L'école est théoriquement sensée développer, sur les bases des valeurs de la modernité et de l'humanisme, la personnalité de l'apprenant dans toutes ses dimensions : morale, affective, mentale et physique, affiner ses dons et ses facultés et lui garantir le droit à la construction de sa personne d'une manière qui aiguise son esprit critique, sa confiance en soi, son sens de l'initiative et sa créativité. Elle est également appelée à élever les jeunes dans le goût de l'effort et l'amour du travail considéré comme valeur de civilisation. Cependant l'actualité et les faits divers scolaires montrent bien que l'école (niveau primaire, secondaire, supérieur) ne cesse d'échouer dans l'instruction morale des apprenants. Arrogance des élèves, altercations verbales entre enseignants et apprenants, violence à l'encontre des enseignants. A tous ces phénomènes, il faut ajouter les tentatives de copiage, le copiage, les photocopies en en miniature des cours susceptibles de faire l'objet de certains sujets d'examens et l'utilisation à mauvais escient de nouvelle technologie. High-tech pour la triche aux examens. Avec comme nouveau phénomène : la création d'une page facebook spécialisée dans les fuites du baccalauréat 2014. Des évolutions et des phénomènes qui interrogent les pédagogues et qui interpellent les sociologues. Mais à qui la faute ? Aux élèves ? Au corps enseignant ? A l'école ? Aux parents ? A un défaut d'utopie et de rêve dans l'esprit des élèves ? Aux valeurs marchandes qui ont conquis l'école et les enseignants et qui dominent les rapports sociaux? A une représentation sclérosée de l'école ? A l'ascenseur social qui est en panne ? Au chômage des diplômés du supérieur ? Voilà des questions qui montrent qu'avant de se mettre à « faire la morale » aux uns et aux autres, il faudrait peut-être oser poser les questions qui fâchent et que ceux qu'on voit de plus en plus sur les plateaux de télévision réduire la crise de l'école aux « méthodes de triche » commencent d'abord par balayer devant leur porte. Au fond, ce ne sont pas les élèves qu'il faut moraliser mais le monde adulte et la société tout entière. Un véritable débat sur la morale à l'école peut-il réellement être engagé indépendamment d'un débat sur la morale dans la société ? L'école n'est pas « Robinson Crusoé » qui finit par retrouver son «Vendredi ». L'approche morale de ce qui se passe à l'école est juste quand elle suggère que l'état des rapports sociaux dominants au regard des valeurs est susceptible d'avoir les répercussions les plus désastreuses sur l'école. Donc, chercher à trouver des éléments de réponse au questionnement qui engage l'évolution négative du comportement des apprenants à l'école, implique impérativement d'éviter tout malentendu et toute vue restrictive du problème. Un débat de fond sur cette question ne peut pas se limiter à « faire la morale aux enfants ». Le phantasme du retour à l'approche normative ne peut que bloquer la réflexion sur les maux qui rongent l'école. Le dépassement de ces maux appelle une culture éthique qui aurait pour objectif pédagogique et intellectuel non pas de formater l'esprit et le comportement des apprenants mais de leur donner les moyens théoriques et pratiques de saisir par eux-mêmes les enjeux de la morale et des valeurs dans la vie éducative, personnelle et sociale. C'est seulement de cette façon qu'on arrivera à développer chez les apprenants l'aptitude raisonnée et consciente à choisir une option d'ordre éthique dans la vie. Cette capacité à l'autonomie éthique serait la forme accomplie de la liberté et de la responsabilité au sein de l'école telle qu'on peut la désirer, la vouloir et la construire. C'est de cette façon que peuvent s'ouvrir les perspectives larges pour école aux finalités fortes d'égalité de liberté, de responsabilité et de réussite connectée aux réalités sans concessions du quotidien et, donc, une éducation toujours en recherche, une éducation toujours nouvelle. Autant de perspectives qui, traditionnellement tenues à la marge par les réflexes du formalisme officiel, sont à mettre en mouvement sur des terrains multiples. Pour que les apprenants se partagent les valeurs de l'effort et de travail. Et non pas les comportements de violence/contre-violence et de triche.