« Les sociétés rejettent cruellement, depuis toujours, ce que la biologie commande de rejeter. Elles rejettent le malade, le difforme, le dangereux, le voleur, le tricheur, le déviant ». Laurent Obertone, La France Orange mécanique, p. 163 La Tunisie est en très mauvaise posture. C'est en substance ce que le premier ministre Mehdi Jomoâ a essayé de faire comprendre aux Tunisiens lors de sa première sortie médiatique. La situation financière est au plus bas et elle pourrait empirer. Si le pire advenait, on se retrouverait aux prises avec une banqueroute carabinée. Le diagnostic est certes désolant, mais il est authentique assurent les spécialistes et les experts. Une solution, et une seule, ajoutent-ils, est offerte à la Tunisie pour éviter un naufrage imminent : se remettre au travail et se contenter de l'essentiel. Et encore ! Ces solutions draconiennes auraient dû être envisagées un peu plus tôt. Le prix à payer serait ruineux et lourd de conséquences : la Tunisie risque de perdre sa classe moyenne. Il s'agit là d'un constat, l'un des plus objectifs qui ait été dressé depuis longtemps. Mais il s'agit également d'un constat de crime et non celui d'une catastrophe naturelle. Le crime en question a été perpétré par les deux gouvernements troïkiens consécutifs, ceux de Jebali et de Lareïdh. Face à un tel constat, il est insuffisant, voire irresponsable, de se contenter de constater le crime et de le dénoncer auprès de ceux qui en ont subi les revers désastreux. Bien plus, pour limiter les dégâts, des sacrifices supplémentaires sont exigés des victimes, en l'occurrence la classe moyenne qui, selon les analyses d'éminents économistes, n'existe quasiment plus ! Or, dans un cas pareil, et après avoir établi les faits et collecté les indices susceptibles d'élucider le délit, il est de règle de procéder à une enquête pour déterminer la nature du crime et son ou ses éventuels auteurs. Dans le cas qui nous retient ici, il s'agirait d'un crime économique qui serait la conséquence fatale de la mauvaise gestion, menée tambour battant par les deux gouvernements « légitimes », issus des élections du 23 octobre 2011. Une fois établi ce constat, et afin de déterminer les responsabilités, les prévenus devraient être convoqués par les instances juridiques compétentes et soumis aux interrogatoires de routine. Rien de cela n'a été fait, et il n'y a rien qui présage qu'il puisse être entrepris prochainement. Pire encore. Certains des responsables du désastre sont encore en poste et continuent peinardement leur œuvre de dissolution. Il ne revient pas aux nouveaux dirigeants politiques du pays d'arrêter les « coupables » et de leur demander des comptes, mais il leur revient de prendre les décisions judicieuses qui mettraient fin à l'hémorragie financière. Pour ce faire, des sacrifices, des plus sévères, devraient être exigés des vestiges du système troïkien, en l'occurrence la présidence de la république et l'Assemblée Nationale Constituante. Ces deux institutions, illégitimes et incompétentes, devraient payer pour les préjudices qu'ils ont causés à la Tunisie. Une première mesure s'impose : leurs budgets respectifs devraient être revus à la baisse. Les Tunisiens ont-ils vraiment besoin, dans l'état actuel des choses, d'un président dont l'unique souci (un souci qui, chez lui, relèverait de l'obsession) est de mener son éternelle campagne électorale aux frais du contribuable ruiné ? Pourquoi le pays devrait-il continuer de payer les émoluments de la légion de conseillers et de porte-parole qui gravitent autour d'un président provisoire qui n'a que du vide à gérer ? Pourquoi le contribuable devraient payer les frais de voyage d'un président qui se plaît, à chacune de ses expéditions, d'insulter ouvertement le peuple qui le nourrit ? Pourquoi maintenir en vie une institution dont la disparition passerait inaperçue tellement elle a té avilie par les agissements de celui à qui incombe le devoir de la préserver ? Le cas de l'ANC ne diffère pas, sur l'essentiel, de celui de la présidence. Mais sa responsabilité, dans la dégradation de l'état du pays au cours de deux années précédentes, est patente. Tout d'abord parce qu'il est l'auteur du subterfuge juridique qui a été à l'origine de l'émergence de la troïka, de triste mémoire, et des forfaits que cette dernière, sous couvert de « légitimité », a perpétrés en toute impunité. Aux crimes économiques, aujourd'hui évidents, il conviendrait d'ajouter un éventail de crimes sociaux, culturels et moraux que l'ANC a autorisés par son laxisme, sa complaisance, voire sa complicité. Il ne faut pas perdre de vue que la troïka (cette machination politique qui s'est faite à l'insu des Tunisiens et aux dépens de leurs intérêts majeurs) ne devrait régner (je dis bien régner) qu'une année. L'ANC, lui aussi, était tenu de clôturer ses travaux en l'espace d'une année. Or, non seulement il est toujours là, mais il prétend toujours jouir des mêmes prérogatives et entend les exercer à l'encontre du gouvernement de Mehdi Jomoâ. Entretemps, les contribuables, saignés à blanc, devraient payer les expéditions des « députés » qui s'activent à défendre des malfrats ! Il ne suffit pas de dénoncer un délit si grave, il est impératif de demander des comptes à tous ceux qui ont été mêlés, de loin ou de près, à ce crime d'Etat. Il est impératif également d'exiger des sacrifices de ceux qui sont capables de les consentir. Ceux-là ne le feraient pas de bon cœur, mais il leur revient, à eux, de subir, en priorité, les conséquences de leur mauvaise gestion. Il est injuste que la Tunisie continuent de payer un président oisif et des « députés » soucieux de bloquer les efforts de ceux qui s'escriment aujourd'hui pour réparer les torts de leurs prédécesseurs. L'ANC, nous ne le répèterons jamais assez, est l'arme meurtrière dont se serviront les fossoyeurs de la Tunisie pour l'achever une bonne fois pour toutes et y installer le chaos. C'est Rached Gannouchi en personne qui a annoncé publiquement ce scénario en répétant, à maintes reprises, que sa redoutable confrérie ne gouvernera plus, mais règnera toujours ! Maintenir la présidence et l'ANC en vie revient à fournir au président islamiste, dont le mouvement est à l'origine du désastre, les moyens de réaliser sa désolante « prophétie ».