquelle il s'est démené sa vie durant.
Pour toutes ces raisons, R. Gannouchi n'est pas le père des Tunisiens, mais il est incontestablement celui de la dénommée Soumeïya, tristement célèbre par la fameuse lettre qu'elle a adressée à une bonne partie du peuple tunisien le jour de la commémoration du deuxième anniversaire de la révolution, initiée par son cher papa depuis sa somptueuse résidence londonienne et pour le succès de laquelle le sang islamiste a coulé à flots ! J'ajouterai que R. Gannouchi ne pourrait être le père de personne, en dehors de ses enfants biologiques, parce qu'il se veut le Maître de tous les tunisiens si possible, et rien de plus.
Mais il y a plus important. Voilà pourquoi j'estime qu'il est indispensable d'ajouter, aux évidences que j'ai consignées plus haut, les raisons, d'ordre politique, qui prouvent que R. Gannouchi agit en Maître-Théocrate – une instance supérieure à celle de calife qu'il abandonne généreusement à l'un de ses bras droits – et non en père. Je cite, ci-après, les plus importantes d'entre elles :
* Ce dont les Tunisiens ont réellement besoin, c'est de démocratie. Or, R. Gannouchi s'avère être aujourd'hui le principal fossoyeur de la transition démocratique qu'il a insidieusement exploitée pour mettre en place une nouvelle dictature, une sorte de république de doit divin.
* Celui qui accuse une bonne partie des tunisiens d'être les ennemis de l'Islam, ment effrontément quand il se fait passer pour leur père à tous. Les enfants de Gannouchi sont donc les amis – les alliés – de l'Islam et non ses ennemis. Si nous nous rappelons seulement que, pour R. Gannouchi, l'Islam est la Shari'a, il devient clair que ceux qui se disent les Alliés de la Shari'a ne pourraient lui être que très proches, et qu'il est donc tout à fait normal qu'ils les gratifie de sa généreuse paternité. Les enfants de ce monsieur sont porteurs d'une culture, à laquelle sa gracieuse sainteté adhère pleinement. Les laïcs, quant à eux, seraient les promoteurs d'une anti-culture, celle-là même qui a été à l'origine du désert religieux qui a ruiné la Tunisie, et seraient donc les enfants légitimes de l'auteur de ce désert.
* Après les événements de Châambi, de Kairouan et de la cité Ettadhamen, il n'est plus possible à R. Gannouchi de défendre ouvertement les fauteurs de trouble que sont ses enfants salafistes, d'où cette nouvelle stratégie qui consiste à mettre tout le monde dans le même sac. Cette manœuvre lui permet, entre autres, de se présenter comme le champion du dialogue, face aux adeptes de la solution sécuritaire, chère au dictateur déchu. Cette rengaine, que R. Gannouchi ne s'est pas lassé de mâcher, est répercutée par bon nombre des dignitaires de sa secte, dont un certain Ferjani Doghmani qui, lui, soutient avec toute la mauvaise foi du monde : « l'intégrisme religieux est une réponse à l'intégrisme de gauche ». Ce monsieur a oublié toutefois de mentionner les noms des factions intégristes de gauche qui, comme les chers enfants de son maître, ont bravé l'autorité de l'Etat et ont poussé l'insubordination jusqu'à lui déclarer la guerre !
* Pour persévérer dans son rôle d'avocat du diable, R. Gannouchi ne peut pas se permettre de dénoncer l'extrémisme sans y impliquer d'office les laïcs qui, eux, n'ont jamais eu recours à l'acide, aux armes et aux complots pour déstabiliser l'Etat.
* Si R . Gannouchi tenait absolument à jouer au père de famille, il devrait donc se contenter de ceux qu'il a toujours chouchoutés, c'est-à-dire les salafistes, que ses bras droits Habib Ellouze et Sadok Chourou comblent de leur sollicitude en leur offrant, de temps en temps l'occasion de se ressourcer. Pour ce faire, ces dignes députés de l'ANC invitent des prédicateurs, ignares et haineux, qu'ils reçoivent à bras ouverts et auxquels ils livrent les bataillons des enfants de leur sheihk.
Je me permets, pour terminer, de rappeler à R. Gannouchi que les Tunisiens n'ont pas besoin de père et, encore moins, de prédicateur ou de Messie. Ce dont ils ont un besoin urgent, c'est de dignité, de liberté et de travail. Pour le reste, il revient à chacun de régler sa conscience comme il l'entend. Que R. Gannouchi soit croyant ou athée, cela ne le regarde que lui, et n'intéresse aucunement les Tunisiens. Voilà pourquoi, il serait bon que ce monsieur cesse de jouer au messie inspiré et se contente, comme tout le monde, d'être un citoyen.


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