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Monde arabe, politique : Note sur la désagrégation des Etats nationaux arabes
Publié dans Tunivisions le 27 - 08 - 2013

Je propose rapidement une hypothèse qui me trotte dans la tête depuis un moment, que les événements actuels dans le monde arabe ne cessent de suggérer, me semble-t-il. Prenez cela comme une note, pour une élaboration à venir. Lorsqu'on regarde le paysage actuel du monde arabe, on ne peut qu'être frappé par l'existence d'un processus d'affaiblissement, voire de désagrégation des Etats nationaux arabes. Après l'Irak, c'est la Syrie, l'Egypte est en joue aujourd'hui, l'Algérie est menacée (clairement par le Qatar qui n'est qu'un poisson pilote). La Tunisie est un cas secondaire du point de vue de son importance stratégique, mais paradigmatique de l'édification d'un Etat arabe moderne.
Je ne dis pas qu'il y a un complot orchestré, mais un processus historique, une convergence d'actions de plusieurs côtés, à la fois de l'intérieur des pays eux-mêmes et de l'extérieur. De l'intérieur : il est clair que les mouvements islamistes se caractérisent par leur rejet de l'Etat national en tant qu'institution rationnelle de l'éthique moderne. Tous ces mouvements se fondent sur l'idée que l'Etat national a détruit le Califat. Leur utopie est sa restauration et elle passe, à leurs yeux, par un affaiblissement, jusqu'à la disparition des Etats nationaux ou leur réduction à des Emirats. En Tunisie, Jebali nous en a donné l'exemple vivant, avec son rêve éveillé du commencement du 6ème Califat, au moment du succès d'Ennahda aux élections.
Ensuite, le programme d'Ennahda fut de bout en bout la déstructuration de l'Etat tunisien. La poursuite de la révolution est pour eux la poursuite de la réduction, voire pour certains la liquidation de l'Etat. Je pense que ce qui s'est passé en Egypte est de même nature, mais avec plus d'ampleur. La réaction du peuple égyptien et de l'armée, mettant fin à la désagrégation engagée par les Frères musulmans, correspond à la prise de conscience de ce processus et de la nécessité d'aller à la confrontation avec la confrérie pour l'arrêter. En disant cela, je n'approuve nullement les massacres et la répression aveugle, que j'ai déjà dénoncés. J'explique seulement.
Cette volonté interne trouve preneur de l'extérieur. Les intérêts des puissances occidentales — dont la majorité des gouvernants sont devenus les agents dociles du libéralisme radical, au détriment des intérêts de leurs populations — coïncident avec le projet des islamistes d'affaiblir ou de détruire les Etats nationaux arabes. Car, une fois ces Etats mis à mal, le terrain est libre pour l'exploitation des richesses et la poursuite de la domination. Le libre-échange généralisé, le marché mondial, la spéculation financière radicale ont partout pour visée de mettre à genoux les Etats nationaux, exemple : La Grèce, l'Espagne, le Portugal, etc.
Là, c'est au profit d'une commission européenne, qui n'est ni un Etat fédéral, ni démocratiquement élu. L'application à l'aire arabe de l'affaiblissement de l'Etat ou sa dislocation, relève d'un impératif géopolitique particulièrement important pour les puissances occidentales, et pour Israël. Le contrôle de l'aire arabe, débarrassée des entraves institutionnelles souveraines, et livrée à des milices, des confréries, des firmes, des mafias permet d'atteindre ce but. La démocratie, réduite à la votation, est aujourd'hui l'un des instruments politiques de la désagrégation. Ici il faut entendre la politique, au sens de Foucault, comme la poursuite de la guerre avec d'autres moyens. Car qu'est-ce que la démocratie pour un islamiste, sinon le moyen de détruire l'Etat de droit moderne et d'instaurer le règne du droit divin ? Les gouvernements occidentaux font donc de cette démocratie de singe (comme la fameuse monnaie), un impératif, qui n'est qu'un subterfuge pour détruire la possibilité démocratique réelle dans ces pays, en soutenant l'accès des islamistes au pouvoir. Il s'agit en effet, d'empêcher les élites modernes des pays arabes, issues de démocraties réelles, de devenir leurs interlocuteurs, car ils auraient face à eux des dirigeants bien au fait du jeu du monde actuel, et capables de défendre intelligemment les véritables intérêts de leurs peuples, d'autant mieux qu'ils sont légitimés démocratiquement.
En fait, les puissances occidentales n'ont cessé de retarder cette échéance de diverses manières : hier en soutenant les dictatures, aujourd'hui les islamistes. Ces derniers ont montré en deux ans, aussi bien en Egypte qu'en Tunisie, non seulement une incapacité à assumer les responsabilités gouvernementales, mais une volonté stupéfiante de brader les intérêts nationaux, au service d'une conception de la dignité identitaire et religieuse. Pour le reste, ils ont livré leurs sociétés au chaos du laisser-faire et au jeu sans entraves du libéralisme. Ils constituent pour les puissances occidentales des interlocuteurs encore plus faciles que les dictatures, dès lors qu'ils leur concèdent la satisfaction du narcissisme identitaire. Les puissances occidentales se moquent totalement que les peuples arabes macèrent encore un siècle ou deux dans le jus de l'obscurantisme religieux ; au contraire même, car pendant qu'on se shoote avec Dieu, les affaires se poursuivent hors la conscience des intoxiqués qui réclameront plus de mosquée et plus de prières de trâwih, jusqu'à l'extase baveuse. Probablement, aussi que l'achèvement de l'hégémonie des USA et de leurs alliés sur l'aire arabe, par affaiblissement des Etats est en prévision de la confrontation géostratégique d'échelle avec la Chine.
Les dictateurs des pays arabes ont fait un usage néfaste de l'Etat contre leurs populations et freiné la construction éthique et rationnelle des Etats modernes en tant que garants des droits et des libertés (Cf. la thèse de Ali Mezghani, L'Etat inachevé, Gallimard, 2011). Frustration des élites modernes, désespoir des populations défavorisées qui ont trouvé dans l'islamisme, le moyen d'une contestation radicale et un espoir d'une dignité identitaire et morale. L'affaiblissement des dictateurs a sonné l'heure de leur disparition de la scène. Ils ont servi et ils n'ont pas vu que la sécurité policière qu'ils offraient aux puissances occidentales n'était plus suffisante, que le règne du libéralisme veut du chaos pour installer sa domination. Le temps des bouleversements et des redistributions était donc arrivé.
Un autre processus de mise en cause des Etats arabes comme instrument de tyrannie a été conduit par les couches les plus éclairées de la société, sous le nom de révolution. Elles exigeaient une dignité sociale, économique et politique. Les islamistes en étaient absents, car leur cause est la dignité identitaire et morale par la religion. Les partis politiques qui correspondent à ces couches éclairées n'ont pas su créer les appareils susceptibles de rallier les masses et de gagner leur vote. Le narcissisme des petites différences, les boursoufflures d'égo de leurs chefs, leur appartenance à des générations et un langage politique périmé et décalé par rapport à la jeunesse (qui a peu voté), leur a fait mordre la poussière. Ils portent la responsabilité d'avoir facilité la prise de pouvoir par les islamistes. Tous les moyens de l'affaiblissement de l'Etat ont été utilisés par les islamistes : remplacement systématique par des incompétents (leurs partisans) des hauts cadres de l'administration, maintien d'un certain niveau de violence et de déstructuration de l'appareil de sécurité, tolérance des groupes pré-terroristes ou terroristes, entraves aux enquêtes sur les assassinats politiques, paralysie du rôle de l'Etat dans la gouvernance économique. C'est la société civile qui a compris que la lutte contre les islamistes doit être menée au nom de l'Etat national, pour le sauver, et qu'il fallait le conjuguer avec les droits de l'homme et des libertés. En Tunisie, les femmes vêtues du drapeau tunisien sont à l'avant-garde de ce mouvement.
Malgré le soutien massif et évident des peuples aux mouvements de la société civile, et leur rejet des gouvernements islamistes, les pouvoirs occidentaux (gouvernements, médias, puissances financières) continuent à privilégier l'alliance avec les islamistes, comme naguère avec les dictateurs.


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