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Chronique, Le mot pour le dire : Le Caméléon Providentiel !
Publié dans Tunivisions le 29 - 04 - 2014

« N'aie point un sentiment dans ton cœur, un autre sur tes lèvres. Ne ressemble pas au caméléon qui change de couleur comme de place ».
Phocylide de Milet
Rached Gannouchi aurait réussi l'exploit de surprendre tout le monde, ses alliés comme ses opposants. Sur l'affaire des pèlerins israéliens – cette aubaine, ô combien épineuse pour les légions de politicards désœuvrés ! –, sa position est loin d'être celle à laquelle on s'attend d'un gourou de son envergure. Là où il devrait briller par son intransigeance, il s'est illustré, tout au contraire, par son indulgence, voire sa tolérance, ce qui ne pourrait qu'arranger son image de marque personnelle et, plus important encore, celle de son parti. La polémique suscitée autour de cette affaire, déclare-t-il en substance, ne pourrait que compromettre la saison touristique. Et du coup, le patron d'Ennahdha tire en plein dans le mille. Il réussit un véritable coup de maître qui a mis partout le feu aux poudres !
Les plus prompts des interprètes y ont vu l'illustration magistrale de la sempiternelle duplicité islamiste. D'autres ont été plus loin : c'est d'opportunisme politique qu'il s'agit, selon eux, qui cible autant l'intérieur que l'extérieur, mais le second plus que le premier. D'autres encore, les plus perspicaces peut-être ou les plus fantasques, y ont vu la preuve que le gourou, qui serait, ainsi que son mouvement, en train de perdre pied, tente de sauver les meubles en faisant les concessions stratégiques qui s'imposent. Différentes en apparence, ces lectures semblent s'entendre toutefois sur le fait que les propos de R. Gannouchi ne sont pas à prendre à la lettre, pas tellement à cause de la duplicité qui fait partie intégrante du discours islamiste, mais parce que, comme tous les politiciens, le président d'Ennahdha ne dit jamais ce qu'il pense vraiment.
Il serait bon de rappeler que, en dehors de cette affaire, assez particulière en somme, R. Gannouchi a toujours eu des positions imprévisibles parce qu'elles ne sont pas toujours conformes à la ligne idéologique dominante de son parti. C'est vraisemblablement pour cette raison que des rumeurs persistantes laissent entendre que sa popularité, au sein des siens, a décliné dangereusement comme semblent le confirmer les critiques acerbes répercutées par les face bookers d'obédience islamiste. Faut-il accréditer l'opinion selon laquelle R. Gannouchi déçoit de plus en plus la jeunesse exubérante et exigeante de son mouvement ? Il s'agirait en somme d'une sorte de conflit de générations qui secoue le mouvement Ennahdha et dans lequel ce sont paradoxalement certains leaders historiques, Gannouchi en tête, qui seraient favorables à un renouveau idéologique du mouvement dont l'objectif ultime est de séparer, dans ce dernier, la part de la politique de celle de la prédication.
Mais il n'y a pas suffisamment d'éléments susceptibles d'étayer cette hypothèse, en vogue chez les adversaires politiques d'Ennahdha qu'arrangeraient d'éventuelles scissions au sein de ce mouvement. Sans compter que, dans leur ensemble, les prises de position du mouvement sont assez concordants sur les questions idéologiques de principe, dont en particulier le caractère civil de l'Etat, l'application de la shari'a, le code de l'état civil. Concernant ces dossiers litigieux, la stratégie d'Ennahdha est de se prononcer indirectement, par le biais de ses satellites directs et indirects. Cette démarche lui offre la possibilité de se rétracter sans trop de dommages. C'est là d'ailleurs une stratégie qui s'est avérée, il faut bien le reconnaître, bien payante, sans compter qu'elle permet aux islamistes de s'adonner à leur art de prédilection, qu'est la duplicité, sans éveiller les soupçons puisqu'ils tiennent à chacun, de leurs partenaires, le discours qui répond le mieux à ses attentes.
R. Gannouchi est passé maître dans ce genre de gymnastique. Il semble même que ce soit là, chez lui, une sorte de vocation qu'il a su affiner grâce à sa longue expérience politique et sa connaissance du monde extérieur. Il s'agit là, à notre avis, d'une stratégie concertée et non d'une vulgaire démarche de duperie. C'est cela qui explique le caractère pragmatique de cette démarche où les principes importent beaucoup moins que leur impact politique présumé. Il semble donc que, dans l'affaire des pèlerins israéliens, la position libérale de R. Gannouchi se fonde sur le fait que le camp des intransigeants, qui compte plus de quatre-vingt signataires au sein de l'ANC, pourrait se passer de l'appui d'Ennahdha. Cette dernière marquera de bons points au détriment du parti Jamhouri qui se serait joint, d'après les dernières nouvelles, à l'équipe des purs et des durs !
Il ne serait pas juste de reprocher à R. Gannouchi sa versatilité, et cela pour la simple raison qu'on ne pourrait pas reprocher à un caméléon de changer de couleur. La duplicité relèverait, pour les islamistes, d'une sorte d'instinct de conservation. Sans elle, ils seraient acculés, tôt ou tard, à un véritable suicide politique. Il importe de préciser cependant qu'aux yeux d'un islamiste authentique, comme c'est en effet le cas pour R. Gannouchi, la versatilité est loin d'être un tort politique, encore moins un péché puisqu'il est permis au croyant de recourir à la ruse, en temps de guerre comme en temps de paix, pour triompher de ses ennemis.
Si le mal est l'unique voie qui puisse faire triompher le bien suprême, le croyant authentique – qui correspond, dans ce contexte, à l'islamiste – ne doit pas se laisser détourner de son devoir par des scrupules vains et surannés. Dans l'affaire des pèlerins israéliens, la stratégie exige que soient ménagées les susceptibilités extérieures, en particulier celles des alliées américains. Cet objectif importe plus, aux yeux d'un R. Gannouchi, que celui de devoir plaire à l'opinion publique locale que bien d'autres partis se plaisent à courtiser, sans compter que le bloc parlementaire nahdhaoui, au sein de l'ANC, n'est pas obligé de suivre les consignes de son gourou. En cas de besoin, il prêterait main forte, entièrement ou en partie, au bloc des ultras !
Ceci dit, il serait plus juste, à notre avis, de reconnaître que R. Gannouchi, dans cette affaire comme dans les précédentes, ne parle pas à la légère et que, en dépit des contradictions apparentes, il semble avoir de la suite dans les idées. En prenant la défense du tourisme, un secteur que ses adversaires l'accusent de vouloir sciemment démolir (on devrait se rappelez, à ce propos, les déclarations rocambolesques d'un certain Abou Ya'rab Marzouki, une autre antenne qui a fait son temps !), il fait d'une pierre deux coups, sinon plus. Il disculpe son mouvement de l'ignominieuse accusation selon laquelle il fait passer les intérêts de son mouvement avec ceux de la nation et démontre, du coup, que la crise économique et les risques de banqueroute sont l'œuvre des ultras, dont Ennahdha ne fait manifestement pas partie !
Ainsi, le mouvement ne perd rien sur la scène intérieure et consolide son capital de sympathie à l'extérieur. La stratégie est d'autant plus ingénieuse qu'il est donné au mouvement islamiste, démocratie interne oblige, de se démarquer toujours de son chef. La position de R. Gannouchi, dans l'affaire des pèlerins israéliens, comme c'était d'ailleurs le cas dans bien d'autres, ne reflète pas forcément celle de son mouvement. Peu de partis, en dehors d'Ennahdha, peuvent se targuer d'offrir, à leurs militants, une aussi importante marge de liberté ! Voilà pourquoi R. Gannouchi ne s'offusquerait point d'être traité de caméléon. Si le fait de caméléoner de la sorte s'avère profitable au triomphe de leur mouvement, les nahdhaouis ne pourront qu'approuver et appuyer leur chef, ce caméléon providentiel !


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